Et voilà donc le Hamlet français, ou plutôt le croisement entre Brutus et Hamlet... le drame romantique me manquait (qu'est-ce que c'est bon!!) et celui-ci étant encore plus lié à
L Histoire que d'habitude, on a de véritables scènes de village, un nombre encore plus élevé de personnages et de lieux... À tel point que la pièce, de par son rythme, sa variété, son foisonnement, nous fait davantage penser à un roman du XIXème. J'ignorais beaucoup de choses sur
Musset avant sa lecture, et j'ai particulièrement apprécié les touches autobiographiques avec le double fantômatique de Lorenzo, son désenchantement si complexe... On voit toute l'inspiration d'Hamlet, sauf qu'il part moins dans tous les sens, son tiraillement est résolu et mis noir sur blanc à l'acte III, scène III, passage crucial, alors que le spectateur nageait face à ce Severus Rogue "glissant comme une anguille" pour les deux camps! le propos de Lorenzo, et celui de la pièce, est un constat amer, encore très actuel. Il résonne plus que jamais à notre époque sans espoir et où l'humain a abandonné toute participation au changement de la civilisation. La pièce est une démonstration très violente de l'inactivité humaine et de l'immuabilité de l'Histoire... On a du mal à digérer l'acidité de Lorenzo, mais on finit par accepter cette triste vérité, bien pessimiste... Il m'a fait penser à Raskolnikov trente ans avant, mais un Raskolnikov après le meurtre... On parle d'une oeuvre sur le mal du siècle (du XIXème) mais elle est encore plus valable au XXIème.
Coup de coeur pour Lorenzo ainsi que pour le pauvre Philippe, son évolution est très bien faite, très psychologique,
Musset sait construire ses personnages... La mort de Louise Strozzi est venue comme un couperet, une véritable guillotine narrative à la Cordélia du Roi Lear, et c'est ce que j'ai envie de congratuler le plus dans cette pièce : chaque acte se terminait par un rebondissement incroyable, qui nous laissait dans un suspense de tous les diables!! Paradoxalement,
Musset aime bien l'anti-climax pour nous surprendre également, comme avec la mort minimaliste d'Alexandre...
Je mets pas les cinq étoiles parce que malgré les fulgurances du texte, on est loin de la tempête hugolienne... Mais une pièce majeure du drame romantique, ça c'est sûr.