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Critique de BazaR


BazaR
16 septembre 2017
Étrange pièce qui oscille entre la comédie et la tragédie. J'ai eu l'impression de perdre sans arrêt l'équilibre.

Dès le début je me suis pris le chou avec les personnages de maître Blazius, maître Bridaine et dame Pluche. Ils ne sont pas mal définis, au contraire, ils sont simplement infects. Puant la tradition conservatrice imperméable, ils ne pouvaient que détraquer l'éducation des jeunes Perdican et Camille. Je me suis dit que passer cinq actes avec des gus pareils, ça allait faire long.
Puis Musset fait prendre un virage comique à ces vieux je-sais-tout décrépis, dévoilant leur goût immodéré pour la vinasse et la bonne bouffe ou les mettant dans des situations casse-gueule d'intermédiaire dans la romance. Et ils en deviennent dès lors sympathiques car on voit bien que l'auteur veut se foutre de leur gueule.

Comme en miroir, les deux jeunes Perdican et Camille qui s'annonçaient comme d'innocents oisillons se révèlent tacticiens hors pair dans leur grand combat d'amour. le baron, père de Perdican et oncle de Camille, veut les marier pour apporter un lustre clinquant à son blason (oui, marier deux cousins germains, bah, l'église apportera une dérogation, pas de soucis). Perdican n'a rien contre, Camille refuse. Perdican est un coureur, l'amour pour lui est équivalent au tourisme. Camille, qui a vécu dans un couvent, est dans le fond absolument effrayée par l'idée d'un amour qui ne serait pas synonyme d'éternité. Ils sont pourtant, et de plus en plus, attirés l'un par l'autre.

Leur partie d'échec amoureuse aurait pu rester badine s'ils ne décidaient pas d'utiliser un pion sacrifiable : la pauvre Rosette, paysanne au coeur pur qui n'a rien demandé à personne, soeur de lait de Camille. Au moment où l'on est prêt à placarder les mots « tout est bien qui finit bien » on tombe finalement dans la tragédie pure comme dans un profond ravin. Alors que quelques scènes plus tôt on s'amusait encore des réparties pathétiques de Blazius et Bridaine.

Bref on ne sait jamais sur quel pied danser et c'est plutôt agréable d'être mené par le bout du nez comme ça. Lorsqu'il écrit cela, Alfred de Musset est sur le coup d'une grosse déception amoureuse avec George Sand qui a elle aussi joué les « touristes » ailleurs. Il irrigue carrément sa pièce de son affliction. Il en profite pour égratigner l'Église qui maintient encore la femme dans un carcan de « règles civilisées » restrictives et pour démontrer que cinquante ans plus tôt la Révolution a échoué à détruire la dominance de la noblesse et du clergé sur la paysannerie.

Je retournerai certainement visiter cet auteur.

Challenge XIXème siècle 2017
Challenge Théâtre 2017-2018
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