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Irène Bonnaud (Traducteur)Maurice Taszman (Traducteur)
EAN : 9782707319784
159 pages
Editions de Minuit (01/02/2007)
4.25/5   6 notes
Résumé :
Créée le 30 septembre 1961 dans un faubourg de Berlin-Est et interdite le soir même, La Déplacée est la pièce qui valut le plus d'ennuis à Heiner Müller. Mais c'était aussi celle qu'il aimait le plus : « La Déplacée est ma pièce préférée. L'histoire la plus dense en matériau, la plus fraîche aussi.
C'est toujours comme ça : au début il y a une innocence dans les textes, qu'on ne retrouve jamais plus ».
Il avait choisi pour sujet les bouleversements véc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« La Déplacée » raconte l'histoire d'Anna Nieth, Allemande arrivée de Pologne avec deux enfants et logée dans « le cagibi » d'un paysan aisé Beutler, me bourgmestre de la petite ville où l'action se passe. Cette situation rappelle l'arrivée d'Arno Schmidt, lui aussi logé dans un cagibi sans lumière, à la fin de la guerre, avec les deux femmes Lore et Grete, histoire telle qu'il la raconte dans « Brand's Haide » (voir plus loin sous Arno Schmidt). Cette femme ne fera cependant que de rares apparitions durant la pièce. Elle apparaît à l'acte 3 avec « Madame le bourgmestre, le poêle est libre ? ». Puis disparaît ou plutôt se tait le plus souvent, avant que l'on apprenne qu'elle est enceinte, » et maintenant en plus pousse en toi un bouffeur ». Elle ré-apparaît pour bander le pied du tractoriste qui a sauté sur une mine. Il est vrai que dans la pièce, on boit beaucoup de bière « Changer l'eau en vin, tout le monde le peut / Mais changer un BMW chrétienne en bière athée / Estimé public, il n'y a qu'ici que vous le verrez ». Et à la taverne on crie « Bière pour tous », mais la guerre répond « du sang pour tous ».
On mange peu, il y a encore des restrictions. Il y bien les vaches, peu, à vrai dire, qui attendent qu'on les remplace par des tracteurs. « La technique tire le communisme derrière elle » et plus loin « le socialisme roule devant toi ». Mais il y a eu la question des réfugiés. « Puis de l'est vinrent les chariots. Des réfugiés comme des sauterelles apportaient avec eux faim et typhus, et l'armée rouge, la facture pour quatre années de guerre, de massacres et de terre brulée ». Mais cela ne suffit pas « Nous sommes dans le communisme, Franz, réveille toi […] le communisme / a été déclenché. Ta vieille est déjà / Propriété d'Etat »
On comprend l'interdiction qui a ensuite frappé Heiner Müller. La pièce « La Déplacée » est jouée en septembre 1961. le Mur de Berlin, « mur de protection antifasciste » est commencé dans la nuit du 12 au 13 aout de la même année. Il suit tout d'abord le blocus de Berlin, et le pont aérien mis en place par les alliés en 1948. Puis en 1958, les Russes essayent de faire de Berlin une ville démilitarisée, ce qui sera au coeur de la crise pendant les quatre années qui suivent. En 1961, les Allemands de l'Est qui le peuvent quittent la RDA, et c'est pour stopper cet exode que le Mur est construit, avec la volonté par force de garder les ressortissants. La pièce n'a pas été lue auparavant et sera jouée le 30 septembre 1961 pour inaugurer le premier Festival Mondial de Théâtre Universitaire de l'Allemagne Nouvelle. La salle est naturellement remplie par les cadres du parti. L'ambiance est électrique. La pièce est aussitôt interdite et les acteurs arrêtés. le metteur en scène Bernhard Klaus Tragelehn est aussitôt exilé dans une mine de charbon à klettnitz, en Silésie. Il n'en reviendra qu'en 1964. Heiner Müller est bien entendu exclu de l'Union des Écrivains. Il échappe à la déportation après avoir rédigé son autocritique, sous la dictée d'Hélène Weigel, la veuve de Bertolt Brecht.
