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Voici le dernier volet de la trilogie écrite par Thomas Mullen, consacrée à l'Atlanta d'après-guerre. Je l'attendais avec impatience car les deux précédents ( Darktown et Temps noirs ) étaient des polars historico-politiques de haute volée. Ce Minuit à Atlanta est clairement de la même qualité, combinant avec brio une intrigue policière dense et une reconstitution précise et brûlante des tensions raciales dans l'Etat sudiste de l'Alabama. Je précise que ce tome se lit très bien indépendamment des autres.

Cette fois, l'intrigue se déroule en 1956 dans un contexte houleux, parfaitement présenté, toile de fond idéale pour dramatiser le récit. La déségrégation scolaire est en marche depuis l'arrêt Brown vs Board rendu par la Cour suprême en 1954, mais son application est freinée par les hostilités déclenchées par ceux qui estiment qu'inclure des enfants noirs dans des écoles de blancs mettra en péril le mode de vie américain. 1955-56, c'est également la montée en puissance de la mobilisation pour les droits civiques depuis l'arrestation de Rosa Parks : émerge figure du jeune pasteur Martin Luther King, originaire d'Atlanta qui devient avec Montgomery l'épicentre de la lutte, au moment où il théorise les procédés de non-violence et de désobéissance civile par le boycott des bus.

A partir de là, Thomas Mullen a imaginé une enquête policière noueuse, complexe et dense, emplie de fausses pistes intelligentes, de faux-semblants révélateurs du terreau social explosif dans ces Etats du Sud. le directeur du seul journal noir influent de la région a été assassiné. Tommy Smith, anciennement un des premiers officiers de police noirs d'Atlanta, devenu journaliste, décide d'enquêter en douce sur la mort de son patron, parfaitement conscient que les enquêteurs blancs bâcleront l'affaire, d'autant plus que l'épouse a été érigé en coupable idéale sans aucune preuve.

Tout va être compliqué, entre le jeu trouble et peu lisible d'agents du FBI, une justice, une police rongées par la corruption et le racisme, des promoteurs immobiliers de mèche avec la mafia, avides de s'emparer de terrains urbains dévolus aux Noirs, sous le regard d'une municipalité complaisante. Mais au-delà de l'intrigue policière impeccable, je retiens tout particulièrement la volonté de l'auteur de ne jamais sombrer dans un manichéisme peut-être rassurant mais peu intéressant. Dans ce troisième volet, Thomas Mullen éclaire avec une acuité extra-lucide toute la complexité de la question raciale aux Etats-Unis : ses liens avec le communisme en pleine chasse aux sorcières mais aussi les tensions qui existaient et existent encore au sein de la communauté afro-américaine, tiraillée entre ses activistes parfois jusqu'au-boutistes et les partisans d'un compromis, entre les privilégiés et la plèbe.

Et puis, il y a ces formidables personnages, tous moralement complexes : Arthur Bishop, le directeur du journal, dont on découvre progressivement les secrets du passé ; Tommy Smith, le flic devenu journaliste, plus idéaliste que ne le laissaient paraître les précédents opus ; et surtout Joe McInnis. C'est lui qui est dans la lumière et c'est tant mieux. Lui le lieutenant blanc qui s'était retrouvé , puni, à la tête du premier département noir de police, d'abord accablé par la fonction, et qui finit par changer au contact de ses coéquipiers noirs au point d'apparaître comme un traître derrière les lignes ennemies. Juste superbe de la voir évoluer dans cet environnement âpre, violent et brumeux.

