AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070786541
320 pages
Gallimard (20/08/2009)
3.02/5   1791 notes
Résumé :
MARIE Ndiaye

Trois femmes puissantes

Trois récits, trois femmes qui disent non. Elles s'appellent Norah, Fanta, Khady Demba. Chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible.
L'art de Marie NDiaye apparaît ici dans toute sa singularité et son mystère. La force de son écriture tient à son apparente douceur, aux lentes circonvolutions qui en... >Voir plus
Que lire après Trois femmes puissantesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (246) Voir plus Ajouter une critique
3,02

sur 1791 notes
Abandon.

Très rare en ce qui me concerne, car je mets un point d'honneur à terminer les livres que je commence. Et j'aurais aimé finir "Trois femmes puissantes", ne serait-ce que par respect pour la personne qui me l'a offert. Mais péniblement arrivée au bout de la première des trois parties, j'ai décidé d'écourter mon supplice.

"L'art de Marie NDiaye apparaît ici dans toute sa singularité et son mystère", annonce la quatrième de couverture... Une belle manière de qualifier l'ambiance glauque et imprécise de ce premier récit. On sent que Norah, la narratrice, est en conflit avec son père, qu'il y a eu un drame avec son frère, mais tout cela reste flou. Marie NDiaye parle par ellipses, fait des effets de style abscons ou des phrases d'un vide déprimant. J'ai lu de nombreux livres sur des sujets difficiles, car on apprend toujours de l'expérience des autres. J'apprécie aussi les audaces de style (celles de Joyce Carol Oates, par exemple) et les écrits teintés d'étrange ou de fantastique. Mais ici, je n'ai pas vu où l'auteur voulait en venir, ni éprouvé la moindre émotion, à part de l'ennui. Et le coup du père qui passe ses nuits perché sur un flamboyant... Est-ce du second, troisième ou quatrième degré ? Je n'ai pas compris.

Quand on sait que ce livre a obtenu le prix Goncourt 2009, là, je comprends encore moins. Cela me fait penser au conte d'Andersen : "Les habits neufs de l'empereur". le monarque n'ose pas dire aux prétendus tailleurs qu'il ne voit pas leur tissu merveilleux, de peur de paraître stupide, et tous ses sujets font de même, s'extasiant sur cette étoffe somptueuse. Jusqu'à ce qu'un enfant dans la foule ose dire la vérité : le roi est nu !

Dans cette lecture, je n'ai pas vu de "prose impeccable et raffinée" et encore moins de puissance. Non, juste une prose alambiquée et un récit sans queue ni tête. Assumant ma stupidité de lectrice vieux jeu aimant les personnages construits et les histoires ayant un début, un milieu et une fin, je ne prétendrai pas avoir apprécié pour me fondre dans la masse, mais crierai comme l'enfant : ce livre est nul !
Commenter  J’apprécie          16240
Un prix Goncourt suffit-il à sanctifier le Verbe qui impressionne ? La question du fond et de la forme mérite légitimement d'être posée pour ces Trois femmes puissantes. Les pensées exprimées sont-elles forcément profondes parce que ses périodes s'étalent sur un paragraphe et parce que le subjonctif de l'imparfait est utilisé plus souvent que n'importe quel autre mode de conjugaison ? On peut en douter. Il semblerait plus exact de dire que la noblesse d'expression, à la limite de l'ampoulé, place d'emblée l'attente à un niveau élevé. On imagine que Marie N'Diaye, dans une corrélation d'expression et de réflexion, va nous promener de révélation en illumination. Ses récits gravitent autour de trois femmes placées dans des contextes différents et leur destin –le titre du livre ne nous permet pas d'en douter- suit un parcours d'apprentissage archétypique. On imagine alors que les trois récits s'imbriquent et se répondent mutuellement, on cherche des liens permettant de leur conférer une dimension autre que celle, immédiate, qui se dégage de l'expérience de ces femmes, mais Marie N'Diaye ne nous fournit rien d'autre que ce nous voudrons bien trouver à force de persuasion et d'imagination.


