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EAN : 9782070757022
350 pages
Gallimard (22/02/2000)
3.55/5   20 notes
Résumé :

La perspective de pouvoir me désolidariser encore de quelques-unes des valeurs qui prétendent unir tant bien que mal cette humanité en déroute est l'un des plaisirs qui me tiennent en vie. Quand les professeurs de vertu rétrospective et anhistorique racolent dans les médias ; quand n'existe plus d'ardeur que pour ce qui relève de la noyade dans l'indifférencié ; quand le chaos festif et touristique devient la t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Quel livre !! Une lecture obligatoire, vitale. A peine croyable cette puissance de décryptage dans un monde actuel pourtant tellement uniforme, où tout discours est nécessairement englué dans la mélasse de ce que Muray appelle le totalitarisme de l'Empire du Bien. Pas une seule journée sans qu'il n'y ait une couverture de journal, une affiche publicitiaire ou « flyer evenementiel » qui nous permette de comprendre toute la pertinence de ses analyses dont certaines remontent pourtant à plus de 20 ans.

Que dire du style de Muray, une véritable bouffée d'oxygène dans un univers où depuis bien longtemps la plupart de nos écrivains contemporains et nos journalistes ont arrêtés de s'embarrasser de la maîtrise de la langue. La preuve irréfutable de la verve de sa plume sont les éclats de rire que sa lecture provoque (et c'est rare de rire en lisant je trouve), et les regards interrogateurs, voire inquiets que ces rires occasionneront autour de vous si vous lisez dans les transports en commun comme moi.

Alors certes, la lecture de Muray est difficile, je me suis posé les mêmes questions qu'Iboo ci-dessous, elle nous ôte un peu de notre foi dans le monde actuel. Est-ce une mauvaise chose ? Je préfèrerais toujours avoir une part de vérité, si dure soit-elle, au soma d'une ignorance benoîtement festive. Pour répondre à la précédente critique, il n'y a aucune condescendance dans sa posture, Muray était d'une politesse et d'un raffinement extrême dans la vie. Il décrypte une situation et les réponses, il les donne en filigrane, il faut lire, lire encore et apprendre et écrire, et résister de toute son humanité à tout ce qui s'attache à abrutir, à restreindre notre liberté, à s'empêcher de prendre tous les concepts actuels qu'on nous assène comme allant de soi (la tolérance par indifférence, la justice par la loi au moindre prétexte, les loisirs à tout prix, le tourisme etc). Bref il y a chez Muray une foi inébranlable dans la capacité de résistance de l'esprit humain, même si l'esprit du temps ne contribue pas à nous le rappeler.
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Finalement, je ne suis pas cliente de tous ces écrits dans lesquels on pétrit, malaxe et dissèque les comportements humains.
Majoritairement, les "vérités" de Désaccord Parfait m'interpellent et sont jubilatoires, mais trop, beaucoup trop, de délayage.
En outre, je suis dérangée par un style que je ressens comme relativement prétentieux chez ce genre d'écrivains. Ils détiennent LA vérité, ils ont TOUT compris sur TOUT et nous assènent leurs certitudes avec emphase et condescendance.
Je le confesse, c'est ainsi que je l'ai perçu, même si je sais avoir tort. Bien fait pour vous Monsieur Muray, il ne fallait pas vous en prendre à Mickey !
Il y a cependant une question que j'aimerais vous poser : "D'accord, j'ai bien saisi l'idée générale... tout est nase par notre faute et nous sommes tous d'indécrottables abrutis avachis et lobotomisés. Mais, vous, dont l'intelligence et la perspicacité ne peuvent objectivement être mises en cause, pouvez-vous m'éclairer sur ce qu'il faut faire et ce qu'il faut être pour obtenir un soupçon d'indulgence de votre part ?".
Mea culpa pour ce commentaire négatif car ce livre est excellent. C'est seulement moi qui suis trop paresseuse, trop pressée ou pas assez humble (ou les trois) pour l'apprécier comme il mérite de l'être et me surestime pour oser m'atteler à des oeuvres qui me dépassent et m'ôtent tout espoir.
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Ces chroniques ironiques du désenchantement d'un homme, confronté au vide d'une société du loisir et de la consommation, sont, hélas, d'une désolante actualité, quoiqu'écrites, pour certaines, il y a trente ans. "Réactionnaire" crieront certains. Moi, je dirai: visionnaires !
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
LA GRANDE BATTUE