En fait, Minuit à Atlanta est tout l'inverse d'une fiction d'évasion qui ne vise qu'une plaisante récréation. Avec son style sobre et sincère, le roman force le lecteur à affronter la laideur du monde, quitte à lui faire bouillir le sang. Remarquable.
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Voilà, c'est fini...
Minuit à Atlanta clôt cette trilogie historique consacrée aux premiers flics noirs d'Atlanta des années 48 à 56.
L'agent Smith a quitté l'uniforme pour devenir journaliste et exerce son métier avec la même fougue et la même implication. le coup de projecteur est mis sur le quatrième pouvoir. Mais on parle là, d'un journal pour les Noirs, alors peut- on véritablement parler de "pouvoir "? Smith se débat pour faire émerger la vérité lorsque son patron de presse est assassiné et que sa veuve est accusée. En tant que flic , il n'avait aucune latitude pour interroger des suspects blancs, l'histoire se répète cruellement : en tant que journaliste noir, c'est idem, il doit composer, la jouer finement, ruser, contourner... Mais Smith est plutôt fonceur et parfois , il se fait défoncer ...
Aidé de ses informateurs dans la police, dont son ancien chef (Blanc) , il devra composer avec le FBI, les Détectives de l'Agence Pinkerton, ses collègues blancs racistes , la chasse aux sorcières..
Un bouquet final, tout aussi riche et passionnant que les précédents .
En tant que lectrice , j'aurais bien signé pour des tomes supplémentaires racontant l'après années 50...
En tant qu'auteur, Thomas Mullen a déclaré le clap de fin, j'ai hâte de savoir où sa plume l'aménera...
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Après « Temps noirs » , encore un gros coup de coeur pour cet auteur et cette série.
Nous sommes toujours à Atlanta en 1956, les lois ségrégationnistes sont toujours en vigueur mais déjà Rosa Parks fait parler d'elle et son boycott des bus s'étend dans la société noire.
Le directeur d'un journal noir d'Atlanta, l'Atlanta Daily Times, est assassiné.
Tommy Smith, ancien policier devenu journaliste, enquête sur ce meurtre parallèlement à la police.
Comme dans « Temps noirs », nous retrouvons aussi McInnis, le lieutenant blanc intègre d'une équipe de policiers noirs, qui se bat pour que ses hommes soient aussi légitimes que les policiers blancs.
Dans l'enquête sur le meurtre du directeur du journal, différentes pistes sont étudiées.
L'article du journal sur le viol d'une jeune femme blanche par un noir. le dit-noir étant le petit ami officiel de la jeune fille blanche, le journal a pris clairement position pour lui et le journaliste a reçu des menaces de mort…
La présence dans les financeurs du journal d'un investisseur promoteur d'une réorganisation urbaine pouvant générer des profits considérables.
Et enfin une vieille histoire ressort, celle d'un blanc qui, il y a trente ans, s'est vanté d'avoir tué un domestique noir sans avoir été inquiété…
Ajoutons à cela la présence du FBI qui essaie d'utiliser les policiers comme indics, et celle, inexpliquée, de détectives de l'agence Pinkerton…

L'ensemble donne une excellente saga policière sur les Etats-Unis de ces années-là, avec des personnages fouillés et nuancés, un contexte décrit avec précision, et une intrigue qui tient la route.
Cette série (il me reste le premier volume à lire), est une véritable fresque de la société américaine des années cinquante qui a été comparée aux livres d'Ellroy.
Société, violence, police, moeurs, tout est brillamment décrit en mêlant fiction et faits historiques, et donne un tableau sombre mais certainement réaliste de l'époque.
Bravo à Thomas Mullen qui, je l'espère, nous offrira bientôt la suite !
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♫ One night in Atlanta makes a humble man hard ♪ (1)

Une nuit dans le quartier de Darktown (Atlanta) pourrait rendre un homme humble, dur. Car la vie dans le quartier pauvre n'est pas facile.

Les habitants, Noirs, doivent se battre tous les jours contre les injustices, les non-droits, les brimades des Blancs, les manques de moyens des écoles…

Lorsque tu penses que cela va aller mieux, les Blancs en rajoutent une couche pour que les Noirs restent bien à leur place, loin d'eux. Bref, la vie n'est pas simple.