Il serait injuste de dire que Marie N'Diaye n'a pas mérité d'être récompensée pour ce livre : les efforts qu'elle a dû déployer pour arranger ses monstruosités de phrases méritent le respect. Toutefois, on peut également se demander si le contenu de ses Trois femmes puissantes est réellement aussi frappant et déstabilisant qu'on aimerait bien nous le faire croire. Aucune fulguration psychologique ne devrait venir foudroyer quiconque a déjà lu d'autres romans avant celui-ci ; en revanche, la perversité appliquée à hisser le langage à un niveau de complexité aussi inutile qu'incompréhensible semble étroitement liée aux efforts tristes et fatigants que déploie Marie N'Diaye lorsqu'elle imagine les relations psychologiques tortueuses de ses personnages. Beaucoup de fatigue pour une puissance qui aurait pu être moins dérisoire si elle n'avait pas voulu être aussi ostentatoire.
Commenter  J’apprécie          928
Trois longues nouvelles, pour dire non. Pas n'importe quelle négation, celles de trois femmes droites et fières qui luttent de toutes leurs forces pour gagner leur dignité.
Si la lumière est peut-être au bout du chemin, la noirceur du propos est la couleur dominante. Et l'espoir de ces femmes ne viendra que par leur seule initiative.
Mais le roman de Marie N'Diaye évoque au-delà de ces femmes, des sujets plus universels : la difficulté de l'exil, le poids patriarcal (des hommes bien présents malgré le titre), la lutte au quotidien de la condition féminine. Forcément, ces trois histoires que l'on peut dissocier, n'ont pas la même force, le premier texte est (en tout cas pour moi) le plus réussit avec cette image du père devenu pathétique et misérable alors que Norah porte fièrement sa réussite, pour donner encore plus de force à la haine viscérale du père. Les histoires de Fanta dans le deuxième récit et celui de Khady dans le troisième forment un trio au combien touchant, l'écriture de N'Diaye est d'une force évocatrice assez impressionnante, même si certains moments m'ont paru plus ardus et forcément moins puissant. Un Goncourt au bout de ces trois histoires, on ne peut plus estimable.
Commenter  J’apprécie          851
Trois femmes puissantes, roman.
Sauf que ce n'est pas un roman à proprement parler, et que les femmes puissantes, on les cherche. À moins de comprendre « puissant » non dans le sens d' « autoritaire » mais comme « ce qui produit de grands effets ».
Car des effets, elles en produisent, ces femmes, qui transforment les hommes autour d'elles en bourreaux pathétiques, affolés par un misérable sentiment de culpabilité. le père, vrai salaud et vrai coupable, regrette que le mal fait à sa fille l'empêche de réparer le mal fait à son fils. le mari, pauvre type et salaud par omission, craint que le mal fait à sa femme ne le voue à la solitude et la détestation de soi. L'amant, vraie victime, se résout à devenir salaud quand il comprend qu'il a failli dans son rôle de protecteur.
Tous ces êtres, hommes comme femmes, analysent leurs sentiments d'impuissance et de déréliction dans un récit au plus près des sentiments, dans une zone d'infra-conscience... Mais bon sang, c'est bien sûr ! Nathalie Sarraute, sors de ce bouquin, avec tes tics de nouvelle romancière, ton « stream of consciousness », tes « tropismes », ton refus de l'intrigue et tes monologues narrativisés...
Comme c'est le premier roman de Marie NDiaye que je lis, je risque fort de dire des âneries, mais je n'ai pu m'empêcher de faire le lien entre cette écriture très « nouveau roman » et le thème même de ces « Trois femmes puissantes »: j'y vois dans les deux cas une réflexion sur les valeurs de l'Occident.
Car y a-t-il plus occidental que cette remise en cause de la littérature traditionnelle qui mise sur Proust pour critiquer Balzac et réfute l'individu au point de le réduire à sa conscience, bref qui crache dans une soupe à laquelle elle s'est largement abreuvée ? Or, c'est bien la relation à l'Occident qui constitue la trame essentielle de ce que l'auteur a appelé « roman » et non « nouvelles », ce qui oblige le lecteur à trouver une évolution de Norah à Fanta et de Fanta à Khadi. Norah vit en France et se refuse à penser qu'elle ait pu vivre en Afrique. Elle est avocate, a socialement réussi et souffre d'avoir un compagnon qu'elle estime certes aimant mais trop immature. le lecteur doit partager des états d'âme dont l'analyse subtile prend assez peu en compte toute l'ampleur du drame (meurtre et erreur judiciaire) qui se dévoile peu à peu. Fanta a quitté l'Afrique, épousant un Français qui l'entraîne dans son déclassement. Elle n'existe que dans le monologue intérieur de son époux. Khadi, sans famille, veut rallier l'Europe et connaît les affres et souffrances d'une migrante dont personne ne veut. Et son périple est transcrit de façon beaucoup plus factuelle que les histoires précédentes.
Je vois dans ce livre une double progression: vers l'extériorité, de l'auto-analyse apitoyée à l'affirmation de soi; vers la gravité, des problèmes de couples fantasmés à la perte de tout. Et l'Occident devient un lieu où l'on se perd parce qu'il faut s'y inventer des problèmes pour exister, s'enfermer dans des ratiocinations complaisantes pour ne pas voir l'horreur que vivent les opprimés qui nous assiègent.
Pleurons donc sur notre sort de nantis, nous dit Marie NDiaye. Ouvrons de grands yeux lucides sur nos souffrances intérieures. Mais cela ne suffira bientôt plus à contenir les damnés de la terre.
Commenter  J’apprécie          599
Marie NDiaye ajoutait en 2009, un nouveau et étonnant récit à une oeuvre déjà très riche, confirmée par l'envoûtant Rosie Carpe. Un roman, où trois textes juxtaposés, intimement liés les uns aux autres, dessinent les portraits de trois femmes, Norah, Fanta et Khady Demba, aux aspirations de liberté ardemment assumées.