Il faut comprendre la situation de l'Allemagne en 1949, à la création de la RDA. L'Allemagne est ruinée, dépecée en quatre zones dont la RDA désormais sous la coupe de la dictature. C'est Staline qui tire les ficelles, Walter Ulbricht, puis Erich Honecker. Un bon tiers des Allemands de l'Est ont été chassés par l'Armée Rouge de la Prusse orientale. Ce sont les « personnes déplacées » que l'on retrouve chez Heiner Müller et Arno Schmidt. Les grands propriétaires terriens ont fui à l'Ouest dès 1945. A la chute du Reich, leurs propriétés sont redistribuées aux « sans terre », les paysans journaliers exploités par les prussiens. Relire en partie « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell (2006, Gallimard, 905 p.). Les terres ont été redistribuées en parcelles de 5 hectares. On retrouve ce chiffre dans « La Déplacée », parcelle trop petite pour faire vivre une famille. de plus le bétail manque, le peu qui reste part souvent en repas. Voir la scène dans laquelle Ketzer tue son cheval « Qui a tué le cheval ? / le couteau. Il l'a transpercé. / Ketzer ? / Oui / Sa seule vache laitière, il l'a abandonnée ». Sur quoi, le dit Ketzer se pend. C'est l'époque où à la mécanisation et l'industrialisation agricole va faire des miracles « Vous avez envoyé des chars, vous recevrez des tracteurs ». C'est bien entendu une forme de collectivisation, qui ne passe pas ou très mal. Il faut dire que la guerre froide et les blocus successifs n'arrangent rien. le marché noir s'installe tandis que la nouvelle hiérarchie des petits devenus puissants débouche sur une corruption généralisée et est source d'intimidations et d'abus. (Lire à ce sujet les livres de Herta Müller). On comprend mieux que « La Déplacée » mettait en lumière les contradictions inhérentes à la mise en place d'un collectivisme à un peuple, encore déstabilisé, qui passait brutalement du nazisme au stalinisme.
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Essayez un peu de raconter à autrui que vous venez de lire une pièce théâtre est-allemande du début des années 60, et votre interlocuteur vous regardera d'un drôle d'air... Et pourtant, c'est diablement intéressant , quoique tout à fait dommageable pour le moral! Dans les campagnes allemandes sous domination communiste, les terres sont confisquées, redistribuées, et sont le prétexte pour explorer une âme humaine pas très jolie. Si on m'avait dit qu'un jour je lirais un drame agraire socialiste, en cherchant désespérément si un metteur en scène français avait les mêmes goûts que moi et la montait...
Cela ne m'étonne pas qu'elle ait été interdite dès le lendemain de sa première représentation, vous parlez de lendemains qui chantent.

Je recommande fortement, et au passage Les éditions de Minuit nous offrent une excellente préface qui aide beaucoup à la compréhension du texte.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
RAMMLER: Que veux-tu, Kaffka, L'homme -
Toi aussi - est un exploiteur.
Aucune pluie ne t'en lavera, c'est de nature.
Le Seigneur Dieu t'a créé ainsi, -que faire
Avant même la naissance, tu as vidé ta mère
Par le tuyau ombilical, en parasite et buveur de sang.
Après, sans retenue, tu as fait le plein
De lait à son sein un an ou plus. Moi aussi
Je serais pour le communisme, l'idée
est bonne.Si seulement les hommes étaient meilleurs.
Le communisme, c'est bon pour le journal.
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Flint : Depuis que la terre tourne dans l'univers
Champ et charrue sont toujours passés avant le paysan.
A présent le paysan passe avant champ et charrue.
La terre nous recouvrira tous bien assez tôt.
(p 159)
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Videos de Heiner Müller (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Heiner Müller
En débat, deux spectacles adaptés de romans :
"Les Frères Karamazov" de Sylvain Creuzevault au Théâtre de l'Odéon "Les Frères Karamazov" est un monstre. Comme pour "Les Démons" (mis en scène aux Ateliers Berthier à l'automne 2018), et après "Le Grand Inquisiteur" (créé à l'Odéon 6e à l'automne 2020), Sylvain Creuzevault taille dans ses 1300 pages les éléments d'une lecture inspirée de Heiner Müller et Jean Genet, selon qui l'ultime roman de Dostoïevski est avant tout “une farce, une bouffonnerie énorme et mesquine”. Cet humour farcesque, déjà perceptible dans "Les Démons", devient ici littéralement ravageur.
"Sleeping" de Serge Nicolaï au Théâtre Monfort Éclairer la vie en regardant la mort. "Sleeping" est un spectacle onirique qui résonne avec l'époque. Associant masques, jeu théâtral, vidéo et musique, Serge Nicolaï s'inspire du roman "Les Belles Endormies" de l'écrivain japonais Yasunari Kawabata. Évocation poétique d'un vieil homme, Eguchi, au crépuscule de sa vie. Toutes les femmes qui ont jalonné sa vie, sa mère, sa fille, son amante, lui apparaissent au seuil de la mort, belles, provocatrices, sensuelles, délicates. Des messagères tant fascinantes que répugnantes de l'entre-monde. Des icônes féminines qui reflètent l'âme d'Eguchi et confrontent sans relâche son être le plus intime à ces questions : Comment as-tu aimé ? Comment as-tu vécu ? Une merveilleuse ode à la vie.
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