Dans L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, j'ai trouvé l'écriture de Haruki Murakami plus classique et comportant moins de magie que dans ses romans précédents. le point commun reste le style qui lui est propre et la musique toujours présente ; ici il s'agit des Années de pèlerinage de Liszt et plus particulièrement le Mal du pays qui accompagne Tsukuru depuis son appartenance au groupe de cinq étudiants formé lors de ses années de Lycée à Nagoya. Lors de sa seconde année d'université à Tokyo, alors qu'il ne voit plus ses amis qu'aux vacances, ceux-ci rompent tout contact avec lui, sans aucune explication. Cet abandon le plongera dans un état dans lequel ses pensées seront centrées sur la mort. À trente-six ans, il rencontre Sara, âgée de trente-huit ans, elle va l'encourager à revoir ses quatre amis en vue de percer le mystère de la rupture qu'ils lui ont imposée. Tsukuru retourne à Nagoya mais devra aussi se rendre en Finlande où réside Eri "Noire" ; ses quatre amis ayant des noms de "couleur" seul Tsukuru est sans "couleur".
Haruki Murakami excelle dans l'art du roman, ses histoires émaillées de références musicales, documentées par un auteur qui connaît ses sujets à fond révèle le Maître incontesté qu'il est assurément ! Point n'est besoin de préciser que je lis tous ses livres.
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, le livre de Haruki Murakami qui pourra plaire à tous les lecteurs !
Ils s'étaient rencontrés par hasard à l'adolescence, s'étaient rapprochés, étaient devenus les meilleurs amis du monde. Trois garçons, deux filles. Unis comme les doigts de la main, ils formaient un cercle d'amitié parfait, partageaient tout, étaient inséparables. Leurs noms représentaient chacun une couleur : Kei Akamatsu (pin rouge), Yoshio Ômi (lac bleu), Yuzuki Shirane (racine blanche), Eri Kurono (prairie noire), sauf Tsukuru, dont le nom signifie ''celui qui construit'', un nom de bâtisseur, certes, mais totalement incolore. Quand arriva le moment d'intégrer une université, tous étaient restés à Nagoya, sauf Tsukuru qui se démarqua encore une fois. Passionné depuis toujours par les gares, il était parti pour Tokyo et une filière technologique spécialisée. Mais le cercle ne s'était pas rompu, l'exilé volontaire revenant passer tous ses congés scolaires dans sa ville natale, auprès de ses amis. Jusqu'aux vacances d'été de sa première année de fac. Alors que comme d'habitude, il prenaient contact avec eux, tous refusèrent de lui parler. Trop peiné pour demander des explications à cette cruelle exclusion, Tsukuru retournait à Tokyo et flirtait avec l'idée de la mort pendant plusieurs mois. Finalement, il survécut à sa blessure et se construisit une vie, solitaire mais tranquille. Mais la blessure ne s'était jamais refermée.
Seize ans après cet épisode douloureux, alors qu'il se sent prêt à entamer une relation durable avec Sara, celle-ci l'encourage à retourner à Nagoya et à demander à ses amis une explication qui pourra enfin lui permettre d'oublier le rejet et de panser ses plaies. Elle localise les membres du groupe et prépare le voyage de Tsukuru, à Nagoya, et jusqu'en Finlande où s'est installée Eri.
Un pèlerinage dans son passé pour pouvoir envisager un avenir, tel est le voyage de Tsukuru Tazaki. Traumatisé par un abandon, il a vécu dans une solitude volontaire, et pense-t-il, propice à lui éviter d'autres peines. Mais cette façon de vivre dans le monde sans s'y mêler ne pouvait durer. Il va devoir déconstruire son passé pour se construire un futur. Quête de la vérité mais aussi quête de soi, son parcours nostalgique dans les méandres de l'amitié est aussi une analyse de la nature humaine.
Tantôt mélancolique, tantôt dur, ce roman s'inscrit dans la réalité pure, même si on y retrouve quelques touches de fantastique, très légères et qui s'intègrent bien dans un récit éthéré mais non dénué d'un certain suspense. Les sombres raisons du rejet qui hante le héros finiront par être dévoilées. Ses rencontres avec ses anciens amis l'amèneront à s'interroger sur le sens de l'amitié, la capacité d'aimer, le travail comme moyen de s'épanouir, les choix de vie et les voyages. de Nagoya à la Finlande, accompagné par la musique de Liszt, le lecteur s'immerge dans l'univers de MURAKAMI, sans jamais perdre pied comme cela a pu être parfois le cas dans certains de ses livres.