Les deux romans précédents étaient consacrés à notre duo de flics Noirs, Lucius Boggs et Tommy Smith. Ce dernier a démissionné de la police afin de rejoindre l'Atlanta Daily Times, principal journal noir d'Atlanta. Peut-être qu'en tant que reporter, il pourra faire évoluer certaines mentalités, dénoncer des injustices…

Cela m'a fait drôle de ne plus avoir Smith aux côtés de Boggs. J'aimais leur duo, diamétralement opposé et qui fonctionnait pourtant bien, avec ses hauts et ses bas. Heureusement, Tommy n'a pas oublié ses anciens réflexes de flic et lorsque son boss, Arthur Bishop, se fait assassiner dans son bureau, il va mener l'enquête et découvrir des choses…

Une fois de plus, l'auteur frappe en grand coup avec ce roman noir, bien que différents des autres. Nous aurons toujours des entrées dans le poste des policiers Noirs, nous suivrons l'enquête de leur lieutenant, mais nous passerons plus de temps avec le journaliste Smith et dans l'enceinte de son journal.

C'est une page d'histoire que l'auteur nous ouvre, sortant les squelettes des placards, la pourriture des pages américaines, avec le racisme, la ségrégation, l'absence de droits pour la population Noire.

Un vent de révolte souffle sur l'Amérique, les temps changent, ou veulent changer. À Montgomery, les Noirs boycottent les bus, Rosa Parks a refusé de céder sa place à un Blanc, on parle de déségrégation dans les établissements scolaires, que des Noirs pourraient aller étudier dans les écoles des Blancs. Et ça, les Blancs n'en veulent pas.

Il est à noter que les termes utilisés par certains personnages pour parler des Afro-américains est le "N word", ce qui pourrait choquer les adeptes de la cancel culture ou toute autre personne qui ne veut pas entendre, qui ne veut pas savoir. le mot est choquant, bien entendu, mais en 1956, si les Blancs avaient utilisé le terme politiquement correct, ce serait un putain d'anachronisme !

Ce roman met aussi en lumière les difficultés pour des Blancs de fréquenter des Noirs (et vice-versa), ce qui était hyper super mal vu à l'époque. Joe McInnis, le lieutenant Blanc, responsable des policiers Noirs, en sait quelque chose. Ce troisième opus le met un peu plus en avant.

Lui n'utilise pas les vilains mots pour désigner les Noirs, mais il est sans cesse sur la corde raide. Ses policiers Noirs voient en lui un Blanc et les Blancs voient en lui un ami des Noirs (ils utilisent l'autre mot, bien entendu). Il n'est pas facile d'être le seul face aux autres. Comme le disait Dumbledore "Il faut du courage pour affronter ses ennemis, mais il en faut encore plus pour affronter ses amis".

Personne n'est atteint de manichéisme, dans ce roman sombre, tout le monde évolue comme il le peut, dans un monde où l'injustice règne en maître, ou les Blancs ne veulent pas perdre leur hégémonie, partager leur ville ou leurs écoles avec des Noirs et où ces derniers ne demandent pas grand-chose, juste d'avoir des conditions décentes de vie.

Sans jamais sombrer dans le pathos, l'écriture de Thomas Mullen est trempée dans l'acide, sa plume est une épée qui tranche mieux que le fil affuté d'un poignard.

Il dénonce, sans pour autant que les procès soient à charges, mais il ne se prive pas de dénoncer la laideur de la société américaine des années 50 (et même de l'après Première Guerre Mondiale où on lynchait des soldats Noirs vétérans de la Grande Guerre).

L'enquête est complexe, aura des ramifications un peu partout et nos enquêteurs auront bien du mal à trouver le coupable du meurtre et à mener des investigations alors que les flics Blancs ont déjà bétonné le dossier en accusant une possible innocente. Il faudra rester concentré sur sa lecture.

Un roman noir décrivant une période encore plus sombre, mais ô combien réaliste. Une trilogie explosive, que j'ai lue avec grand plaisir, même si j'avais les sangs qui bouillonnaient.

