Ce riche volume de la collection « Études renaissantes » est une analyse très complète et stimulante du mythe de l'âge d'or, qui fut couramment représenté par les peintres et les graveurs du XVe siècle et du XVIe siècle. L'auteur s'attache à restituer l'archéologie du mythe et par-delà, du motif pictural : l'âge d'or est un des quatre âges de l'humanité décrits par
Ovide dans
les Métamorphoses, qui apparaît aussi dans les
Bucoliques et les
Géorgiques de
Virgile. Mais il supplante rapidement les autres âges pour incarner les idées raffinées des érudits dans les cours européennes et pour favoriser la propagande politique du prince. le motif de l'âge d'or est ainsi instrumentalisé par les Médicis à Florence, comme il le sera plus tard par l'empereur Rodolphe II à Prague. Les fresques de Raphaël, exécutées au palais du Vatican pour le pape Jules II, révèlent encore la symbolique chrétienne du mythe. L'âge d'or est évidemment une autre représentation du paradis, mais aussi de l'éternité, cet « avenir fabuleux » que nous promettent les artistes de la Renaissance. La dernière partie révèle les mariages improbables opérés par les créateurs. le mythe du bon sauvage, né à la suite de la découverte de l'Amérique, fut ainsi associé à l'ancien mythe de l'âge d'or, toujours revivifié et modernisé au cours des siècles sous la pression des événements politiques, du progrès scientifique et de l'ouverture de l'Europe à d'autres espaces que le sien, espaces réels ou territoires totalement imaginaires. En ce sens, l'ouvrage explicite parfaitement le caractère double du mythe de l'âge d'or : à la fois fantasme assumé et transposition très précise de la réalité.
Par
Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 545, mai 2018