Un opus très réussi qui séduira les fans et pourra même en convertir de nouveaux.
Rarement je n'ai pu autant m'identifier aussi fortement, indélébilement, à un roman. Ce Tsukuru Tazaki me cause au plus profond de moi-même, il est simplement en moi, je le ressens à chaque étape de ma vie. Je crois qu'on se comprendrait tous les deux, à moins qu'il soit moi, que je sois lui, que nous ne sommes qu'un. Une même et unique âme dans une même et unique putain de vie.
« J'ai ressenti avec de plus en plus de force que les autres me considéraient comme quelqu'un qui ne valait rien, ou qui était tout à fait inintéressant. du moins, je me suis vu ainsi. »
Ils sont cinq, comme les doigts d'une main. Unis et inséparables. du moins, c'est ce qu'il croit, qu'il pense, jusqu'au jour où, du jour au lendemain, on lui envoie, une lettre, un mail, un coup de téléphone, peu importe, lui demandant de ne plus revenir. Il l'accepte, même si intérieurement il ne le comprend pas, mais il ne s'imposera jamais aux autres, même si une profonde communion était née entre eux. Cette séparation, brutale, signe sa mort intérieure. Il survit dans ce monde mais sent qu'il n'appartient plus à ce monde. Face à la couleur de ses amis, lui qui s'est perçu toujours comme un être incolore voir transparent dans cette société-là, il n'a plus d'existence dans ce monde, ou est-ce ce monde qui n'a plus d'existence ou de réalité dans cette vie-là. Attendre une prochaine vie…
« Lorsqu'on est profondément blessé, les mots ne vous viennent pas. »
Vivre comme un somnambule, avancer, marcher, courir, alors qu'on est déjà mort. Et écouter le silence de sa vie. Devant une bière et un disque de jazz. Un sax' qui caresse ce silence, encore trop sensuel pour lui qui le ramène à de douloureux souvenirs. Non aujourd'hui ce sera musique classique, parce qu'avec l'âge le classique me va bien, parait-il… Au programme les années de pèlerinage avec Liszt, une ode à la mélancolie et à la solitude.
Tsukuru s'enferme petit à petit dans cette solitude, un univers certes volontaire mais par moment pesant. Mais comment peut-il en être autrement quand il pense qu'il n'est rien, ou si peu, un être si incolore dans le tourbillon de la vie. Roman de gares et de spleen. Tsukuru soigne sa mélancolie en construisant et aménageant des gares. C'est un bâtisseur depuis l'enfance. Moi les gares, je les traverse, Gare Saint Lazare et sa cohue, Gare Montparnasse pour descendre quelques bières au Falstaff, Gare de Lyon, et son train bleu, le train de l'amour pour le sud… Blue Train, Blue Moon… Roman de nostalgie et de mélancolie où la tristesse de Tsukuru s'épanche sur chaque page comme je m'épanche sur les rails de la nuit étoilée, le regard porté sur la lune. Lune japonaise, lune finlandaise. Prendre un billet, traverser les nuages survoler le Mont Fuji et découvrir le silence des fjords. Là où je suis, le silence m'enveloppe.
« C'était seulement de la tristesse. La tristesse d'un homme abandonné au fond d'une fosse profonde et obscure. »
Tsukuru Tazaki vient de rencontrer Sara et leur relation devenant sérieuse, celle-ci lui demande de parler de lui et notamment de son passé car elle pressent une souffrance enfouie.
C'est ainsi qu'il va raconter l'histoire de cinq amis qui se sont rencontrés durant l'adolescence et sont devenus inséparables, ne se cachant rien, engagés à ne pas avoir d'histoire d'amour ou de sexe entre eux et avec le but d'exercer des activités bénévoles.
On a ainsi : Kei Akamatsu (pin rouge), Yoshio Ômi (lac bleu), Yuzuki Shirane (racine blanche), Eri Kurono (prairie noire), sauf Tsukuru, dont le nom signifie ''celui qui construit'', un nom de bâtisseur, mais totalement incolore, ce qui va devenir sujet de plaisanterie entre eux. Ils habitent Nagoya, où ils étudient au lycée. Désormais, on aura Rouge Bleu, Noire et Blanche et Tzukuru.
