AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782754811972
160 pages
Futuropolis (16/06/2016)
4.09/5   97 notes
Résumé :
13 juin 1867. Joseph Wallace est photographe à Pittsburgh. Marié à Marjorie, il a deux beaux enfants et son quotidien de portraitiste de notables et de leurs familles, lui assure un revenu confortable. Et pourtant, le voilà dans le train pour Saint-Louis rejoindre une mission d'exploration scientifique qui prendra route vers les immenses territoires à l'ouest du Mississipi, afin de gagner les Montagnes Rocheuses. L'expédition, dirigée par le Docteur Walter, est fina... >Voir plus
Que lire après Etunwan : Celui qui regardeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
4,09

sur 97 notes
5
10 avis
4
12 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis
En juillet 1867, une expédition scientifique, financée par le gouvernement fédéral des Etats-Unis, part de St-Louis (Missouri) pour explorer l'ouest américain jusqu'aux Montagnes rocheuses. Montée sur des chariots bâchés tirés par des chevaux, elle sillonne d'interminables prairies et zones caillouteuses avant d'entrer dans des forêts de conifères coupées par des cascades vertigineuses. Sur des milliers de kilomètres.

Joseph Wallace, personnage fictif, photographe de studio, se joint à la mission et côtoie sur cette longue route, topographes, minéralogistes, biologistes et ethnologues, dont le but est de cartographier ces immenses espaces (à coloniser) et, si possible, de situer au plus près les gisements d'or, de charbon et de minerais. Il tient un carnet de route qui commence par ces mots : « Puisse mon âme, à l'heure où je rédige ces premières lignes, être aussi légère et insouciante que celle d'un enfant qui découvre le monde ».

Sa rencontre fortuite avec une tribu de Sioux Oglalas le pousse à revenir planter son trépied, à ses frais, pour portraiturer d'autres Indiens, sitôt son engagement terminé.

C'est ainsi que les enfants le totémisent Etunwan, celui qui regarde. En ce temps-là, la photographie était une technique émergente et au fil des pages, nous suivons les progrès du collodion instantané, du temps d'exposition et de pose, du dosage du sulfate de fer dans le bain de rinçage.

Ce qui fait de cette BD une oeuvre originale et exceptionnelle, c'est que Thierry Murat présente ses dessins comme des négatifs de photos argentiques. Des ombres chinoises sur fond sépia, gris, bleu, orange. Il rend hommage à ces « yeux » qui ont fixé pour toujours un peuple en voie de disparition, comme Edward S. Curtis, et à la richesse de ce peuple « né dans les prairies, là où les vents soufflent librement et où rien n'arrête la lumière du soleil, là où il n'y a pas de clôtures » (Géronimo).

Ce qui est important pour Etunwan, c'est de mettre les choses et les gens en scène, de les sublimer, de les raconter avec le regard et non pas de les saisir d'un simple clic. D'autant plus que les Indiens « savent depuis longtemps que leur monde est en équilibre au bord du vide. Et que ce vide ne sera bientôt plus que la trace effacée de ce qu'ils ont été. Aujourd'hui, je crois pouvoir affirmer humblement qu'ils ont compris que mon travail de « faiseur d'images » était en train d'empêcher peu à peu que cette trace disparaisse à tout jamais » (p. 114).

Thierry Murat nous offre 158 pages de grand art, de questionnement sur le besoin de s'approprier « le Territoire » comme on appelait l'Ouest en cette fin de XIXe siècle, et de la nécessité de garder la mémoire des traditions et de la sagesse indienne.

Merci, CrazyMan, de m'avoir permis de découvrir ce talentueux auteur de BD et de me replonger de manière très sensuelle dans le monde des Amérindiens.

Commenter  J’apprécie          638
Magnifique roman graphique de Thierry Murat, tant par le contenu de l'histoire que par l'esthétique des planches et du choix approprié de leurs couleurs, dimensions, profondeur des champs visuels, l'ensemble donnant une réussite totale.

