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Critique de le_Bison


Rarement je n'ai pu autant m'identifier aussi fortement, indélébilement, à un roman. Ce Tsukuru Tazaki me cause au plus profond de moi-même, il est simplement en moi, je le ressens à chaque étape de ma vie. Je crois qu'on se comprendrait tous les deux, à moins qu'il soit moi, que je sois lui, que nous ne sommes qu'un. Une même et unique âme dans une même et unique putain de vie.

« J'ai ressenti avec de plus en plus de force que les autres me considéraient comme quelqu'un qui ne valait rien, ou qui était tout à fait inintéressant. du moins, je me suis vu ainsi. »

Ils sont cinq, comme les doigts d'une main. Unis et inséparables. du moins, c'est ce qu'il croit, qu'il pense, jusqu'au jour où, du jour au lendemain, on lui envoie, une lettre, un mail, un coup de téléphone, peu importe, lui demandant de ne plus revenir. Il l'accepte, même si intérieurement il ne le comprend pas, mais il ne s'imposera jamais aux autres, même si une profonde communion était née entre eux. Cette séparation, brutale, signe sa mort intérieure. Il survit dans ce monde mais sent qu'il n'appartient plus à ce monde. Face à la couleur de ses amis, lui qui s'est perçu toujours comme un être incolore voir transparent dans cette société-là, il n'a plus d'existence dans ce monde, ou est-ce ce monde qui n'a plus d'existence ou de réalité dans cette vie-là. Attendre une prochaine vie…

« Lorsqu'on est profondément blessé, les mots ne vous viennent pas. »

Vivre comme un somnambule, avancer, marcher, courir, alors qu'on est déjà mort. Et écouter le silence de sa vie. Devant une bière et un disque de jazz. Un sax' qui caresse ce silence, encore trop sensuel pour lui qui le ramène à de douloureux souvenirs. Non aujourd'hui ce sera musique classique, parce qu'avec l'âge le classique me va bien, parait-il… Au programme les années de pèlerinage avec Liszt, une ode à la mélancolie et à la solitude.

Tsukuru s'enferme petit à petit dans cette solitude, un univers certes volontaire mais par moment pesant. Mais comment peut-il en être autrement quand il pense qu'il n'est rien, ou si peu, un être si incolore dans le tourbillon de la vie. Roman de gares et de spleen. Tsukuru soigne sa mélancolie en construisant et aménageant des gares. C'est un bâtisseur depuis l'enfance. Moi les gares, je les traverse, Gare Saint Lazare et sa cohue, Gare Montparnasse pour descendre quelques bières au Falstaff, Gare de Lyon, et son train bleu, le train de l'amour pour le sud… Blue Train, Blue Moon… Roman de nostalgie et de mélancolie où la tristesse de Tsukuru s'épanche sur chaque page comme je m'épanche sur les rails de la nuit étoilée, le regard porté sur la lune. Lune japonaise, lune finlandaise. Prendre un billet, traverser les nuages survoler le Mont Fuji et découvrir le silence des fjords. Là où je suis, le silence m'enveloppe.

« C'était seulement de la tristesse. La tristesse d'un homme abandonné au fond d'une fosse profonde et obscure. »
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