Avec Trois Femmes puissantes, nous sommes aussi en présence d'un essai littéraire, volontairement novateur.
Un roman fracturé, comme la vie entravée de ces trois femmes qui ont toutes connues, une césure violente, de celles dont on ne se relève mal, qui gangrènent tout le reste de la vie.
Une césure ou un écartèlement inscrit dans la mémoire des personnes prises entre deux cultures, l'Afrique et la France, ou entre deux vies, ou entre des espoirs inscrits dans la mémoire d'une autre vie.

La famille, est toujours au coeur des trois récits, la famille, le lieu où les fractures naissent, elle devient un enjeu, un territoire, une survie possible pour Norah, Fanta et Khady Demba, là où les aspirations s'épanouissent ou se fracassent, le lieu et le lien dont il faudra s'extraire pour exister.

Dans la première partie, Norah, avocate, se rend en Afrique, à la demande de son père, cruel et cynique, pour défendre son frère accusé du meurtre de sa belle mère. le père avait quitté sa femme en kidnappant son fils Sony de 5 ans , laissant une plaie béante, un traumatisme irréparable.

Dans le second volet Marie NDiaye déploie le long monologue de Rudy Descas revenu d'Afrique après y avoir grandi. Il revient avec une épouse noire, Fanta, jamais présente dans le langage de l'homme, telle une énigme insaisissable, point aveugle autour duquel vont se révéler les secrets refoulés, dont le meurtre de son père.

Le dernier récit de Trois femmes puissantes, le plus glaçant, montre la trajectoire d'une femme, rejetée par sa belle-famille après la mort de son mari, qui tente de passer clandestinement en Europe.
Basculer de la sécurité à l'horreur : être à la merci des passeurs, se blesser sans possibilité de soins, être maltraitée, se prostituer, être dépossédée par le seul être qui vous semblait proche.

Trois récits où se répondent les culpabilités des femmes, de celle qui se tait quand son fils Sony lui est arraché, de Khady Demba qui n'arrive pas à enfanter et qui porte cette honte comme une faute originelle, ou encore la mère de Rudy Descas qui vit dans la négation de ce qui s'est passé.
Cette culpabilité qui tel un poison irrigue le livre, porte tout le monologue de Rudy Descas pour exprimer une demande de pardon à Fanta et à son fils qu'il a toujours négligé: "Comment allait-il apaiser sa propre conscience si ses souvenirs tronqués de leurs conflits ne faisaient apparaître que sa culpabilité à lui, encore et toujours, comme dans ses rêves pénibles et avilissants où, quoique que l'on dise, quoique que l'on décide, on est en faute, irrévocablement ?"
Trois femmes puissantes s'ouvre vers une réalité farouche, viscérale, et dont on suit la montée en puissance à mesure qu'on avance dans les trois récits: de l'inhumanité de la famille, l'incompréhension de l'autre et de son exploitation.
A travers le destin de ces femmes, c'est au fond la condition humaine la plus contemporaine qu'interroge Marie NDiaye : celle de l'appartenance à une famille, un lieu, des racines qui protègent qui élèvent.
"parce qu'elle n'avait pas enfanté et qu'elle ne jouissait d'aucune protection, ils l'avaient tacitement, naturellement, sans haine ni arrière-pensée, écartée de la communauté humaine, et leurs yeux durs, étrécis, leurs yeux de vieilles gens qui se posaient sur elle ne distinguaient pas entre cette forme nommée Khadry et celles, innombrables, des bêtes et des choses qui se trouvent aussi habiter le monde."