Une oeuvre qui contient tout, absolument tout, à mon sens, de ce qui fait l'essence des relations humaines au sein d'une nature extraordinaire, celle des Grandes Plaines de l'ouest américain, relations amicales, amoureuses, partage de la culture et de la sagesse des Indiens, avec pour contexte un art qui se développait tout juste à l'époque, la photographie.

Le jeune photographe, Joseph, va découvrir dans le cadre d'une expédition destinée à reconnaître les grands espaces au-delà du Mississipi, la vie des Sioux, d'abord avec la rencontre d'un jeune indien, puis de sa tribu, et enfin d'une jeune Indienne pour une nuit d'amour sans faute.

Il explique en détail, sans lasser, ses choix techniques en matière de photographie, sa volonté de saisir le vivant, sans le dénaturer, en sachant qu'il va continuer à exister au-delà du cliché, dans une lumière ou une nuit éternelles.

Tout au long de l'histoire, ce seront des paysages, des animaux entrevus qui ne seront pas sur la plaque, puis des visages, et, au-delà de leurs expressions des âmes chargées d'humanité, de sagesse, de croyances et d'histoire que Joseph immortalise dans ses prises.

Ainsi, les convois, les grandes herbes, les troupeaux de bisons massacrés, les tipis, l'eau, la lune, le soleil, le vent vont peupler la narration de ses expéditions par Joseph. Pour lui, elles iront bien plus loin que des motifs géographiques ou scientifiques, avec les grandes interrogations sur les mystères de l'Univers et la vanité des questionnements sur ce qui ne peut être accessible.

Baudelaire accompagne avec ses fleurs maladives le cheminement de Joseph, ajoutant ainsi à la mélancolie de son parcours, avec notamment cet anéantissement amoureux sous les étoiles.

Une variation sur la Genèse m'a particulièrement plu avec la première femme d'Adam enfuie du paradis terrestre, incapable d'obéir, "folle de rage et de liberté", pour finalement laisser la place à une Eve qui choisira avec bien moins de liberté la voie de la désobéissance.

Harmonie est le maître mot de ce livre, avec celle de la vie des villages indiens, celle des sentiments et des désirs, et celle des couleurs travaillées par l'auteur pour donner au lecteur la perception d'une immersion totale aux côtés de Celui-Qui-Regarde.
Commenter  J’apprécie          392
Lu froidement, avec un minimum d'esprit mal tourné, ce titre pouvait d'emblée créer une légère confusion.
S'agissant d'un photographe, l'intitulé prend alors tout son sens, reléguant de facto toute allégation saugrenue aux oubliettes de l'histoire.

Je découvre le travail de Thierry Murat, sobriété et contraste comme maîtres mots, l'ensemble se veut résolument humaniste.
Aux décors et portraits épatamment expressifs viennent se greffer des textes particulièrement travaillés.
Qui a dit que le mieux était l'ennemi du bien ?

C'est l'histoire d'un mec qui se sera pris d'affection pour un peuple en pleine mutation, pour un mode de vie menacé d'extinction.
Ni juge, ni moralisateur, ce récit qui traite à la fois d'ornithologie et d'ethnologie laisse une forte amertume en bouche au regard de l'anéantissement programmé de toute une population indienne sacrifiée sur l'autel d'un progrès affamant et d'une migration colonisatrice parfaitement hors de tout contrôle étatique.

