Alors on danse, danse danse ! ..les romans de Monsieur MURAKAMI commencent toujours comme on prend l'autoroute ...ç'est tout droit, bien écrit, l'histoire accroche et "tout roule" puis soudain une sortie de route et l'on se retrouve dans la troisième dimension Murakamienne !... nous fait valser dans son décor avec subtilité!
Voici tout l'art de cet écrivain qui dans ce roman mélange des personnages "Lelouchiens" oui...car tout est relié ! Yuki, la jeune ado paumée, à la clairvoyance aiguisée, Ame, sa mère égocentrique, photographe célèbre, le "beau gosse" mannequin mais pas aussi bête qui veut bien le faire croire ...et l'homme-mouton coincé dans l'étage d'un drôle d'hôtel !
Tokyo, on continue de rouler loin dans dans la Subaru du héros, sur des bandes sons éclectiques, on se trouve dans des resto branché ou "boui-boui"...on voyage d'indice en indice pour retrouver une jeune femme, son amour disparu ou tué...allez savoir ! les personnages sont toujours ciselés, des "ordinaires" traversés par des destins et des affres extraordinaires..et c'est là que s'inscrit avec maestria la magie de l’écrivain.
Voilà c'est toujours envoûtant, on glisse très facilement dans cet univers ouaté, mystérieux qui comme un passe muraille vous fait passer de l'autre côté du miroir !
Quand on frôle la mort , que l'on côtoie la vie, il faut alors pour savoir quel en est le prix, DANSER SA VIE! ....ce roman m'a fait écho à l'une citation du philosophe PASCAL : "s'amuser c'est tromper la mort"...
Ce roman m'a fait traversé ma nuit blanche....une lecture fluide,un roman qui fait son effet.
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Ce livre est la suite du livre 'La course au mouton sauvage'.
Murakami ajoute en postface qu'il s'agit du même narrateur que dans dans ses deux premiers livres 'Ecoute le chant du vent' et 'Pinball 1973'.
J'ai de loin préféré ce tome au premier, qui déjà n'était pas mal du tout et reprenait les thèmes chers à cet auteur.
Celui-ci a l'art en effet de nous faire voyager sur le fil entre le réel et l'irréel et nous démontre qu'il n'y a jamais loin de l'un à l'autre et combien il est facile de basculer dans cet autre monde qui semble parfois plus normal que le monde réel.
J'ai trouvé le protagoniste beaucoup plus attachant dans cette partie-ci et engage vraiment tous les lecteurs de "La course au mouton sauvage" de ne pas s'arrêter en chemin, car ils perdraient l'essentiel.
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Critique sociale et quête d'amour
1983. C'est le boom économique au Japon. Le top de l'affairisme bling bling. Dans ce roman plus que dans n'importe quel autre, Murakami s'attaque à une caste de privilégiés regroupant hommes d'affaires et politiciens aux pratiques immobilières douteuses, policiers compromis, artistes starifiés en tout genre complètement déresponsabilisés ( dont un écrivain à succès nommé Hiraku Makimura...).
Le narrateur anonyme a 34 ans et il est seul, vraiment seul. Il a toujours été en marge, il a toujours refusé les compromissions. C'est admirable mais c'est usant. Il use les gens qui l'aiment, les femmes le plaquent, les amis disparaissent ( ou l'inverse). Pourtant quelqu'un pleure pour lui, quelque part loin de lui. Il part alors à la recherche de son ex aux belles oreilles qui l'avait guidé quatre ans auparavant à Sapporo, dans cet hôtel miteux, le Dauphin avant de disparaître...
A Sapporo, l'hôtel du Dauphin est devenu un palace de vingt-six étages. Mais ce qui n'a pas changé, c'est la présence de l' homme mouton. Celui-ci lui recommande de continuer à danser même si tout lui paraît stupide, insensé..Il doit danser, continuer à danser...comme dans la chanson des Dells.
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Haruki Murakami « DANSE, DANSE, DANSE » - Editions du Seuil - Points
Encore une fois, une liste de morceaux choisis qui ont trouvé leurs échos dans ma tête, ni plus, ni moins.