(1) One night in Bangkok de Murray Head – après une mini transformation.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Avec ce troisième opus de cette saga policière, Thomas Mullen continu de nous plonger dans la brigade de policiers noirs au coeur de la ville d'Atlanta. Les changements entre les blancs et les noirs se font très lentement mais le vote de la déségrégation met le feu au poudre. C'est dans ce contexte que le patron du premier hebdomadaire noir est retrouvé mort dans son bureau, qu'un jeune noir est accusé de viol sur une blanche alors qu'ils vivaient une histoire d'amour... Une enquête prenante qui questionne Tommy Smith alors qu'il a rendu son badge de flic pour se devenir reporter mais aussi de McInnis sur son avenir en tant que lieutenant blanc ayant la charge de policiers noirs.

Ce nouveau roman policier met en avant ces flics encore plus que les précédents sur leur remise en question et le bien fondé de leur travail. Tout ça est mis en relief par la période où se déroule l'intrigue. On est en 1956, quelques années après Temps noirs et Darktown. C'est toujours un plaisir pour moi de lire la plume de Mullen. C'est une écriture maîtrisée qui retranscrit le contexte explosif de l'époque et du mouvements des droits civiques.
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Le hasard de la lecture m'a fait découvrir ce troisième volume de la trilogie de Thomas Mullen sur les flics noirs d'Atlanta juste après la lecture des Récits de la Kolyme de Chalamov. Nous sommes à peu près à la même époque. Alors que l'Est goutait aux joies du goulag, le sud américain s'empêtrait dans une ségrégation nauséabonde qu'il n'a pas fini de payer. On rêve de sociétés apaisées, mais l'homme est hélas capable de s'inventer bien des maux.
Minuit à Atlanta, est donc le dernier volume (paru à ce jour) de la série Darktown, qui met en scène les premiers flics noirs d'Atlanta dans un contexte de ségrégation raciale et de luttes pour les droits civiques (années 50).
D'un point de vue polar, rien à dire : c'est efficace, on tourne les pages avec impatience et on suit des héros sympathiques dont le portrait creusé n'en fait ni trop, ni trop peu.
D'un point de vue historique, c'est passionnant. C'est ce qui donne au roman sa puissance. Thomas Mullen présente une société abominable, empli de personnages assez réalistes. Il n'en fait pas trop et le regard ne tombe pas dans le manichéisme ni dans l'angélisme. J'avais beaucoup aimé Darktown, un tout petit peu moins Temps Noirs et j'achève par mon préféré.
Thomas Mullen est un auteur qui vaut le détour.
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Après avoir lu Darktown et Temps noirs du même auteur, j'attendais avec impatience de découvrir ce nouveau roman qui allait me permettre de retrouver des personnages connus dans un contexte historique bouillonnant aux Etats-Unis. Nous sommes en 1956, les policiers à peau noire dérangent toujours autant. Les lois Jim Crow qui ont introduit la ségrégation dans les services publics, les lieux de rassemblement etc, sont toujours bien présentes. Mais l'Arrêt Brown est arrivé et il est considéré comme une étape décisive du mouvement américain des droits civiques pour obtenir l'égalité citoyenne des Afro-Américains. Une avancée qui n'est pas du goût de tout le monde (surtout des blancs …), on s'en rend vite compte en lisant ce roman….
Thomas Mullen tisse son récit avec des personnages fictifs évoluant dans une période historique qu'il a soigneusement étudiée. Cela représente sans aucun doute une somme de travail colossal, c'est impressionnant ! On croise çà et là des événements réels et toute son histoire sonne vraie. C'est ce que j'apprécie par-dessus tout dans ses écrits. On a vraiment l'impression de vivre les situations. On ressent les tensions, la peur, les petites victoires. On se révolte avec ceux qui luttent, on serre les poings, on hurle devant tant d'injustice, de mauvaise foi, de mensonges et de manipulation. Cet auteur me bluffe tant ses livres sont empreints de véracité, d'humanité, de profondeur.
Smith a fait partie du contingent des premiers policiers noirs mais il a démissionné et il est devenu reporter criminel pour un « journal noir » plutôt actif. Il se sent plus libre ainsi pour agir.
« Peut-être le meilleur moyen de réformer le système était-il de l'extérieur, après tout. Peut-être était-ce mieux comme ça. Peut-être n'avait-il pas simplement abandonné. »
Assez séducteur, il vit seul dans un petit espace car son salaire est peu élevé. Il est resté un peu en contact avec McInnis, son ancien chef, un blanc qui a appris à connaître ceux qui travaillent sous ses ordres et qui, petit à petit, leur a fait confiance. Son regard sur ces hommes a évolué au fil du temps et il s'est attaché à eux en quelque sorte. Pourtant, ce n'est pas simple, son rôle est mal vu par les autres blancs (dont certains très proches du Klan) qui se moquent de lui et de son équipe.
Un soir, Smith reste tard au journal et il s'endort. C'est un coup de feu qui le réveille et il monte vite à l'étage où Bishop,le directeur travaillait. Il est mort et Smith appelle aussitôt McInnis. Smith va très vite se retrouver en position d'accusé et il va lui falloir mener l'enquête pour comprendre ce qui a pu se passer, d'autant plus qu'il réalise que les policiers blancs n'ont pas l'intention de creuser. Beaucoup de personnes semblent s'intéresser à cette affaire et pas forcément pour les bonnes raisons, certaines fuient le contact notamment lors des funérailles. Que cachait Bishop ? L'atmosphère est électrique, pourquoi le FBI se mêle-t-il de ce fait ?
Smith et ses anciens coéquipiers vont mener des investigations en parallèle. Les événements sont articulés avec intelligence, les ressentis et les descriptions sont précises. le rythme ne faiblit pas et chaque fois que quelque chose de nouveau se produit, on se demande où cela va nous entraîner.
L'écriture est puissante (merci au traducteur, qui n'est pas le même que pour les romans précédents, les a-t-il lus avant de traduire pour apprivoiser ambiance et individus ?), le texte étoffé, complet. On apprend énormément sur l'histoire du pays en découvrant ces aventures. L'enquête est loin d'être simple, les fausses pistes et les ramifications sont nombreuses, la vie passée de chaque protagoniste va intervenir de différentes façons, tout cela rend le texte de plus en plus addictif. Les protagonistes sont tous intéressants dans leur évolution, notamment McInnis, ils ont leurs failles, ils sont humains donc imparfaits.
Je suis totalement fan de Thomas Mullen et j'ai hâte de découvrir d'autres recueils qu'il a écrit (en plus il semblerait que les trois que j'ai cités vont être adaptés au cinéma…)

