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Dans les Exorcismes spirituels, premier volume du nom, souvenez-vous : Philippe Muray se demandait qui pourrait aujourd'hui écrire le roman représentatif de l'homme de notre époque dans toutes ses contradictions : l'impératif de jouissance qui le tyrannise, sa capture dans le langage de la performance, son progressisme idolâtre, son égotique susceptibilité appliquée comme un voile virginal à l'ensemble des « populations minoritaires ». Pourrait-ce être Philippe Muray lui-même ? Mais bien sûr que oui ! On ferme ! commence comme l'histoire d'un écrivain (disons Muray) qui travaille sur un projet de roman (disons On ferme) en s'appuyant sur des notes amassées depuis des années à propos de personnages et de situations, sur des extraits de prospectus et de journaux, sur des essais déjà composés ou non – bribes de romans en germes, amorces non-fictionnelles de faits plus véridiques que la réalité dans leur forme aphoristique. La vie du romancier, densifiée seulement par les événements du quotidien (femme conjugale, femme fantasmée voire baisée, enfants, fêtes), est traversée comme un paysage fantôme : l'écrivain dans son bureau de feuilles mortes, les vivants autour de la piscine. Sa vie ne tourne qu'autour de quelques personnages initiaux, que nous croyons inventés de toutes pièces, jusqu'à ce qu'ils émergent au compte-goutte dans l'existence dite « réelle » elle-même. La fonction du romancier est accomplie : sa vision synthétique fait émerger le type depuis l'individu, afin qu'il mette au monde les actes qu'il contient en puissance. La grande fête s'accomplit enfin. le Carnaval s'essouffle dans son ininterruption. « Toutes les fêtes tournent mal, c'est pour ça qu'elles sont drôles. Comme la littérature qui s'ouvre pour les noyer. » Le second degré n'apparaît pas dans ce roman, parce qu'il n'y a qu'un seul degré. le second degré pourrait passer pour un premier degré, à quiconque ne connaît pas par ailleurs les opinions de Muray. Les partouzes, génitales ou non, sont accomplies jusqu'à leurs extrêmes retranchements, au point où la jouissance devient anesthésie. Sur les célébrations parodiques de la culture et du sexe s'accomplit le grand incendie. Pas de punition divine. Pas de jugement des impurs. Peu importe la tournure que prennent les événements, rien ne les redouble : le réel n'a plus de double. Bien loin du nihilisme, Philippe Muray accomplit donc l'athéisme. + Lire la suite |
Guy METTAN, La Tyrannie du Bien, petit dictionnaire de la pensée incorrecte (20 €) a paru aux Éditions des Syrtes.
Le Bien est partout. Il nous poursuit de ses assiduités. Nous traque sans pitié. Projette ses métastases jusque dans les plus intimes replis de nos vies. Il gère, manage, planifie, assiste. Il légifère, confine, vaccine, condamne, bombarde, tue. D'empire, le Bien est devenu tyrannie.
Car la quête frénétique de la vertu est devenue une obsession universelle. Elle ne se limite pas aux cercles woke et aux ONG bien-pensantes. Elle est aussi pratiquée dans les salons feutrés des conseils d'administration, les bureaux open space des managers, les antichambres inclusives des ministères, les amphithéâtres aseptisés des universités et sur les réseaux sociaux qui se sont mis en tête de censurer les manifestations supposées du mal.
Cette tyrannie, il est urgent de la dénoncer. C'est ce que se propose ce guide, qui piétine avec jubilation les plates-bandes du prêt-à-penser économiquement, culturellement et politiquement correct.
Dans la veine caustique d'un Philippe Muray, il désarme les ressorts de la softlangue, ce nouveau langage qui s'emploie à emmieller le vocabulaire et à le noyer de néologismes à consonance anglaise pour mieux répandre ses méfaits.
Il en ressort un inventaire des idées reçues qui réjouira ceux qui n'en peuvent plus des postures et des impostures, des hypocrisies et des faux-semblants engendrés par cette recherche éperdue d'un Bien qui finit par faire beaucoup de mal...