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Critique de Iansougourmer


Une bande de six jeunes hommes désoeuvrés et marginaux fans de karaoké s'entre tuent avec les midori, bande féminine de quadragénaires célibataires et banales. Voilà l'intrigue de ce récit. Un récit halluciné, cynique et captivant à la fois par le génial Murakami Ryû au sommet de son art.

Ce romande Murakami Ryû n'est de mon point de vue peut pas le plus dérangeant dans sa dénonciation de l'âme humaine du Japon moderne, mais c'est sans doute le plus symbolique, le mieux construit. Il y a un vrai rythme haletant dans ce court roman de 200 pages qui tient en haleine, comme un mécanique infernale de meurtres entre ces deux bandes qui se combattent dans une gradation de violence de plus en plus absurde et baroque.
Ce roman est une véritable dénonciation d'une société divisée, fragmentée où les individus sont livrés à leur propres folies et ne parviennent pas à communiquer avec leur pairs. Les membres des deux bandes ne sont pas amis au début du récit, ils se réunissent pour être en groupe, et dans leur réunions ne s'écoutent même pas parler. Il faudra le premier meurtre commis par sauvagerie bestiale par un membre de la bande des jeunes hommes pour que les deux bandes forment enfin des groupes d'amis qui se construisent dans la vengeance et dont les liens se cimentent au fur et à mesure que leur sanglante guerre prend de l'ampleur. Murakami nous montre ici l'image troublante d'une société où les rapports amicaux ne seraient possibles que construits dans la haine, et nourris par celle ci.
A ce propos, la division même des personnages en une bande féminine qui se méfie des hommes et une bande de loubards ne semblant voir en la femme que l'objet de sexe peut être vue comme une incommunicabilité inter sexe présente au Japon.

Si la clarté du message porté par Murakami Ryû sur la désagrégation de la société japonaise n'a jamais été aussi forte, le style de l'auteur n'a rien perdu de sa vigueur. L'écriture est toujours aussi dense, comme un flux continu d'images, de sons, de débit verbal parfois à la limite de l'absurde. Cette écriture nous envoûte, nous aspire dans ce roman qu'on lit compulsivement, effaré par l'absurdité de ses personnages que l'on suit. Toutefois, à la différence des très noirs Ecstasy, Thanatos, , Miso Soup ou l'auteur semble déterminé à nous monter la destruction des personnages principaux, ici l'auteur laisse transparaître au début de l'oeuvre une légère ironie sur ces personnages. Murakami Ryu semble passer un cap dans son oeuvre, puisque si comme tous ses personnages, les pathétiques héros du roman semblent piégés dans des émotions qu'ils renoncent à maîtriser pour se laisser entraîner par la logique absurde de cette guerre entre bande, les survivant de cette morbide chorégraphie n'apparaissent plus vidés et détruits comme c'était le cas pour les romans précédents de l'auteur. Au contraire ils semblent prêt à reprendre le cours de leur vie comme si rien ne s'était passé. La violence ne parvient même plus à détruire des personnages devenus apathiques et insensibles, collés dans la médiocrité de leur vie.

Et c'est peut être cela le plus troublant, constater à lorsque l'on referme ce livre que ces deux cent pages de sang, de bruit, de digression, de fureur...nous laissent sur un sentiment de vide face à ces personnages de bout en bout vides, et dont les agissements n'on au final pas comblé le vide de leur existence, si ce n'est par de la destruction...

NB : je pense que ce livre est aussi brillant dans sa manière d'analyser les mécanismes de groupe, et on pourrait aussi voir dans ce roman une attaque contre les sectes répandues ( surtout dans le contexte du Japon des années 90, avec l'attentat de Aum de 1995 )
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