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Après Darktown et Temps noirs, ce roman est le troisième volet de cette excellente trilogie d'Atlanta de Thomas Mullen.

Le temps est passé, nous sommes en 1956, et la brigade de policiers noirs est toujours là, obtenant peu à peu les droits de leurs collègues blancs, à défaut de leur respect. Ainsi leurs vestiaires sont passés du sous-sol du YMCA voisin au sous-sol du commissariat ! (au moins ont-ils le droit d'entrer dans ce bâtiment). Mais les tensions sont loin d'être retombées, bien au contraire, surtout depuis un décret de la Cour suprême, obligeant les écoles de tous les États-Unis à intégrer en leur sein tous les élèves, quelle que soit leur couleur de peau. Et la lutte pour les droits civiques ne fait que commencer, notamment à Montgomery, où une certaine Rosa Parks a refusé de céder sa place dans un bus à un homme blanc. Depuis, la communauté noire boycotte les bus de la ville, sous l'autorité d'un jeune pasteur charismatique, Martin Luther King Jr.

Et c'est dans cette atmosphère électrique que le rédacteur en chef du seul quotidien noir du pays, l'Atlanta Daily Times, est retrouvé assassiné dans son bureau. À l'étage au-dessous, Tommy Smith, un des anciens policiers noirs, décide de mener son enquête personnelle, en parallèle des policiers de la ville, du FBI, d'agents Pinkerton et des policiers noirs qui défendent la veuve, accusée d'office vite trouvée. Beaucoup de monde pour une seule affaire. Cinq enquêtes qui vont chacune dans leur sens, se contredisent et ne facilitent pas la quête de la vérité.