Une page de l'Amérique bien sombre relatée avec originalité, pudeur et brio, Thierry Murat fait dans la sobriété efficace et le fait de façon convaincante.
Commenter  J’apprécie          403
C'est l'histoire d'un photographe embarqué dans une expédition géographique dans l'ouest des Etats-Unis juste après la guerre de Sécession. Il photographie des paysages sublimes, ses camarades, mais ce sont les Indiens des plaines, qui pour lui, sont la rencontre la plus émouvante. Tout le fascine, la langue complexe et métaphorique, la vie simple . Pour eux, il devient "celui qui regarde" Etunwan . Conscient de voir un monde disparaître, au fil de l'extermination des bisons, puis des hommes, il n'a de cesse de vouloir monter une nouvelle expédition plus légère uniquement pour témoigner à travers son art d'une civilisation menacée , pour publier à son retour un livre sur les " natives americans".
Ce roman graphique original est soit un journal intime, soit un échange épistolaire . le texte dactylographié est en dehors de l'image magnifique en tons sépias ou bleu nuit. le tracé en noir fait l'effet de plaques photographiques anciennes. Ce roman graphique a vraiment une originalité esthétique dans l'image, le texte et le sujet abordé .
J'ai beaucoup aimé ce récit qui est un hommage à un art naissant au service de la conservation d'un patrimoine . Il nous raconte que dans la marche vers l'ouest, une population a presque totalement disparu entre la pose des rails du chemin de fer et la ruée vers l'or.
J'ai rouvert mon album de photos " native american portraits " réalisées à peu près à cette époque par de nombreux photographes américains qui ont sillonné l'ouest de leur pays pour réaliser des portraits magnifiques et paisibles, ces regards intenses qui traversent le temps et nous rappellent à travers leur disparition, notre fragilité à tous.
Commenter  J’apprécie          230
On est dans les années 1860 aux Etats-Unis, Joseph Wallace est photographe et participe à une expédition scientifique dans l'ouest. Les indiens l'appelleront Etunwan, celui qui regarde.
Le graphisme de Thierry Murat est proche de la photo, avec de forts contrastes, et des tons sépias, mais il ne se contente pas de reproduire la réalité, c'est justement un des thèmes de la bande dessinée. Par moment, le trait de pinceau prend le dessus, plus expressif, plus instantané, pour présenter des moments où justement il s'attache à se rapprocher encore plus de la réalité. J'ai particulièrement apprécié cette thématique dans cette histoire, judicieusement abordée par le style graphique, cette thématique se déploie à travers une autre thématique, celle de l'ethnologie, du naturalisme, de la relation à l'autre. Joseph cherche à comprendre, à s'immerger parmi les indiens, là où d'autres, aux aspirations plus mercantiles, préfèrent fermer les yeux. C'est une belle histoire, humaniste, naturaliste, et qui évoque de nombreux sujets tous passionnants, qui soulève de nombreuses questions, sur l'image, sur les traces du passé, sur le colonialisme, c'est très vaste et très riche, un oeuvre remarquable.
Commenter  J’apprécie          240


critiques presse (4)
ActuaBD
19 octobre 2016
Bel hommage à l'art du portrait et à la mémoire des indiens d'Amérique, porté par un graphisme qui conjugue sobriété et art du contraste.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BDGest
04 octobre 2016
Album charnière dans la bibliographie de Thierry Murat, Etunwan est remarquable par la symbiose opérée entre le propos et l’image. Quasiment indispensable.
Lire la critique sur le site : BDGest
BoDoi
25 juillet 2016
Le crayon propose alors mieux que la plume, qui alourdit des subtilités et grossit des symboles jusque-là tranchants.
Lire la critique sur le site : BoDoi
BDZoom
20 juin 2016
Un beau récit sur le rôle de l’ethno-photographe et une belle virée dans les Rocheuses.
Lire la critique sur le site : BDZoom
Citations et extraits (89) Voir plus Ajouter une citation
p.112-3.

Alors pourquoi ne pas envisager la photographie comme la peinture ?
Je vois une action se dérouler sous mes yeux, elle me touche, alors je la note dans mon carnet… Par la suite, je fais « rejouer » la scène par « mes modèles » comme au théâtre ou comme dans l’atelier d’un peintre, mais en pleine nature.
Si l’on met du cœur à l’ouvrage et si l’on fait preuve de sincérité, la séance de pose peut se teinter d’un naturel incroyablement vrai. Qu’est-ce qu’une image, sinon un fac-similé de la réalité ? Cela ne sert à rien de vouloir à tout prix représenter les choses telles qu’elles sont. Il faut les mettre en scène ; les sublimer.
Si on se contente de retranscrire le réel, même dans le meilleur des cas, on n’obtient qu’une pâle copie des sensations que nos yeux ont perçues.
Alors il ne faut pas uniquement montrer. Il faut raconter avec le regard.
Commenter  J’apprécie          80
La plaque de verre photosensible exposée à la lumière témoigne aussi, parfois, de nos propres contorsions intérieures pour atteindre le paysage qui se tient devant nous. Le regard n'est qu'un geste.