Un jour, il faut partir à l'université, et alors qu'ils s'étaient promis de rester à Nagoya, Tzukuru part à l'université de Tokyo. Fasciné depuis l'enfance par les gares il veut devenir ingénieur, et va tenter le difficile concours d'entrée qu'il réussit.
Pendant deux ans, il va rentrer souvent à Nagoya tous les week-ends jusqu'au jour où ses amis ne viennent pas le chercher à la gare. Il téléphone à chacun et l'un d'eux dit qu'il ne doit absolument jamais plus entrer en contact avec les autres car quelque chose de grave s'est produit, mais Tzukuru ne sait pas quoi et surtout il ne demande pas d'explication, acceptant le verdict.
Il entre alors dans une dépression profonde, fasciné par la mort, il maigrit énormément, et pendant six mois il devient un spectre.
Peu à peu il s'en sort, faisant énormément de sport (il nage 1km ½ tous les jours) et c'est à la piscine qu'il rencontre le seul ami qu'il aura jamais Haida (dans son nom, on retrouve le couleur grise), ils deviennent très proches.
Mais, la rupture avec ses amis va avoir des conséquences sur toute sa vie. Va-t-il les revoir ? C'est ce que le roman nous fait découvrir.
Ce que j'en pense :
Tsukuru est un personnage étrange auquel on s'attache très vite, car on voit tout de suite sa fragilité, et on a envie de le connaître davantage donc on le suit dans sa quête de vérité. Il s'est enfermé dans la solitude et un travail qu'il aime, construire ou rénover des gares après avoir flirté avec la mort quand ses amis l'ont rejeté. Pendant ces seize années de solitude, seule la musique de Liszt, une oeuvre en particulier, ainsi que le fait de se réfugier dans une gare, n'importe laquelle en fait, en regardant les trains passer, les voyageurs partir, arrivent à apaiser son angoisse, sa mélancolie même.
La partition de Liszt, « Années de pèlerinage » interprétée par Lazar Berman qu'il écoute sur des vieux trente trois tours, sert de fil rouge au livre. Liszt a composé cette oeuvre, lors d'un voyage en Suisse, Italie et l'a remodelée trente ans plus tard, comme Tsukuru est revenu sur son passé pour résoudre l'énigme de son rejet par les autres membres du groupe, seize ans plus tard. Dans les deux cas, le passé est clarifié et recomposé à la lumière de l'adulte. Il s'agit d'un pèlerinage dans les deux cas. Et aussi de la mélancolie, dans les deux cas : mal du pays évoque la nostalgie, la tristesse comme un écho à la mélancolie de Tsukuru.
Ce livre a été extrêmement travaillé par son auteur, rien n'est laissé au hasard, tant dans les personnages qui sont complexes dans leur personnalité que dans l'histoire elle-même. Noire a une personnalité forte, une intelligence vive et excelle dans les matières littéraires, Blanche d'une grande beauté mais fragile, joue du piano et notamment « le mal du pays » qui appartient « aux années de pèlerinage», elles sont très proches l'une de l'autre.
Rouge est brillant à l'école mais ne supporte pas l'échec qui le met dans des colères folles et Bleu, rugbyman de talent qui stimule son équipe en transformant ce qui pouvait être un échec ou une défaite de son équipe en quelque chose de positif. Tsukuru, qui n'a pas de couleur dans son nom se trouve insignifiant par rapport aux autres, comme si ne pas avoir un nom de couleur ne pouvait que rendre la vie inintéressante.
Les couleurs (ou la couleur en général) ne doivent rien au hasard non plus. Noire et blanche ont chacune leur caractère et l'auteur pousse la réflexion jusqu'aux touches du piano, les noires et les blanches qui sont très pures, très intenses sur le piano et aussi différentes les unes des autres que le sont les deux héroïnes.
On pourrait dire qu'on est loin de « Kafka sur les rivage » où l'histoire est basée sur l'onirisme, l'imagination. Mais en fait pas temps que cela. Ici on a aussi un voyage, mais il ne situe pas dans le virtuel, c'est un voyage vers l'intérieur du héros qui recherche pourquoi les traumatismes du passé qu'il croyait avoir dépassés en les enfouissant très profondément dans sa mémoire, sont à l'origine de ses difficultés dans sa vie d'aujourd'hui, notamment dans sa vie amoureuse.