Comme dans les précédents ouvrages, Thomas Mullen utilise ce contexte tout en nuances, montrant des femmes et des hommes partagés par leur culture, les pressions de leur communauté et leurs réflexions personnelles. À l'image de McInnis, le chef de la brigade des policiers noirs, un homme qui a obtenu le poste comme une punition (ce qui d'ailleurs était le cas), mais qui peu à peu s'est attaché à ses hommes, les défendant de toutes ses forces, tout en constatant que sa famille reçoit de moins en moins d'invitations, étant considéré comme l'ami des nègres. Et l'homme est encore plus partagé lorsqu'il apprend que ses enfants risquent de côtoyer des noirs à l'école, d'autant plus que son fils semble avoir un avis bien tranché sur la question…

Thomas Mullen confirme ici tout son talent, dans un polar maitrisé de bout en bout, nous livrant le portrait d'une société en crise, le Sud des États-Unis qui 70 ans après est encore loin d'avoir réglé ses problèmes. Sans aucun doute, la grande révélation du polar américain de ces dernières années.
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C'est le dernier volume de la trilogie sur Atlanta (lire d'abord Darktown puis Temps noirs).
Nous sommes en 1956, en Géorgie, USA, à Atlanta. le contexte est explosif car à Montgomery, pas loin de là, en Alabama, Rosa Parks a refusé de céder sa place à un blanc dans un bus. Arrêtée et sanctionnée d'une amende de 15$, ce sera le début d'un grand Boycott du réseau de bus de Montgomery qui durera un an et provoquera la fin de la ségrégation dans les bus. Martin Luther King, qui soutenait le boycott, verra sa maison exploser, lors d'un attentat.
Tommy Smith, qui a quitté la police raciste de la ville, est désormais reporter pour l'Atlanta daily Times. Il enquête sur le cas d'un jeune noir Randy Higgs accusé d'avoir violé une blanche (en fait, sa compagne...). Alors qu'il travaille tard à son bureau, le directeur du journal Arthur Bishop, présent ce soir là est assassiné, dans son bureau !
Comment alors l'enquête : la femme de Bishop, Victoria est accusée, mais ça ne colle pas...
Tommy Smith va mettre son nez partout pour comprendre le passé sulfureux d'Arthur Bishop, ses relations avec le mouvement des droits civiques, le FBI et la vie de sa femme.
Thomas Mullen nous fait comprendre les difficultés et le pouvoir de la presse noire de cette époque, les pressions qu'elle subissait de la part du pouvoir, du FBI. Comme il le dit lui même : c'est de la fiction... Mais, au vu de la bibliographie qu'il nous propose en fin de livre... le vrai rencontre le roman...
Coup tordus, interventions musclées, assassinats des Ex Pinkerton devenus détectives privés, les lois Jim Crow (le racisme et la ségrégation légalisés)... Tout cela se met en travers du chemin de Tommy Smith. le seul soutien c'est celui de la brigade noire de Darktown (quartier d'Atlanta) de Mc Innis et Boggs, ses ex collègues et ce n'est pas beaucoup...
Mais la ténacité de Mc Innis, le seul blanc et chef de la brigade et l'obsession de Smith, parviendront a dénouer les noeuds de cette histoire.
C'est bien écrit, superbement documenté, intéressant car l' époque et cette région était l'épicentre du mouvement des droits civiques pour les noirs américains qui commençait à faire évoluer les mentalités du vieux sud...
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Aussitôt la lecture de Temps noirs achevé je me suis précipité sur l'opus suivant de cette saga passionnante qui raconte la vie des premiers officiers de police noirs de la ville d'Atlanta dans les années 50. Au travers de leurs quotidiens précaires, de leurs rapports tendus avec le reste des forces de police et de leurs combats contre les préjugés Thomas Mullen nous raconte la longue lutte de la population noire américaine pour la reconnaissance de leurs droits civiques.

L'action de ce troisième volume de la saga se situe en 1956 six ans après le second volume. Tommy Smith, l'ancien coéquipier de Boogs, est devenu journaliste à l'Atlanta daily news, un quotidien réputé auprès de la population afro américaine. Son patron, le très respecté Arthur Bishop, est assassiné une nuit dans les locaux du journal alors qu'il travaillait tard. Smith ne le sait pas encore mais une sombre machination s'est mise en place et il risque bien d'être la prochaine victime.

