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Citations sur L'Homme sans qualités, tome 1 (281)

[...] tout progrès est en même temps une régression. Il n'y a jamais de progrès que dans un sens déterminé. Et comme notre vie, dans son ensemble, n'a aucun sens, elle ne connait pas davantage dans son ensemble, de vrai progrès.
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Diotime commença en déclarant que l’Action parallèle était une occasion unique de donner une réalité à ce que l’on jugeait être les choses les plus importantes et les plus grandes de la vie.
"Nous devons et nous voulons donner réalité à une très grande idée. Nous en avons l’occasion, il serait criminel de la laisser passer ! "
Naïvement, Ulrich demanda : "Pensez-vous à quelque chose de précis ?"
Non, Diotime ne pensait à rien de précis. Comment l’aurait-elle pu ? Aucun homme, parlant de ce qu’il y a de plus grand et de plus important au monde, ne prétend que ces choses aient une réalité. Mais à quelle étrange qualité du monde cela correspond-il ? Tout se ramène à dire qu’une chose est plus grande, plus importante, plus belle ou plus triste qu’une autre, c’est à-dire à un classement et à des comparatifs, et il n’y aurait pas de sommet, pas de superlatif ? Mais si l’on rend attentif à cela quelqu’un qui se préparait justement à vous parler de ce qu’il y a de plus grand et de plus important au monde, ce quelqu’un se méfie aussitôt, pensant avoir affaire à un homme insensible et sans idéal. C’était le cas de Diotime, et c’est ainsi qu’avait parlé Ulrich.
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"On ne peut en vouloir à son époque sans en être aussitôt puni", tel était le sentiment d'Ulrich.
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On reconnait les villes à leur démarche, comme les humains.
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L'esprit sait que la beauté rend bon, mauvais, bête ou séduisant. Il dissèque un mouton et un pénitent, et trouve dans l'un et l'autre humilité et patience. Il analyse une substance et constate que, prise en grandes quantités, elle devient un poison, en petites doses, un excitant. [...] Il mélange, il dissout, il recompose différemment. Pour lui, le bien et le mal, le haut et le bas ne sont pas comme pour le sceptique des notions relatives, mais les termes d'une fonction, des valeurs qui dépendent du contexte dans lequel elles se trouvent. Les siècles lui ont enseigné que les vices peuvent devenir des vertus, et réciproquement ; il tient pour pure maladresse que l'on ne réussisse pas encore, dans le temps d'une vie, à récupérer un criminel. Il n'admet rien de licite ou d'illicite, parce que toute chose peut avoir une qualité qui la fera participer un jour à un nouveau grand système. Il hait secrètement comme la mort tout ce qui feint d'être immuable, les grands idéaux, les grandes lois, et leur petite copie pétrifiée, l'homme satisfait. Il n'est rien qu'il considère comme ferme, aucune personne, aucun ordre ; parce que nos connaissances peuvent se modifier chaque jour, il ne croit à aucune liaison, et chaque chose ne garde sa valeur que jusqu'au prochain acte de la création, comme un visage auquel on parle et qui s'altère avec les mots.
L'esprit est donc opportuniste par excellence, mais on ne peut le saisir nulle part, et l'on serait tenté de croire qu'il ne demeure de son action que décadence.
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Le monde de ceux qui écrivent et doivent écrire est plein de grands mots et de grandes notions qui ont perdu leur contenu. Les attributs des grands hommes et des grands enthousiasmes survivent à leurs prétextes, c'est pourquoi il y a toujours une quantité d'attributs de reste. Ils ont été créés un beau jour par un grand homme pour un autre grand homme, mais ces hommes sont morts depuis longtemps, et il faut utiliser ces notions survivantes. C'est pourquoi l'on passe son temps à chercher des hommes pour les épithètes. La « puissante plénitude » de Shakespeare, l' « universalité » de Goethe, la « profondeur psychologique » de Dostoïevski et toutes les autres images qu'une longue évolution littéraire nous a léguées flottent par centaines dans la tête de ceux qui écrivent, et s'ils écrivent aujourd'hui d'un stratège de tennis qu'il est « insondable » et d'un poète à la mode qu'il est « grand », c'est simplement pour écouler ces stocks.