p. 49
Commenter  J’apprécie          320
Empêcher l’inéluctable est impossible. En quatre siècles, depuis l’arrivée de l’homme blanc, la population amérindienne est passée de huit millions à moins de quatre cent mille individus. Tandis que pendant ce temps, soixante-quinze millions d’immigrants les dépossédaient peu à peu de leur territoire. Comment faire sens de tout cela ? Lorsque avec son propre regard, on prétend rendre grâce à la beauté du monde et au miracle de l’existence.
Commenter  J’apprécie          120
"Lorsque les hommes blancs sont arrivés depuis l'autre côté de la mer sur leurs bateaux gigantesques, ils nous ont fait que leur monde était devenu trop vieux, trop petit, et qu'ils étaient désormais trop nombreux pour continuer à vivre ainsi sur des ruines, accablés par les guerres et la misère et parfois même persécutés pour leur croyances religieuses. Alors nos ancêtres les ont accueillis comme des frères...
Ils leur ont offert un refuge entre le ciel immense et les vastes étendues sauvage de note Terre-Mère. Mais peu à peu, l'homme blanc à changé. De sa place d'invité, il a fait celle du propriétaire. Et nous n'avons rien vu venir."
Commenter  J’apprécie          70
Si on se contente de retranscrire le réel, même dans le meilleur des cas, on n’obtient qu’une pâle copie des sensations que nos yeux ont perçues.
Alors il ne faut pas uniquement montrer. Il faut raconter avec le regard.
Commenter  J’apprécie          220

Lire un extrait
Videos de Thierry Murat (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thierry Murat
En avril 2021, Thierry Murat vous propose un intrigant entretien avec un vampire. Jørgen Nyberg est un peintre célèbre de la deuxième moitié du XXIe siècle. Il a installé sa notoriété grandissante avec des peintures de scènes intimistes aux formats gigantesques. D'une modernité implacable, ses toiles ont la particularité d'être exécutées avec une technique très ancienne de la Renaissance italienne. Ses oeuvres font autant parler d'elles sur le Workin'glass, le réseau social dominant, que la volonté de l'artiste de ne jamais apparaître en public. Avant d'être Jørgen Nyberg, il fût l'une des figures marquantes du Cinquecento, Giacomo della Fenice. Malheureusement, il meurt à 46 ans, en 1531, en Toscane, mordu à mort dans une ruelle de Sienne. L'immortalité lui est offerte par son agresseur, un vampire et collectionneur d'art qu'il n'a jamais revu. Cinq siècles plus tard, il vit et travaille dans un immense loft au 153e étage d'une tour de Stockholm où il réside, la lumière de l'aube y étant plus confortable.
+ Lire la suite
autres livres classés : bande dessinéeVoir plus
Les plus populaires : Bande dessinée Voir plus


Lecteurs (167) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages de Tintin

Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

Tintin
Milou
Le Capitaine Haddock
Le Professeur Tournesol
Dupond et Dupont
Le Général Alcazar
L'émir Ben Kalish Ezab
La Castafiore
Oliveira da Figueira
Séraphin Lampion
Le docteur Müller
Nestor
Rastapopoulos
Le colonel Sponsz
Tchang

15 questions
5222 lecteurs ont répondu
Thèmes : bd franco-belge , bande dessinée , bd jeunesse , bd belge , bande dessinée aventure , aventure jeunesse , tintinophile , ligne claire , personnages , Personnages fictifsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..