Vous l'aurez constaté à la lecture de ce résumé on quitte le domaine de la fresque sociale pour se recentrer sur une véritable intrigue policière. La lutte pour l'égalité des droits civiques et l'abolition de la ségrégation sont ded sujets si vastes, cela englobe tellement de sujets de société, tellement d'enjeux financiers, politiques et même mondiaux que l'on ne peut reprocher à l'auteur d'avoir choisi un autre d'attaque pour en parler. Ainsi Minuit à Atlanta est sans doute le volet le plus politisé de la saga. Un thriller politique qui brasse peut-être trop de sujets pour son propre bien.

Il faut dire qu'il y a de quoi faire dans cette intrigue. Entre les opérations du FBI, les malversations d'un groupe de détectives privés, les différentes associations, telles que la NAACP, qui poursuivent un objectif commun mais avec des méthodes différentes le tout sur fond de guerre froide et de protestations contre la ségrégation dans les transports en commun. Sans oublier l'acharnement sur la famille de Martin Luther King et le procès d'un jeune noir accusé de viol sur une jeune fille blanche on peut dire que l'auteur a travaillé dur pour témoigner de cette époque trouble de la manière la plus complète possible. le résultat est là on baigne dans une atmosphère de révolte larvée, de tensions raciales constantes et de suspicion face à la menace communiste.

Il faut dire qu'il y a de quoi faire dans cette intrigue. Entre les opérations du FBI, les malversations d'un groupe de détectives privés, les différentes associations, telles que la NAACP, qui poursuivent un objectif commun mais avec des méthodes différentes le tout sur fond de guerre froide et de protestations contre la ségrégation dans les transports en commun. Sans oublier l'acharnement sur la famille de Martin Luther King et le procès d'un jeune noir accusé de viol sur une jeune fille blanche on peut dire que l'auteur a travaillé dur pour témoigner de cette époque trouble de la manière la plus complète possible. le résultat est là on baigne dans une atmosphère de révolte larvée, de tensions raciales constantes et de suspicion face à la menace communiste.

À titre personnel certains personnages m'ont beaucoup manqué dans ce troisième récit. Lorsque j'ai compris que Boogs n'aurait qu'un rôle secondaire et que l'officier Rake serait complètement écarté du récit j'avoue avoir fait une petite moue de mécontentement. C'est dommage de voir ses personnages, que l'on a appris à apprécier aux cours des volumes précédents être plus au moins effacés. Cependant on peut espérer les revoir dans un éventuel quatrième volume.

Cette petite déception passée il faut reconnaître que le récit met en scène d'autres personnages de  la saga que nous l'on connaît et apprécie déjà. L'ancien agent Smith se dévoile un peu plus. Lui qui avait tendance à être un peu en retrait dans les deux volumes précédents, dans l'ombre du charismatique Lucius Boogs, peut enfin laisser parler sa personnalité. Son changement de carrière est une bonne idée, la carte de presse lui va mieux que la matraque, on sent que ce personnage bouillonnant et rebelle a enfin trouvé sa place. Son ancien chef Joe McInnis occupe le second rôle principal, l'occasion de voir le portrait de ce flic intègre s'affiner et se développer. On savait déjà qu'il était attaché à son poste et aux agents de couleurs qu'il a sous ses ordres, on le découvre père de famille, ostracisé par ses pairs, qui doit se débattre face à la pression sociale. L'auteur lui offre un beau dialogue à coeur ouvert entre un père et son fils.

En trois ouvrages Thomas Mullen sera parvenue à plonger les lecteurs dans une époque trouble tout en exposant les enjeux de la lutte des droits civiques avec une maîtrise idéale. Ces portraits de personnages sont d'une grande finesse psychologique et rendent bien compte des affres que génèrent les troubles d'une société en pleine mutation. La capacité de l'auteur a décrire des personnages teintés de gris est l'une de ses plus grandes réussites

Lien : https://culturevsnews.com/
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