La chasse est ouverte. Pour les scouts de la bonne pensée, pour le petit peuple des commentateurs, biographes, universitaires, journalistes d'investigation et fabricants de thèses, c'est devenu une occupation à temps complet. Ces gens-là, désapprouvent la chasse réelle, mais ils raffolent du gibier symbolique. Tout homme illustre, entre leurs mains, peut devenir une bête aux abois. Le nouveau monde vertueux des louveteaux de la Vigilance a en horreur les écarts de conduite des individus d'exception. Ils les dénoncent en chaire. Ils les stigmatisent. Ce sont les propagandistes de la nouvelle foi. Mouchardage et cafardage sont leurs deux mamelles.
Chaque jour nous apporte sa brassée de révélations. Tantôt c'est Michel Foucault dont on nous explique l'oeuvre complète à travers sa fréquentation des boites sado-masos californiennes ; tantôt c'est Brecht, qu'on nous montre en tyran répugnant, signant des pièces écrites par ses maîtresses. Et voilà encore Cioran admirateur, dans sa jeunesse, du fascisme roumain ; Graham Greene haineux, pédophile et raciste ; Bruno Bettelheim plagiaire, bourreau d'enfants, menteur, imposant à ses proches les méthodes des camps nazis faute d'avoir pu en surmonter le souvenir. Quant aux frères Lumière, qui devaient orner les nouveaux billets de banque, c'est de justesse qu'on s'est rappelé leur admiration pour Pétain ainsi que les francisques dont ils se laissèrent décorer pendant l'Occupation.
A qui le tour ? Que ne va-t-on encore découvrir ? Que Beethoven tournait autour des pissotières ? Que Stendhal attendait les petites filles à la sortie des écoles ? Que Cervantès a volé le manuscrit de Don Quichotte à sa voisine ? Nous avions déjà eu Marx pourvoyeur de goulags et séducteur de bonnes ; Heidegger nazi jusqu'au bout du Dasein ; Henry Miller érotomane et antisémite ; Picasso et ses épouses martyyres ; Hemingway et son impuissance.
On peut désormais écrire à peu près n'importe quoi sur n'importe qui, à condition que celui dont on parle en ressorte disqualifié, ruiné, ridiculisé. A condition qu'il devienne "une affaire". Un dossier sordide à classer. Un sujet d'enquête d'intérêt général.
Il y a quelques mois, j'ai même entendu, à la télévision, une dame (auteur d'un livre sur les artistes et leurs "muses") déclarer que Balzac ne devait son génie qu'à Mme de Berny. C'est elle, la Dilecta, qui lui avait tout appris. Et d'ailleurs, lorsqu'elle est morte, continuait cette poufiasse, Balzac n'a plus rien fait de bon. Plus rien, en effet. A part César Birotteau, Splendeurs et misères des courtisanes, Le Cabinet des Antiques, La Rabouilleuse, Une ténébreuse affaire, La Cousine Bette, Le Cousin Pons et une bonne cinquantaine d'autres chefs-d'oeuvre.
On n'étudie plus les génies d'autrefois. On ne les admire plus. On les débusques. On les capture. On les fourre à l'autoclave, et on voit ce que ça donne. Et malheur à ceux qui se laissèrent aller, fût-ce sous forme de plaisanterie, à exprimer le moindre soupçon de misogynie, de xénophobie ou de désapprobation du monde tel qu'il va !
Le passé, tout le passé doit être massacré.
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A tout moment, les artistes d'autrefois sont susceptibles de se voir inculper pour des crimes ou des délits qui n'existaient pas de leur vivant.
Nous sommes si fiers de nos "valeurs" que nous les avons rendues rétroactives : c'est ce qui les différencie des lois ordinaires qui, comme le dit le Code Civil, "ne disposent que pour l'avenir".
C'est souvent un fils ou une fille de notable qui exerce des représailles posthumes sur son géniteur ou sa génitrice. Voir le livre de la fille de Jacques Lacan, il y a quelques mois.
Ce peut être aussi une ex-compagne : Françoise Gilot réglant ses comptes avec Picasso dans "Vivre avec Picasso". La plupart sont très colère contre le génie qui les a génités. Ils l'auraient souhaité un peu moins génial et beaucoup plus géniteur. Ils écrivent des livres pour s'en plaindre. Ils donnent des entretiens. Ça pourrait même devenir un genre littéraire. Dans le style "Ma rancoeur mise à nu".
J'ai entendu l'une des petites-filles de Picasso confesser qu'elle haïssait son grand-père ("Il a fait tellement de mal à ses proches !"), mais que, tenant de lui un assez bel héritage, elle le consacrait à aider l'enfance malheureuse. Ainsi se retrouve blanchi l'argent si mal gagné de cet odieux aïeul.
Quant à la fille unique de Céline, on lui doit cet aveu : "Je préfère être la fille de "Louis" plutôt que celle de Céline." L'ennui c'est que "Voyage au bout de la nuit", ce n'est pas "Louis" qui l'a écrit.
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Plus d'extraits sur : https://notesdelecturedepatrickbittar.blogspot.fr/2018/01/desaccord-parfait-de-philippe-muray.html

