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Critique de Antyryia



Page blanche.
Je suis avec mon stylo, mon cahier, je réfléchis à ce que je pourrais bien raconter sur le nouveau Guillaume Musso, pour jeter quelques idées au brouillon avant de commencer la rédaction d'une chronique. Et force m'est d'avouer que l'inspiration est proche du zéro absolu.
Je suis fatigué, je lutte contre le sommeil.
Et soudain, les pages de mon cahier semblent remuer, prendre vie, elles s'arrachent une à une et s'envolent. Elles forment progressivement une silhouette humaine. S'agit-il d'une hallucination ?
- Bonjour Antyryia, je suis Guillaume Musso de papier. Vous m'avez invoqué pour que je vous aide à rédiger votre billet ?
Je n'y comprends rien. C'est quoi ce délire ? Mais bon, si c'est bien lui il me donnera quelques tuyaux que je pourrai réutiliser ultérieurement.

- Bonjour monsieur Musso et merci d'avoir accepté mon invitation. Venez dans le salon, je vais vous servir du champagne et des chips.
- Vous pouvez m'appeler Guillaume. Je suis vraiment ravi d'être ici afin de vous présenter plus en détail mon meilleur thriller à ce jour : Angélique.
- En même temps on partait de très loin. C'est même un comble que vous ayez reçu le prix Raymond Chandler l'année dernière, alors que L'inconnue de la Seine était quand même le pire polar que vous ayez écrit. Comment expliquez-vous que vous vous rangiez désormais aux côtés de maîtres du genre comme PD James, Graham Greene, Elmore Leonard, Michël Connely, Ian Rankin, Henning Mankell, Ed McBain ou encore Margaret Atwood ?
- En fait c'est une drôle d'histoire. J'avais envie de manger du jambon alors je suis allé dans la vallée d'Aoste en jet privé. J'ai rencontré les organisateurs du festival Courmayeur noir et ils m'ont dit "Ecoute mon Guillaume, y en a marre de tes romans qui se passent toujours à New York ou Paris. Si tu nous emmenais en Italie dans ton prochain roman ? Et en échange on te donnera le prix Raymond Chandler pour que tu puisses narguer tes collègues plus talentueux". J'ai dit oui, et vous savez maintenant pourquoi j'ai emmené mes personnages à Venise, la ville des zamoureux, dans Angélique.
- Vos personnages, parlons-en. Angélique n'est pas vraiment l'héroïne de ce nouveau roman, ni en termes de présence, ni en termes d'actes de bravoure. Pourquoi ce choix ?
- Eh bien j'ai voulu jouer sur la connotation bienveillante du prénom également, en pensant à l'adjectif angélique. Ou encore à la dualité mi-ange mi-démon, parce que je voulais que mes personnages, sous leur aspect extérieur gentillet, aient tous une part d'ombre plus ou moins importante. J'ajouterais aussi que "Mathias" c'était moins vendeur comme titre.
- En parlant de votre personnage de policier retraité, qu'on découvre d'abord dans un lit d'hôpital suite à des problèmes cardiaques, pourquoi l'avoir appelé ainsi ? Mathias Taillefer, c'est spécial non ?
- Au départ je souhaitais écrire un thriller moyenâgeux et prendre pour héros Björn Côtes-de-fer, parce que j'avais trop adoré la série Vikings. Mais mon éditeur m'a dit que ça perturberait mes lecteurs habituels et qu'il y avait des problèmes d'ordre chromosomiques parce que je parlais de Bluetooth ou du covid.
- Chronologiques ?
- Oui c'est ça ! Et j'ai donc du remanier mon scénario et renommer mes antagonistes.
- Comme vous venez d'en parler, le coronavirus joue un rôle très important dans votre roman, bien ancré dans notre époque finalement. Vous rappelez que les infirmières étaient en première ligne aux débuts de l'épidémie. Vous n'hésitez d'ailleurs pas à vous positionner courageusement. Dans le débat pro et anti vaccin qui a fracturé la France dans de nombreux repas de famille, vous n'avez pas hésité à donner votre avis. Vous êtes pro-vaccin et n'hésitez pas à vous moquer gentiment de la paranoïa ambiante. Je lis un extrait : "Vous savez ce qu'il contient le vaccin, vous ? de petits oeufs microscopiques en oxyde de graphène. Et vous savez pourquoi ? Pour contrôler à distance les personnes grâce aux puces 5G." Doit-on vous considérer comme un écrivain engagé ? Pensez-vous que ce soit le rôle des auteurs des fictions de prendre parti sur ces sujets parfois sensibles ?
- Pour vous répondre, je citerais André Malraux : "La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache."
- Euh... Et donc ?
- Ben rien, vous m'embêtez avec vos questions ! Quand je sais pas quoi dire je glisse toujours une citation. Dans mes livres c'est pareil.
- Changeons de sujet alors et parlons d'un autre thème médical qui vous est cher : La musicothérapie. Au tout début de votre roman Mathias Taillefer fait connaissance de la jeune Louise Collange, dix-sept ans, déjà en seconde année de médecine, qui le réveille avec son violoncelle. Ce dernier aurait des vertus thérapeutiques...
- En effet, j'ai fait énormément de recherches sur le sujet, j'ai passé plus de dix minutes sur Wikipedia. Eh bien j'ai appris que différentes chansons pouvaient aider les autistes, les toxicomanes, les patients atteints d'Alzheimer, les dépressifs. Un petit air de bonhomme en mousse puis de la chenille de Bézu et ça redémarre. Et oui, les maladies cardiaques sont également concernées. La musique relaxe et libère des endorphines qui ont des vertus calmantes et analgésiques. Quel air plus agréable à entendre pour un transplanté cardiaque que celui de Charles Trénet ?
"Boum, quand notre coeur fait Boum Tout avec lui dit Boum."
- Je souhaiterais maintenant revenir sur un extrait qui m'a beaucoup marqué : "Apprenant l'identité de sa cliente, le magasin Knoll proposa de lui prêter et de lui faire livrer le jour même des meubles d'exposition : table Saarinen, chaises Sandigarh, fauteuil Eames avec son ottoman, tapis clair à poils longs." Vous avez conscience que pour un auteur qui se veut à portée de tous, ce défilé publicitaire n'apporte rien et ne permet qu'à 0,1 % de la population mondiale de visualiser la pièce ?
- Vous voulez dire que vous n'avez pas la table ronde tulip knoll vendue seulement 15 252 € ? Ecoutez, ce sont mes sponsors, ils me font un gros chèque avec plein de zéro si leurs marques apparaît dans mes livres. Je le fais tout le temps ! C'est comme Zidane avec Volvic, Adidas ou Grand optical. Et lui personne lui reproche rien ! En plus tout le monde s'y retrouve financièrement, à part mes lecteurs.
- Dans "Angélique" vous avez montré l'étendue de votre vocabulaire avec, entre autres, des mots comme amok ( accès de rage incontrôlable ) ou obérer ( compromettre ). Pourquoi ce vocabulaire moins accessible dans un roman très facile à lire ? Par envie de contraste ? de provocation ?
- Alors déjà, Amok est le titre d'un livre de Stephan Zweig, et lui il a pas eu le prix Raymond Chandler pour son oeuvre. Donc pouet pouet, hein. Ensuite j'ai eu l'occasion de croiser Amélie Nothomb récemment dans un gala de charité et c'est elle qui m'a suggéré de mettre des mots compliqués, ça donne un air plus intelligent, plus culturé paraît-il.

