Une enquête historique sur l'Afrique du Sud d'une précision et d'une clarté remarquable.
De témoignages révoltants en descriptions à la limite de l'horreur, l'auteur nous embarque dans un récit poignant et vertigineux sur le racisme et la discrimination raciale, sur les conflits qui se sont abattus sur l'Afrique du Sud, sur l'occupation coloniale en passant par la mise en place de l'apartheid et de ses pires années avec Botha au pouvoir, puis l'arrivée de Frederik de Klerk à l'origine de la transition démocratique assurée conjointement avec
Nelson Mandela, icône de la lutte de la libération noire.
Il nous donne tous les éléments historiques pour comprendre l'histoire africaine du Sud, des Chinois qui découvrent l'Afrique du Sud, de la création de premiers comptoirs hollandais, de l'arrivée des protestants français et néerlandais, fuyant les persécutons dans leurs pays, des combats menés par les boers et par Chaka zoulou face à l'occupation britannique, des oppositions musclées des différentes communautés (bantous, boers, anglais) et de la «politique indigène» mise en place par le Royaume-Uni.
L'auteur illustre ses propos par de nombreuses citations, extraits de discours, l'analyse est fluide, d'une précision chirurgicale.
Il évoque les combats menés par les différentes associations, comme le South African Native Nation Congress, ou l'ANC (African National Congress) association inspirée par Ghandi, par des hommes, tel que Madiba, l'icône de la lutte de libération noire, contre le racisme.
Il nous parle de racisme scientifique qui avait fini par imprégner les esprits d'un grand nombre d'intellectuels.
«Le darwinisme social offrit ainsi à la puissance victorienne un fondement prétendument scientifique, qui légitimait le racisme et la discrimination.»
«En Afrique du Sud l'infériorité des Noirs était systématiquement théorisée par les colons. Ils prétendaient que les Bantous occupaient les derniers degrés de l'échelle évolutive des peuples.»
Il nous remémore le terrible conflit qui opposa les colons anglais et les Boers entre 1899 et 1901, et dont les lieux de détention qui ont vu le jour à cette occasion rappellent les camps hitlériens, dans lesquels les détenus Boers étaient entassés dans des conditions lamentables. Certains passages sont terribles, à vous retourner l'estomac.
«C'était plus qu'une guerre : ce fut une tentative d'extermination de la population boer, sans parler des souffrances des Noirs. Ce sont ces événements qui permettent de comprendre les conflits raciaux qui, par la suite, ont ensanglanté ce pays d'Afrique du Sud.»
J'ai beaucoup apprécié les passages parlant de Chaka, personnage que je connaissais de Civilisation IV (merci William !) et de son refus d'accepter l'occupation coloniale.
«Chaka était de ces hommes charismatiques qui, au XIXème siècle, avaient décidé de dire non à l'occupation coloniale de leur pays. Ils refusaient toute forme d'oppression et ce qu'ils considéraient comme une tentative d'aliénation culturelle.»
«Je regarde les peuples et ils tremblent. Voilà pourquoi je ressemble à ce grand nuage où gronde le tonnerre. Alors mon peuple qui me ressemble et s'identifie à moi s'appellera Zoulou, c'est à dire les fils du ciel.» C'est par ces phrases que Chaka proclama officiellement, en novembre 1820, la naissance de la nation zouloue.»
«Pour les Sud-Africains, Chaka représente toujours celui qui a forgé l'âme de la résistance à l'invasion étrangère. Mythe ou réalité, il est même devenu, à tort ou à raison, le symbole de la grandeur, voire d'une certaine fierté des peuples noirs. Pourtant le souverain zoulou n'était pas que ce héros, bâtisseur de nation et révolutionnaire social. Il était aussi l'homme ordinaire poussé à ses extrêmes qui a révélé tout ce qu'il avait de bestialité inspirée et de démesure. S'il fut incontestablement un génie militaire visionnaire et un grand rassembleur, l'homme n'en demeurait pas moins, quels qu'aient été ses objectifs, un impitoyable cavalier nègre de l'apocalypse. Chaka a associé son nom à ceux qui évoquent les carnages et la brutalité.»
Cette analyse de l'histoire sud-africaine, nous amène à comprendre que l'histoire de ce pays ne se résume pas en une lutte des Noirs contre les Blancs, qu'elle est bien plus complexe.
Ce récit est un bel hommage à
Nelson Mandela, qui a permis l'émergence d'une Nation arc-en-ciel, d'un peuple sud-africain, «Nous, le peuple d'Afrique du Sud». Il défendait un nécessaire rapprochement de tous les Sud-Africains sans distinction ethnique, il avait compris le danger qu'il y avait à se définir par rapport aux circonvoisins, à s'enfermer dans l'idée d'être uniquement noir et victime, sans chercher à ce qui pourrait bien rapprocher de l'autre, tout en conservant sa nature et son intégrité.
«Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l'étroitesse d'esprit.»
«Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique, dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales.»
«Être libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres.»
Une exploration très appréciable et instructive, avant de débarquer en Afrique du Sud dans quelques semaines !
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