Dans ce roman aussi, le rêve est important. Tsukuru fait des rêves érotiques, impliquant Blanche et Noire, ou des cauchemars comme on en trouvait dans Kafka, et on retrouve la même fascination pour le sexe, la nudité, avec des détails très concrets mais jamais de vulgarité dans l'écriture, (l'obsession de la propreté aussi).
C'est un livre très fort, qui fait réfléchir en même temps qu'il nous emmène dans une belle promenade, au Japon (retour vers Nagoya) et en Europe où il n'hésite pas à aller retrouver Noire pour avoir l'explication, lui qui n'est jamais sorti du Japon. Il le fait à la demande de sa copine avant de s'engager dans une relation amoureuse stable, mais il est convaincu qu'elle a raison, il ne le fait pas pour lui faire plaisir.
Vous l'aurez compris, c'est mon premier coup de coeur parmi les romans de la rentrée littéraire. J'aime profondément le style de cet auteur, ses descriptions, sa sensibilité quand il évoque la musique et les blessures de ses héros. C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur et je suis encore plus sous le charme que pour « Kafka sur le rivage » car Murakami est allé encore plus loin dans la réflexion. Son roman est bien construit, ciselé même, chaque personnage, chaque ressenti, chaque action, tout a été sculpté.
Note : 9,5/10
J'ai pris tout mon temps pour lire ce roman. Il le méritait, vraiment, pour être apprécié à sa juste mesure.
Une rupture amicale peut être parfois aussi douloureuse, sinon plus, qu'un chagrin amoureux. Tsukuru en fait la cruelle expérience à vingt ans, rejeté brutalement et sans préavis par ses quatre meilleurs amis du lycée.
Toute son existence et ses relations seront, par la suite, marquées au fer rouge par cet événement traumatisant. Incolore, invisible, transparent, Tsukuru erre dans cet état et semble surtout s'y être fatalement résigné... Toute réflexion exigeant un quelconque approfondissement est immédiatement relégué dans l'un des "tiroirs" de son cerveau. Rien ne semble perturber cette atonie, jusqu'à ce que Sara surgisse dans la vie du trentenaire et le somme d'aller au-devant d'une vérité qu'il a fui depuis trop longtemps...
Un récit psychologique, qui parle de la force de l'inconscient et du mal-être engendré par le refoulement des sentiments, de la dépression et de la défiance qui s'ensuivent indubitablement.
Une histoire d'abandon, de quête d'identité et de résilience, à la fois très émouvante et lumineuse.
J'ai retrouvé "du" Herman Hesse à travers la plume de Murakami, profondément introspective, philosophique, sensuelle et spirituelle. Sans parler de la poésie et de la musique qui imprègnent savoureusement ces 354 pages.... Bref, j'ai énormément aimé !!
(Merci encore pour ce prêt gracieux)
A considérer l'ensemble de leur vie, on pouvait affirmer que ces cinq amis avaient bien plus de points communs que de différences.
Pourtant, le hasard faisait que Tsukuru Tazaki se distinguait légèrement sur un point : son patronyme ne comportait pas de couleur. Les deux garçons s'appelaient Akamatsu - pin rouge -, Ômi - mer bleue -, et les deux filles, respectivement Shirane - racine blanche - et Kurono - champ noir. Mais le nom de "Tazaki" n'avait strictement aucun rapport avec une couleur. D’emblée, Tsukuru avait éprouvé a cet égard une curieuse sensation de mise a l'index. Bien entendu, que le nom dune personne contienne une couleur ou non ne disait rien de son caractère. Tsukuru le savait bien. Néanmoins, il regrettait qu'il en soit ainsi pour lui. Et, a son propre étonnement, il était plutôt blessé. D'autant que les autres, naturellement, s’étaient mis a s'appeler par leur couleur. Rouge. Bleu. Blanche. Noire. Lui seul demeurait simplement "Tsukuru". Combien de fois avait-il sérieusement pensé que ç’aurait été bien mieux si son patronyme avait eu une couleur ! Alors, tout aurait été parfait.
