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EAN : 978B003UALSIA
Albin Michel (30/11/-1)
5/5   1 notes
Résumé :
Albin Michel. 1937. Broché. in-8. 250 pages.


Présentation de Pierre Benoit.

Un petit livre bien plaisant dans lequel l'auteur raconte, avec beaucoup de compassion et, sans doute, des licences poétiques et romanesques, son expérience auprès des patients rencontrés, ses rencontres avec les petites gens, les événements qu'il a connus et les animaux qu'il a côtoyés.

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
On dit que l'amour de l'humanité est la plus grande des vertus. Je l'admire et je sais qu'elle est l'attribut des esprits nobles. Mon âme est trop petite, mes pensées survolent la terre de trop près, pour jamais atteindre si haut, et je dois avouer que plus je vis, plus je m'éloigne de cet idéal. Je mentirais si je disais que j'aime les hommes. Mais j'aime les animaux, les animaux opprimés et méprisés, et il m'est égal que les gens se moquent de moi, quand je dis que je m'entends mieux avec eux qu'avec la majorité des gens que je rencontre. Lorsqu'on a parlé avec quelqu'un pendant une demi-heure, on en a habituellement assez, n'est-ce pas ? Moi, du moins, j'ai toujours envie de m'en aller, et je m'étonne toujours que la personne avec laquelle je parlais n'ait pas essayé d'en faire autant depuis longtemps. Mais je ne m'ennuie jamais dans la compagnie d'un chien, même si ne nous connaissons pas. Quand je rencontre un chien qui se promène tout seul, souvent je m'arrête, et je lui demande où il va. Nous causons un peu, et même si notre conversation ne mène à rien, cela me fait du bien de le regarder et d'essayer de pénétrer ses pensées. Les chiens ont l'immense avantage sur nous qu'ils ne peuvent pas dissimuler, et le paradoxe de Talleyrand, que le langage fut inventé par l'homme pour cacher ses pensées, ne peut donc s'appliquer à eux. Je peux rester assis dans un champ pendant des heures à regarder paître le bétail ; observer la physionomie d'un petit âne est la plus vive joie pour un psychologue. Mais c'est surtout quand ils sont libres, que les ânes sont le plus intéressants. Un âne en harnais n'est pas à moitié aussi communicatif et naturel que lorsqu'il est laissé à lui-même, et cela n'a rien d'étonnant.

Une fois, à Ischia, j'ai vécu pendant longtemps presque exclusivement en compagnie d'un âne. C'est la destinée qui nous avait réunis. J'avais trouvé à me loger dans un petit hangar bateaux à la Marina et l'âne habitait à coté. J'avais perdu entièrement le sommeil dans les chambres étouffantes de l'hôtel, et j'avais accepté de bon coeur l'invitation de mon ami Antonio d'habiter son petit hangar frais pendant qu'il était à la pêche dans la baie de la Gaeta. Je me trouvais tout à fait à mon aise parmi les nasses et les filets de pêche, et, à califourchon sur une barque retournée, j'écrivais de longues lettres d'amour à la mer. Quand venais le soir, et que le crépuscule envahissait le hangar, je me retirais dans mon hamac avec une voile pour couverture, et le souvenir d'un jour heureux comme oreiller. Je m'endormais au son des vagues et me réveillais avec le jour. Chaque matin venait mon voisin le vieil âne, et passant solennellement la tête à travers la porte ouverte, il me regardait fixement. Je me demandais toujours pourquoi il restait là si immobile, et la seule explication fut, pour moi, qu'il aimait à me regarder. Je restais étendu, à moitié réveillé, à le contempler et, de mon côté, j'aimais à regarder le vieil âne. Il ressemblait à un vieux portrait de famille, avec sa tête grise encadrée par la porte contre le fond bleu du ciel. Dehors, il faisait de plus en plus clair, et la mer commençait à étinceler. Puis un rayon de soleil venait tout droit danser devant mes yeux, et je sautais de mon hamac pour saluer le golfe. Je n'avais absolument rien à faire, mais le pauvre âne devait travailler toute la journée à Casamicciola. Enfin, une sympathie telle naquit entre nous, que j'obtins pour lui un " locum tenens ", et alors nous flânions ensemble, le coeur léger, comme de vrais vagabonds, là où la route nous menait. Parfois, c'était moi qui marchais devant avec l'âne trottinant sur mes talons ; parfois, c'était lui qui avait une idée fixe, et je le suivais docilement. Tout le temps, j'étudiais avec une grande attention cette personnalité intéressante rencontrée d'une façon si inattendue, et depuis longtemps je ne m'étais pas trouvé en si agréable compagnie. J'aurais bien des choses à dire sur tout ceci, mais ces recherches psychologiques deviendraient un sujet bien trop ardu pour beaucoup de mes lecteurs ; arrêtons-nous là.

Et les oiseaux ! - qui peut jamais en avoir assez ? Heure après heure, je peux rester assis sur une pierre moussue écouter ce qu'un cher petit oiseau peut raconter - moi qui ne peux jamais concentrer mes pensées quand quelqu'un me parle... Avez-vous observé comme un oiseau est beau à regarder pendant qu'il chante ? Comment, de temps à autre, il incline sa tête gracieuse comme pour attendre une réponse de la forêt lointaine ? Vers la fin de l'été, quand la mère apprend à ses petits à chanter - ne croyez pas que ce soit seulement une affaire d'instinct, même les oiseaux doivent apprendre leur harmonieux langage -. Avez-vous jamais assisté à ces leçons de chant, quand les petits gazouillent autour de la mère avec leurs claires voix d'enfants ? Quand les oiseaux sont silencieux je n'ai qu'à regarder parmi les herbes et les mousses pour découvrir d'autres connaissance pour me tenir compagnie. Au-dessus de ma tête vole une libellule aux ailes de fée tissées de lumière ; et sur le sentier, entre les hautes herbes, une petite fourmi avance laborieusement avec une aiguille sèche de sapin sur le dos. Le chemin est rude sur ses frêles épaules, tantôt il monte, tantôt il descend, tantôt elle porte son lourd fardeau sur ses frêles épaules, tantôt elle le tire comme un traîneau derrière elle...

(...) Et toutes les autres minuscules créatures dont j'ignore même les noms et qui sont également citoyennes de la Société et de la Création ? Je contemple leur petit monde avec joie, et je pense que probablement elles remplissent leurs devoirs sociaux bien mieux que je ne remplis les miens. Quand on reste ainsi étendu sur l'herbe à regarder tout ce petit monde, on finit par se sentir si petit soi-même. A la fin, il me semble que je ne suis autre chose qu'une minuscule fourmi, traînant mon lourd fardeau à travers la forêt sans piste. Tantôt le chemin monte, tantôt il descend, mais il s'agit de ne pas lâcher prise. Si quelqu'un se trouve là pour prêter main-forte, quand la montée est trop dure, et le fardeau trop lourd, tout va bien. Tout à coup le Destin passe et détruit tout ce qu'on a construit avec tant de labeur. La fourmi poursuit son chemin dans la forêt sans piste. La route est longue, et il y a encore longtemps avant que le travail de la journée ne soit fini, et que la rosée ne tombe. Mais au-dessus, dans l'espace, vole le rêve aux ailes de libellules tissées de lumière.
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