Thierry Murat, auteur de BD, après avoir lu le roman éponyme de
Anne-Laure Bondoux, a contacté celle-ci pour lui dire qu'il avait envie de mettre des images sur son histoire.
Il lui a expliqué son projet, ses envies, son angle de vue, et elle en a été touchée, et lui a donné carte blanche. Pendant 15 mois, régulièrement,
Thierry Murat lui a envoyé des planches pour l'informer de l'avancée de son travail, et c'est avec beaucoup d'émotion que l'auteur(e) a suivi la deuxième naissance de son roman.
Naissance, ce pourrait être un autre titre pour cette BD étrange et envoutante, sobre, aérée…
Pourtant, bien des éléments de l'histoire frisent le sordide. Rien de sucré, de trop explicite, mais si le lecteur est amené parfois à deviner ce qui se cache derrière l'ellipse, par moment la violence est abrupte. Toutefois, aucune complaisance dans l'expression de cette violence, simplement un fait qui s'inscrit avec une certaine logique dans le décor du désert Chilien, un endroit au bout du bout du monde, entre désert et mer.
Peu de personnages, mais quels personnages ! Pablo, un enfant solitaire, « né de la routine du lit de ses parents », qui ne connait pas son âge, habite ce décor à la beauté désolée et poétique avec ses parents dont la cabane fait office d'auberge pour les rares voyageurs de passage.
Pablo est un contemplatif. Il passe son temps à observer ce qui l'entoure et à traquer les serpents qui le fascinent.
Pablo voit un jour arriver un homme, qu'il reconnait. C'est un assassin. Son nom est Angel. L'ange de la destruction, du carnage.
Je ne raconte pas la suite, ce serait dommage pour les futurs lecteurs que je souhaite nombreux pour cette BD qui mérite vraiment le détour. Une histoire donc de naissances, au pluriel, d'apprentissage, de conscience, des liens que l'on peut tisser avec un inconnu pour une phrase ou un seul geste.
Avec évidence, le roman ayant inspiré l'auteur doit être superbement écrit. La BD m'a donné envie de le lire.
Pour une fois, même si l'histoire m'a beaucoup plu, j'ai encore davantage apprécié l'esthétique des dessins. Moi qui aime les couleurs vives en BD, j'ai plongé avec délice dans ces tons sépias si familiers au désert, les nuits bleutées que l'on devine froides, les moments de silences contemplatifs. le cadrage des planches est superbe, alternance de paysages et de visages en gros plan, bouches, regards, un arbre solitaire, des pierres entassées…
Rarement je n'ai été aussi sensible à cette manière formelle de dépeindre une ambiance.
L'émotion n'est jamais brutale, c'est plutôt comme un rêve qui s'empare du lecteur pour ne pas le lâcher, dont il ne sait jamais vraiment si c'est un cauchemar ou un conte fantastique.
Pas de rire ou de larme à la lecture, mais une voix très particulière qui nous raconte «
Les larmes de l'assassin », et je me suis dit, refermant cette BD que j'achèterai probablement un jour, que je comprenais l'étonnement émue d'
Anne-Laure Bondoux à ce merveilleux cadeau de
Thierry Murat.
Je termine d'ailleurs en citant celle-ci : « J'ai aimé sa palette de couleurs, le rythme qu'il a donné à l'histoire, l'expressivité des visages et des silhouettes… (…). L'équilibre m'a paru sonner juste : j'entendais ma voix, mais elle était devenue la sienne, et l'histoire s'en trouvait augmentée, enrichie. »