Il vécut tout ce temps tel un somnambule, ou comme un mort qui n'a pas encore compris qu'il était mort. Il s'éveillait au lever du jour, se brossait les dents, enfilait des vêtements qui se trouvaient à portée de main, montait dans le train, se rendait à l'université, prenait des notes durant ses cours. A la manière d'un homme qui se cramponne à un lampadaire quand souffle un vent violent, ses mouvements étaient seulement assujettis à son emploi du temps immédiat. Sans parler à personne sauf s'il ne pouvait pas faire autrement, il s'asseyait par terre lorsqu'il revenait dans son logement où il vivait seul, et, appuyé contre le mur, il méditait sur la mort ou l'absence de vie. Devant lui béait un gouffre sombre, qui menait droit au centre de la terre. Ce qu'il voyait là, c'était un néant où des nuages solides tourbillonnaient ; ce qu'il entendait, c'était un silence abyssal qui faisait pression sur ses tympans.
Il était presque huit heures du matin lorsqu'il s'éveilla.
Dès qu'il fut debout, il vérifia que ses sous-vêtements n'étaient pas tachés. C'était le cas quand il faisait des rêves érotiques? Mais non. Tsukuru n'y comprenait rien. Il était certain d'avoir éjaculé dans son rêve - du moins dans un lieu qui n'appartenait pas au monde réel. Très puissamment. Il en gardait encore en lui la sensation. Une grande quantité de sperme réel avait forcément dû être émise. Dont il ne restait pas de trace.
Puis il se souvint de la bouche de Haida recueillant son sperme.
Il ferma les yeux, grimaça légèrement. Est-ce que tout cela est réellement arrivé ? Non, impossible. Toutes ces choses se sont passées dans la partie obscure de ma conscience, se dit-il. Mais alors, où a disparu tout ce sperme ? Également au plus profond de ma conscience ?
Sara dit qu'elle a de l'amitié pour moi. C'est sans doute vrai. Mais il y a tellement de choses pour lesquelles l'amitié ne suffit pas.
La vie est longue, et parfois rude. Elle a parfois besoin de victimes. Il faut bien qu'il y en ait pour tenir ce rôle. Et puis le corps humain est fragile, vulnérable, le sang coule à la moindre coupure.
Quoi qu'il arrive, si Sara ne me choisit pas demain, j'en mourrai vraiment, songea Tsukuru. Que ce soit une mort réelle ou une mort métaphorique, cela ne changera pas grand-chose. Mais peut-être que, cette fois, je rendrai pour de bon mon dernier souffle. Tsukuru Tazaki, l'homme qui n'a pas de couleur, s'estompera et se retirera discrètement de ce monde. Tout deviendra néant pour lui, et il ne restera plus qu'une poignée de terre glacée et figée.
Et après ? pensa-t-il. L'idée m'est tellement familière que je ne serais pas surpris que cela m'arrive vraiment. Ce ne sera rien de plus qu'un phénomène physique. Le mécanisme d'une montre bien remontée qui se détend peu à peu, l'impulsion qui s'affaiblit jusqu'à ce que les roues dentées s'immobilisent et que les aiguilles se figent. Puis ce sera le silence. C'est tout ce que ce sera, non ?
Un plaisir sans nom de retrouver un personnage de Murakami. Nous faisons la rencontre de Tsukuru "l'incolore", dont le prénom n'évoque aucune couleur, contrairement à ses quatre amis de jeunesse. Ce Tsukuru est un garçon simple, menant une vie tout à fait réglé (comme tous les personnages de Murakami). Mais ce garçon simple n'explique pas le rejet de ses amis à son entrée à l'université. La seule raison lui venant à l'esprit est celle de la couleur : ne manque-t-il pas de personnalité ? Pourtant, comme l'évoque son prénom, Tsuku sait "construire" des choses, notamment des gares. C'est un endroit qui le passionne et qui le fascine, comment peut-on expliquer que tout soit réglé malgré le nombre incroyable de gens qui fréquentent cet endroit par jour ?
La force de Murakami est la proximité du personnage et du lecteur. C'est toute la magie de cet auteur, de rapprocher ainsi les individus malgré les différences de civilisation.
Cette œuvre est à rapprocher d'un de ses premiers romans "La course au mouton sauvage" selon les spécialistes. Ce qui expliquerait sans doute pourquoi le rêve n'est pas autant développé que d'habitude. La porte sur ce monde est en effet à peine entre-ouverte, et ce, essentiellement par l'intermédiaire des rêves de Tsukuru. Un roman idéal pour les lecteurs découvrant Murakami, ou ceux qui n'apprécient que moyennement le voyage dans l'onirisme.
Qu'a étudié Haruki Murakami ?