Ce sont trois femmes vaincues, maltraitées, mais elles restent debout. Norah et Fanta se sont libérées dans leur jeunesse, de leur condition de filles par leurs études. Fanta plus encore que Norah. Khady s'est libérée dans sa tête par un geste.
Ce geste de Khady Demba sautant du bateau est un geste rageur et libérateur, elle ne sera plus personne mais Khady Demba celle qui a dit non. Ce cri est aussi comme une alerte lancée à toutes les femmes pour se libérer des hontes et des entraves posées par les hommes et les traditions.

En contrepoint des trois récits, le symbolisme des oiseaux qui hantent les âmes, insèrent un fil d'Ariane invisible mais ténu. le père de Norah, oiseau perché sur le flamboyant, espèce de marabout vantard et fantoche. le flamboyant est sa dernière demeure, il a envoyé son fils Sony en prison, il a déserté les hommes. Mais l'oiseau est une figure magique : la buse suit Rudy comme les corbeaux Khady Demba.

Marie Ndaiye est entrée, "avec discrétion et détermination, sans concession ni hâte ni doute, dans la plus pure des aventures littéraires, parmi l'escouade clairsemée des quelques écrivains irréductibles (qu'on ne saurait réduire ni à une mode, ni à leur ombre), qui sont à la fois à la tête d'un monde particulier et universel, d'une langue personnelle pour le dire et de ce talent à l'alchimie indéchiffrable qui nous convainc, nous autres, pauvres lecteurs, que ce monde est aussi le nôtre, et qu' il est effrayant et que nous ne le savions pas."  Jean Baptiste Harang. Dans l'Art est difficile P297.

En lisant ce texte, j'ai été séduit par une musicalité envoûtante au point de perdre le fil de l'histoire, je l'ai relu et j'ai ressenti tous ces mots, comme un travail de jardinier, parfois de bûcheron, trois souches irréductibles qui semblaient ne plus provenir d'un seul arbre. "elle avait déjà réglé son compte à un énorme bignonia qui avait eu l'audace de faire grimper le fol entremêlement de ses fleurs orangées sur le crépi gris." 
les récits de Ndiaye ne disent pas leur fin , on en sait assez pour les imaginer.
Il faut retourner vers les textes de Marie Ndiaye, les retourner comme un limon d'argile ou se laisser guider, c'est un enchantement.


Commenter  J’apprécie          524


critiques presse (1)
LeFigaro
05 juillet 2022
Dans ce grand roman l'autrice dessine les trajectoires en résonance de trois femmes et offre à son lecteur une leçon en dignité humaine.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (111) Voir plus Ajouter une citation
Il vit immédiatement que la volonté destructrice, sauvage, brouillonne de Menotti avait porté le coup de grâce au vieux pied de glycine, gros comme un tronc, qui avait pris racine quelque cinquante ans auparavant peut-être près de la porte d’entrée.

Quand Rudy était venu la première fois, d’abondantes grappes de fleurs mauves parfumées pendaient au-dessus de la porte, sous les fenêtres et les gouttières, suivant un fil métallique que les anciens habitants de la maison avaient fait courir sur la façade.

Il s’était haussé pour humer les fleurs, ému, enchanté par tant de beauté et de senteur données pour rien, et il avait ensuite félicité Menotti pour la luxuriance de sa glycine qui lui rappelait, oh oui, avait-il laissé échapper lui qui ne parlait jamais de sa vie passée, les fleurs du frangipanier de Dara Salam.

Il avait vu Menotti pincer les lèvres dans un mélange de scepticisme et de vague contrariété, comme, s’était-il dit, une mère aux tendresses inégalement réparties à laquelle on fait compliment de celui de ses enfants qu’elle n’aime pas.

D’un ton sec, condescendant, elle s’était plainte de la corvée des feuilles à l’automne – tant de feuilles à ramasser, et de pétales desséchés.