- Bon, je vous ai un peu taquiné jusqu'à présent mais je voulais quand même vous dire que malgré quelques défauts, ce roman était à mon avis le plus réussi depuis que vous vous essayez aux romans plus sombres et avez délaissé l'aspect surnaturel qui faisait le charme de vos premiers livres.
- Des défauts ? Il est parfait mon livre. Même en Espagne les médias me considèrent comme un phénomène !
- Un sacré phénomène oui. Je voulais donc dire qu'il y avait des facilités scénaristiques, avec des enquêteurs qui fonctionnaient un peu trop à l'instinct et des coïncidences un peu trop grosses pour qu'on les avale tout à fait.
- Bon si c'est pour dire que du mal alors que c'est même pas vrai, je m'en vais faire du boudin.
- Mais attendez Guillaume, j'allais vous faire des compliments !
- En vrai ?
- Oui, déjà parce que le duo improbable de l'ancien flic blessé dans sa chair et dans son âme et de la jeune enquiquineuse qui lui demande de l'aide pour enquêter sur l'éventuel meurtre de sa mère fonctionne plutôt bien. Il permet de petites touches d'humour bienvenues. Il sont attachants Mathias et Louise dans leur complicité mêlée d'irritation.
- Merci. Je voulais qu'ils tombent amoureux mais mon éditeur n'a pas voulu, il m'a dit que ça ferait mauvais effet. du coup j'ai intégré une autre intrigue sentimentale pour donner un peu de consistance à mon roman.
- Et elle n'était pas trop mal trouvée, sans prendre de place démesurée, il faut l'admettre.
- D'autres choses vous ont plu ? me demanda l'auteur, les yeux brillants, avide d'un nouveau compliment.
- Eh bien oui, je dois bien avouer que vous m'avez bien eu, et à plus d'une reprise. Si certains rebondissements sont vraiment tirés par les cheveux, d'autres sont vraiment bien vus, bien amenés, plein de surprises inattendues, pour le meilleur et pour le pire. Vous allez retourner quelques cerveaux de lecteurs à mon avis ! Honnêtement c'est plus qu'encourageant pour un premier roman. Vous êtes promis à une brillante carrière à mon avis.
- Oh non, ça n'est pas mon premier, j'ai aussi écrit La vie est un roman, Et après... , La fille de papier.

Reprenant alors subitement conscience, je regarde Guillaume Musso de papier se fragmenter et se dissoudre en poussière, bientôt emportée par le vent. J'essaie de me souvenir de ce qui n'était qu'un rêve, je suis sûr qu'il y avait matière à rédiger quelques lignes pour ma chronique.
Mais le songe s'est envolé et je demeure devant ma page blanche.
A tout hasard, pour me rappeler, j'essaie la musicothérapie et écoute la chanson "Souvenirs, souvenirs" de Johnny Halliday.
Qui sait, ça fonctionnera peut-être ?

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