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Suzanne V. Mayoux (Traducteur)
EAN : 9782070287017
444 pages
Gallimard (18/04/1979)
3.71/5   7 notes
Résumé :
L'élégance ironique du ton, la précision du trait et l'inventivité de ce roman en font une satire sociale des grands de ce monde et une satire morale des sentiments amoureux. Iris Murdoch y fait à la fois leçon d'absurde et de lucidité. Et avec quel humour !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
"N'abandonne jamais un texte avant d'en avoir compris à fond chaque mot, chaque cas, chaque détail de grammaire." Une vague compréhension n'était pas suffisante au goût de M. Osmand. Les manuels de grammaire me servaient de livres de prière. Chercher des mots dans le dictionnaire, c'était pour moi une image du bien. La tâche sans fin d'apprendre des mots, c'était pour moi une image de la vie.
La violence est une sorte de magie, on y puise le sentiment que le monde vous cédera toujours. Quand je comprenais la structure grammaticale, je comprenais quelque chose que je respectais et qui ne me céderait pas. L'exaltation de cette découverte, sans me "guérir", anima mes études et les éclaira d'un jour qui n'était pas purement académique. J'appris le français, le latin et le grec à l'école. M. Osmand m'enseigna l'allemand à ses moments perdus. J'appris l'italien tout seul. Je n'étais pas un prodige en philologie. Il me manquait ce sens mystérieux, que certains possèdent, de la structure du langage, qui ressemble au don pour la musique ou le calcul. Jamais je ne me sentis concerné par les aspects métaphysiques de la langue. (Chomsy ne m'intéresse pas. Cette indication doit suffire à me situer.) Je ne me suis jamais non plus envisagé comme un "écrivain", je n'ai jamais essayé de le devenir. Je n'étais qu'un bûcheur brillant, doté d'une aptitude pour la grammaire et d'une sorte de vénération des mots. J'étais naturellement l'élève favori et favorisé. Je soupçonne que M. Osmand me considéra d'abord comme un défi professionnel, après que tout le monde eût "renoncé en ce qui me concernait. Par la suite, il en vînt à m'aimer. M. Osmand n'était pas marié. Sa manche usée caressait souvent mon poignet, et il aimait appuyer son bras contre le mien lorsque nous nous penchions ensemble sur un texte. Il ne passa jamais rien de plus. Mais à travers la pression brûlante, électrique de ce bras, je reçus un autre enseignement sur le monde. (p.33)
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M. Osmand enseignait le français et très occasionnellement, le latin, dans la petite école crasseuse, aussi modeste que dénuée d'ambition, où j'allais en classe. Il était là depuis de nombreuses années, mais j'avais déjà quatorze ans lorsque je devins son élève, armé de ma solide réputation de cancre. Jusque-là, je n'avais pratiquement rien appris. Je savais ( tout juste ) lire, mais quoique ayant assisté à des cours d'histoire, de français, de mathématiques, je n'avais assimilé de ces sujets qu'une connaissance minime. Quand je me rendis compte enfin qu'on avait simplement renoncé à m'enseigner quoi que ce soit, je compris mieux que par les sermons des magistrats, mon état d'épave, et ma colère, mon sentiment d'injustice s'accrurent. Car mon désespoir naissant s'accompagnait de l'idée torturante que malgré tout, j'étais intelligent, que j'avais un cerveau, même si je n'avais jamais voulu m'en servir. J'étais capable d'apprendre des choses, mais c'était trop tard maintenant et personne ne me le permettrait. Vint M.Osmand qui posa sur moi un regard calme. Il avait les yeux gris. Il m'accorda toute son attention.
   Je soupçonne que de nombreux enfants sont sauvés par des saints et des génies de ce genre. Pourquoi la richesse n'est-elle pas assurée à de tels êtres par la société reconnaissante ? Comment au juste se produisit le miracle, c'est une autre histoire dont je ne me souviens pas très clairement. Mon esprit s'éveilla soudain. La lumière entra à flots. Je me mis à apprendre. Je me mis à vouloir exceller dans un domaine nouveau. J'appris le français. Je débutai le latin. M. Osmand me promit le grec. La capacité d'écrire couramment une prose correcte en latin commença à m'offrir une échappatoire ( peut-être littéralement ) à la prison, m'ouvrit juste à temps des perspectives plus grisantes, plus glorieuses que je n'avais jamais su en rêver jusque-là. Au commencement fut le verbe. Amo, amas, amat me servit de Sésame, ouvre-toi ; " apprendre ces verbes d'ici vendredi " fut l'essence de mon éducation ; peut-être que cela constitue d'ailleurs , mutatis mutandis, l'essence de toute éducation. J'appris aussi, bien entendu, ma propre langue, demeurée jusque là idiome étranger dans une certaine mesure. J'appris de M. Osmand comment écrire la meilleure langue du monde avec précision, clarté, et pour finir, une élégance sans faiblesse. Je découvris les mots, et les mots firent mon salut. Je n'étais pas un enfant de l'amour, sinon dans une acception très altérée de ce terme ambigu. Je fus un enfant du verbe.
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Avant de relater les événements de vendredi, il me faut (pendant mon sommeil, en quelque sorte) parler de moi-même plus en détail. J'ai mentionné mon travail, mon âge (quarante-deux ans), ma sœur, la couleur de mes yeux. Je suis né dans une ville du nord de l'Angleterre que ne je nommerai pas, car pour moi sa mémoire est maudite. Que sa terre demeure sacrée pour qui elle pourra. Je ne sais pas qui fut mon père, ni celui de Crystal. Vraisemblablement, et même à coup sûr, ce ne fut pas le même homme. Je fus informé, avant que le vocable eût un sens pour moi, que ma mère était une "grue". C'est étrange à penser, que mon père n'a sans doute jamais su mon existence. J'allais avoir sept ans et Crystal était encore un bébé lorsque ma mère mourut. Je n'ai d'elle aucun souvenir, sinon comme d'un état, en quelque sorte, une manière de mémoire platonique. Je crois que cet état dont j'ai le souvenir est celui d'être aimé, c'est en tout cas le sentiment d'une luminosité perdue, une ère de lumière avant que commencent les ténèbres. Des zones immenses de mon enfance sont inaccessibles à ma mémoire, et je ne peux pas me rappeler un seul incident de ces premières années. Crystal possédait jadis une photographie représenter notre mère, mais je l'ai déchirée, non par ressentiment, bien entendu. (p. 27)
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Au commencement fut le verbe. Amo, Amas, amat me servit de Sésame, ouvre-toi: "apprendre ces verbes d'ici vendredi" fut l'essence de mon éducation; peut-être que cela constitue d'ailleurs, mutatis mutandis, l'essence de toute éducation. J'appris aussi, bien entendu, ma propre langue, demeurée jusque-là idiome étranger dans une certaine mesure. J'appris de M. Osmond comment écrire la meilleure langue du monde avec précision, clarté et, pour finir, une élégance sans faiblesse. Je découvris les mots, et les mots firent mon salut. Je n'étais pas un enfant de l'amour, sinon dans une acception très altérée de ce terme ambigu. Je fus un enfant du verbe. (p. 32.)
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Iris Murdoch est une inconnue. Ou plutôt, on la connaît en tant que romancière, mais pas en tant que philosophe. On ne trouve aucune entrée à son nom dans les dictionnaires et les encyclopédies de philosophie en français. Et pourtant, son nom figure au programme de philosophie depuis la rentrée 2020. Alors qui est-elle ? Que pense-t-elle ? Peut-elle nous intéresser du point de la philosophie de la religion ? Petit spoiler : la réponse est « oui ».
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