Page 14
« Et quand j’écoutais les autres se décrire eux-mêmes, il me semblait qu’il parlaient d’eux comme s’il s’agissait d’une autre personne, et que nous vivions tous dans un monde aérien en respirant un air irréel .
(…)
Mon chien, pris par la pluie, est mort de pneumonie l’année de mon entrée au collège, et je n’en ai jamais eu d’autre. Mais j’aime toujours la natation »
Page 19
« Je ne suis pas un type bizarre.
Je le pense vraiment.
Je ne suis peut-être pas du tout dans la moyenne, mais en tout cas je ne suis pas bizarre. Je suis terriblement normal, à ma façon à moi. Complètement straight. Mais straight à la façon d’une flèche. Ma façon d’être est la plus inévitable, la plus naturelle du monde. Pour moi, c’est une vérité évidente, si bien que ça m’est un peu égal, ce que les autres peuvent penser de moi. La façon dont les autres me voient, c’est un problème qui ne me concerne pas. C’est leur problème. »
Page 44
« Le gaspillage est le combustible qui entraîne la contradiction, la contradiction réactive l’économie, et cette réactivation entraîne à nouveau le gaspillage »
Page 60
«Puis je () regardai la télé. Tous les programmes étaient nuls. J’avais l’impression qu’on me montrait des vomissements artificiels. Comme c’était artificiel, ce n’était pas vraiment sale, mais si on les regardait fixement ces vomissements prenaient un air réel. »
Page 219
« Strictement rien à faire. Elle se sentait seule et avait envie d’être dans les bras de quelqu’un, c’est tout. Et cette fois-là, c’était moi. »
Page 298
« -Je ne suis pas têtu, j’ai un système de pensée bien à moi, c’est tout.
-Un système ? (…) Ce genre de mots n’a plus guère de sens. C’est comme de fabriquer un ampli à la main avec un vieux tube électronique. On a plus vite fait d’aller dans un magasin et d’acheter un ampli neuf. (…) S’il s’abime, on vient vous le réparer de suite. Si vous en rachetez un neuf, ils vous reprennent l’ancien. Le système de pensée, ça ne vaut plus rien à notre époque. »
Page 360
« Voilà ce que j’avais envie de crier. Mais sans doute personne ne m’aurait-il écouté. Je n’étais qu’un citoyen de deuxième classe qui n’avait pas droit à la parole dans cette vaste famille. »
Page 407
« J’y ai souvent pensé pendant la guerre. Là-bas, il y avait de nombreuses façons de mourir. Mais je n’y pense plus beaucoup maintenant. Je n’ai pas le temps de penser à des choses aussi compliquées. La paix, c’est bien plus triste que la guerre… »
Page 437
« -Compliquée cette affaire, mon cher Watson, fis-je, m’adressant au cendrier posé sur la table.
Mais le cendrier ne me répondit pas. Et pour cause : il était intelligent et savait qu’il fallait mieux rester en dehors de toute cette histoire. »
Page 457
« -C’est triste, mais il était comme ça, dis-je. Un brave type qui méritait le respect. Mais de temps en temps on le traitait comme une poubelle distinguée. De nombreuses personnes y jetaient diverses choses. C’est facile de se servir de lui comme d’une poubelle, je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça. »
Page 458
« Je pense que la plupart des gens ne peuvent même pas comprendre de quoi je parle, pour commencer. La plupart des gens normaux ne pensent pas comme moi. Mais moi, je trouve que ma manière de penser est la plus correcte. (…) Être juste, et sincère si on peut. Moi, personnellement, je n’aime pas les gens qui en font pas ces genres d’efforts et se contentent de pleurer en disant qu’ils regrettent quand les gens qu’ils connaissaient sont morts.
(…)
Tout est dans les efforts de ce que l’on fait, c’est tout. »
Page 487
« Le passé augmente et le futur raccourcit. Les possibilités diminuent, les regrets augmentent. »
Page 531
« Pendant quelque temps on vit les médias se repaître de sa mort, tels des asticots sur de la viande pourrie.