Ainsi le féminisme et l’homosexualité ont-ils gagné : cependant même leur victoire doit continuer à être proclamée en tant que semi-échec, racontée jusqu’à la fin des temps sur le mode de la lutte toujours à recommencer d’une pathétique minorité contre une majorité répugnante (les machos, les pères, les homophobes) dont il n’existe plus, à Cordicopolis, aucun exemplaire en circulation. De même faut-il sans cesse pousser des cris d’alarme contre la prolifération qui a pourtant le même caractère d’évidence à peu de chose près, que la célèbre recrudescence des vols de sac à main dans les salles de cinéma.

La divergence et le désaccord ont été liquidés (…) Quand l’ensemble des confiscateurs de toute parole répète qu’il est merveilleusement incorrect d’être artiste, tout en faisant l’éloge émerveillé de la « création contemporaine », c’est-à-dire de la plus flagrante des soumissions, il faut savoir tirer les conséquences de ce gâtisme rhétorique ; et en déduire, pour commencer, qu’il n’y a plus de réalité (…) A la lettre, et de la manière la plus sinistrement clownesque, le « Prenez vos désirs pour la réalité » de 68 est accompli (…) Ici commence le temps des mutés de Panurge.
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La fiction est le diable de la réalité qui le sait encore ?

Nous sommes désarmés en face du Bien, c'est logique : on ne nous a appris à lutter que contre le Mal. Il faut reconnaître que la bagarre a été chaude et que le négatif, ou la "part maudite", ont été pratiquement éradiqués, au moins sous leur formes les plus spectaculaires, de ce côté-ci du monde. (...) Nous n'avons aucun arguments contre le Bien, contre l'innocence, contre le sentimentalisme de la moralité, de la vertu, de la volonté de transparence partout, des bonnes intentions, de la télécharité.
Et voilà pourquoi vos romans sont muets.
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L'insatisfaction proclamée de tant de femmes vis-à-vis de certains détails de leur corps peut très facilement devenir un supplément de délices pour l'amateur avisé qui saura les aimer, ces défauts, comme autant de signes différenciateurs, donc d'indices imprévisibles de volupté en plus.
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Philipe Muray n'a pas eu droit de son vivant à l'attention que son talent aurait justifiée. Mais un comédien a contribué à le venger. Savez-vous de qui il s'agit ?
« Exorcismes spirituels » de Philippe Muray, c'est à lire en poche chez Tempus.
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