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Critique de Kirzy


Kirzy
16 novembre 2018
Le prologue est formidable. Un peintre. Un «  homme sans visage » qui lui réclame un portrait suite à une promesse en lui tendant un talisman en forme de pingouin. Sa «  voix rieuse évoquait le bruit du vent qui résonne comme un creux, du plus profond d'une caverne ». Son non-visage n'est qu'un « brouillard laiteux qui tourbillonnait lentement ». le temps manque au peintre qui n'a pas l'habitude de faire le portrait du rien.

Dès ses premières lignes, je suis irrémédiablement ferrée. Pourtant, les chapitres s'égrènent ensuite lentement, s'étirent en de non-événements très banals, dans un style très prosaïque, descriptif et pragmatique, assez loin de l'onirisme habituel de l'auteur.
Le héros, le peintre donc, vient d'être quitté par sa femme, il s'enferme loin du monde dans une maison prêtée par un ami, fils d'un célèbre peintre spécialisé dans le nihonga ( peinture japonaise traditionnelle ), il est en pleine crise existentielle et n'a plus le goût de peindre.
Cela peut sembler convenu ainsi résumé mais tout l'art de Murakami est de glisser dans cette platitude apparente de petites touches mystérieuses qui t'intriguent d'abord, puis t'hypnotisent dans l'attente de la prochaine, forcément plus grandes.
le talent pour faire surgir l'inquiétante étrangeté du quotidien est formidable, jusqu'à te faire accepter comme «normaux» les événements irrationnels qui surviennent : une clochette bouddhiste qui tinte la nuit à heure fixe, une chambre de pierre souterraine, une créature histrionnante qui semble sortie directement du tableau découvert caché par le héros, le Meurtre du Commandeur.
L'intrigue est à tiroirs, comme un conte initiatique qui prendra plusieurs chemins. Pêle-mêle, il y a des références au mythe de Dom Juan, à Alice au pays des merveilles, à Gatsy le magnifique ( en la personne du mystérieux voisin Menshiki, richissime qui sert de détonateur à l'histoire ) , à l'Anchsluss de 1938 ( !!! ). Plus l'intrigue avance, plus l'irruption du fantastique imprègne le récit et donne sens aux événements tout en alimentant un mystère qui ne fait que grandir et saisir le lecteur, la frontière entre réel et irréel se brouillant de plus en plus.
Les passages décrivant le peintre en action, en train de réinventer son art, de se réinventer lui, de retrouver le goût des choses, sont superbes, on voit le tableau prendre vie sous nos yeux.
Et que dire des magnifiques titres donnés aux chapitres : «  le clair de lune illuminait toute chose », «  la curiosité ne tue pas seulement les chats », «  l'instant où présence et abse,ce sllaient se mêler », « Franz Kafka aimait les routes en pente ».

Le second tome me tend les bras. Même si ce n'est pas le choc ressenti à la lecture de Kafka sur le rivage ou de la ballade de l'impossible, difficile d'abandonner le héros et surtout l'incroyable personnage de Menshiki que l'on sent empli de secrets enfermés dans une petite boîte elle-même fermée à
clé et profondément enterrée à un endroit que lui seul connaît.
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