(…)
« Il aurait fallu les tuer à coups de barre de fer », avait dit Gotanda. C’était simple et rapide. Et moi j’avais dit : « Non, non, il faudrait les étrangler lentement »
Page 552
« On change petit à petit, tu vois, on change sans cesse et, au fur et à mesure, un grand nombre des choses qui nous entourent disparaissent. On n’y peut rien. Les choses se figent dans notre conscience. Mais elles disparaissent du monde réel. »
-- Oui, je comprends, répondis-je. Mais alors qu'est-ce que je dois faire ?
-- Danser, répondit l'homme-mouton. Continuer à danser tant que tu endendras la musique. Tu comprends ce que je te dis ? Danse ! Continue à danser. Ne te demande pas pourquoi. Il ne faut pas penser à la signification des choses. Il n'y en a aucune au départ. Si on commence à y réfléchir, les jambes s'arrêtent. Et si tes jambes s'arrêtent de danser, moi je ne pourrais plus rien faire pour toi. Tous tes liens disparaîtront. Pour toujours. Et tu ne pourras plus vivre que dans ce monde-ci, de ce côté. Tu seras aspiré par le monde d'ici. C'est pour ça qu'il ne faut pas t'arrêter. Même si tout te paraît stupide, insensé, ne t'en soucie pas. Tu dois continuer à danser en marquant les pas. Et dénouer peu à peu toutes ces choses durcies en toi, un tout petit peu au début. Ce n'est peut-être pas encore trop tard. Utilise tout ce que tu peux. Fais de ton mieux. Il n'y a rien dont tu doives avoir peur. Tu es fatigué, c'est sûr. Tu es fatigué et tu as peur ? Ca arrive à tout le monde. Tu as l'impression que tout va de travers, que le monde entier se trompe. Et tu t'arrêtes de danser...
Je levai les yeux et contemplai l'ombre sur le mur.
-- Mais il n'y a rien d'autre à faire que danser, poursuivit l'homme-mouton. Et danser du mieux qu'on peut. Au point que tout le monde t'admire. Si tu fais ça, alors peut-être pourrai-je t'aider moi aussi. Voilà pourquoi il te faut danser. Danser tant que la musique durera.
DANSE. DANSE TANT QUE LA MUSIQUE DURERA.
- Qu'est-ce que je dois faire, alors ?
- Tu as perdu beaucoup de choses jusqu'à présent. Beaucoup de choses importantes. Le problème n'est pas de savoir à qui la faute. Le problème, c'est que tu étais trop attaché à ces choses. Chaque fois que tu as perdu quelque chose, tu as laissé avec de petites parties de toi-même, qui y sont restées accrochées. Comme des marques. Et ça, tu n'aurais pas dû le faire. Tu as abandonné même des choses que tu aurais dû garder, en même temps que celle que tu perdais. Et ça t'a usé petit à petit. Pourquoi as-tu fait ça ?
Quand on vit longtemps seul, c'est incroyable le nombre de choses qu'on finit par regarder fixement. On parle tout seul aussi de temps à autre. On dîne dans des endroits animés. On se met à éprouver de l'affection pour une vieille voiture. Et peu à peu on devient un ringard.
Les ténèbres étaient d'une densité terrifiante.[...] Dans des ténèbres aussi totales, on ne peut envisager sa propre existence autrement que comme un peur concept. Mon corps s'était dissous dans les ténèbres, et ce concept de "moi" sans substance, flottait dans l'air comme un ectoplasme. Libéré de mon corps physique mais sans nouveau lieu où m'incarner, j'errais dans un univers de néant, sur l'étrange frontière entre rêve et réalité.
Pierre Földes a choisi d'adapter six nouvelles de l'écrivain Haruki Murakami dans son film d'animation "Saules aveugles, femme endormie". Pour conserver l'atmosphère de fantastique décalé et de mélancolie, Földes enchevêtre les histoires et suit le parcours de quatre personnages après le tremblement de terre et le tsunami qui ont touché le Japon en 2011.
#harukimurakami #littérature #animation
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