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Qu'est-ce donc que nos actes, sinon une terreur nerveuse de n'être rien : à commencer par les divertissements qui n'en sont pas, qui ne sont que du vacarme, un caquetage encourageant pour tuer le temps parce qu'une obscure certitude nous dit qu'il finira par nous tuer, pour aboutir aux inventions enchérissant l'une sur l'autre, aux absurdes montagnes d'argent qui tuent l'esprit (qu'on soit écrasé ou porté par elles), aux modes anxieusement changeantes de l'esprit, aux vêtements sans cesse modifiés, au meurtre, à l'assassinat, à la guerre, en quoi se décharge une profonde méfiance à l'égard de ce qui dure et du créé ; qu'est-ce tout cela, sinon l'agitation d'un homme empêtré jusqu'au genou dans une tombe dont il essaie de se dégager mais à laquelle il n'échappera jamais, d'un être qui ne se dérobe jamais au néant, qui, se précipitant avec angoisse dans toutes sortes de figures, n'en demeure pas moins, en quelque point secret de lui-même à peine deviné, caducité et néant ?
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Et maintenant, l'arbre de ses convictions avait ses racines dans le ciel, et toute la boue du volcan de la vie leur restait attachée! (811)
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- De nos jours, m'a-t-il dit, l'esprit n'est plus que le spectateur impuissant de l'évolution réelle, parce qu'il s'écarte des grands devoirs que la vie nous impose.
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Pour on ne sait quelle impondérable raison, les journaux ne sont pas ce qu'ils pourraient être à la satisfaction générale, les laboratoires et les stations d'essai de l'esprit, mais, le plus souvent, des bourses et des magasins. S'il vivait encore, Platon (prenons cet exemple, puisqu'on le considère, avec une douzaine d'autres, comme le plus grand de tous les penseurs) serait sans doute ravi par un lieu où chaque jour peut être créée, échangée, affinée une idée nouvelle, où les informations confluent de toutes les extrémités de la terre avec une rapidité qu'il n'a jamais connue, et où tout un état-major de démiurges est prêt à en mesurer dans l'instant la teneur en esprit et en réalité. Il aurait deviné dans une rédaction de journal ce "topos ouranios", ce céleste lieu des idées dont il a évoqué l'existence si intensément qu'aujourd'hui encore tout honnête homme se sent idéaliste quand il parle à ses enfants ou à ses employés. S'il survenait brusquement aujourd'hui dans une salle de rédaction et réussissait à prouver qu'il est bien Platon, le grand écrivain mort il y a plus de deux mille ans, il ferait évidemment sensation et obtiendrait d'excellents contrats. S'il se révélait capable, ensuite, d'écrire en l'espace de trois semaines un volume d'impressions philosophiques de voyage et un ou deux milliers de ses célèbres nouvelles, peut-être même d'adapter pour le cinéma l'une ou l'autre de ses œuvres anciennes, on peut être assuré que ses affaires iraient le mieux du monde pendant quelque temps. Mais aussitôt que l'actualité de son retour serait passée, si monsieur Platon insistait pour mettre en pratique telle ou telle de ses célèbres idées qui n'ont jamais vraiment réussi à percer, le rédacteur en chef lui demanderait seulement de bien vouloir écrire sur ce thème un joli feuilleton pour la page récréative (léger et brillant, autant que possible, dans un style moins embarassé, par égard pour ses lecteurs) ; et le rédacteur de ladite page ajouterait qu'il ne peut malheureusement pas accepter de collaboration de cet ordre plus d'une fois par mois, eu égard au grand nombre d'autres écrivains de talent. Ces deux messieurs auraient alors le sentiment d'avoir beaucoup fait pour un homme qui, pour être le Nestor des publicistes européens, n'en était pas moins un peu dépassé et, comme valeur d'actualité, ne pouvait être comparé disons à un Paul Arnheim.
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