Elle avait montré à Rudy comment, sur le côté de la maison, elle avait déjà réglé son compte à un énorme bignonia qui avait eu l’audace de faire grimper le fol entremêlement de ses fleurs orangées sur le crépi gris.

Les branches fines, les feuilles lustrées, les puissantes racines, les corolles mortes, tout cela gisait, prêt à être brûlé, et Menotti l’avait désigné avec un fier mépris, héroïne d’un combat qu’elle avait remporté haut la main.

Accablé, Rudy avait poursuivi derrière elle le tour du jardin.

Ce n’étaient que lamentables vestiges d’une lutte absurde et féroce autant que désordonnée.

Les transports dévastateurs de Menotti, qui voulait nettoyer, faire propre, avoir du gazon, s’en étaient pris à la haie de charmes, ratiboisée, au vieux noyer, coupé au pied, aux nombreux rosiers, déterrés puis, Menotti s’étant ravisée, replantés ailleurs, et qui agonisaient.

Et Menotti allait, satisfaite d’asseoir par la destruction ses droits de propriétaire, comme si, avait songé Rudy en la voyant rouler ses larges hanches entre deux tas de buis centenaires arrachés, rien ne démontrait mieux la légitimité de sa toute-puissance que l’anéantissement du travail patient, des témoignages du goût simple, délicat, de tous ceux, fantômes innombrables, qui l’avaient précédée dans cette maison et qui avaient planté, semé, ordonné la végétation.
Commenter  J’apprécie          200
"Oh, certes, elle avait froid et mal dans chaque parcelle de son corps, mais elle réfléchissait avec une telle intensité qu'elle pouvait oublier le froid et la douleur, de sorte que lorsqu'elle revoyait les visages de sa grand-mère et de son mari, deux êtres qui s'étaient montrés bons pour elle et l'avaient confortée dans l'idée que sa vie, sa personne n'avaient pas moins de sens ni de prix que les leurs, et qu'elle se demandait si l'enfant qu'elle avait tant souhaité d'avoir aurait pu l'empêcher de tomber dans une telle misère de situation, ce n'était là que pensées et non regrets car aussi bien elle ne déplorait pas son état présent, ne désirait à celui-ci substituer nul autre et se trouvait même d'une certaine façon ravie, non de souffrir mais de sa seule condition d'être humain traversant aussi bravement que possible des périls de toute nature
Commenter  J’apprécie          321
Mon fils Sony est meilleur que moi, il surpasse en grandeur d'âme tous les êtres que j'ai connus, cependant je me reconnais en lui et je lui pardonne. Je m'incline devant ce qu'il affirme, je ne dis rien d'autre, rien de différent, et si ses propos venaient à changer j'y acquiescerais de la même façon. C'est mon fils et je l'ai élevé, voilà tout. Ma femme, je ne l'avais pas élevée. Je ne la connais pas et je ne peux pas lui pardonner...
Commenter  J’apprécie          430
Parce que leur fils unique l'avait épousée en dépit de leurs objections, parce qu'elle n'avait jamais enfanté et qu'elle ne jouissait d'aucune protection, ils l'avaient tacitement, naturellement, sans haine ni arrière pensée, écartée de la communauté humaine, et leurs yeux durs, étrécis, leurs yeux de vieilles gens qui se posaient sur elle ne distinguaient pas entre cette forme nommée Kadhy et celles, innombrables, des bêtes et des choses qui se trouvent aussi habiter le monde.
Commenter  J’apprécie          320
"Peu lui importait qu'elle ne comptât, elle, pour personne, que nul ne pensât jamais à elle.
Elle était tranquille et vivante et jeune encore, elle était elle-même et son corps en pleine santé savourait de toutes ses fibres l'indulgente chaleur du petit matin et ses narines mobiles humaient avec gratitude les odeurs douceâtres venues de la mer qu'elle ne pouvait apercevoir mais dont elle entendait la rumeur juste au bas du boulevard, dont elle distinguait comme un déferlement de luminosité glauque dans le jour matinal, comme un reflet de bronze sur le bleu tendre du ciel."
Commenter  J’apprécie          190

Videos de Marie NDiaye (30) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie NDiaye
Le réel, dans l'oeuvre de Marie NDiaye, est bien souvent teinté d'étrangeté. le fantastique y affleure dans des univers réalistes, parfois triviaux ; comme si ces effets de dissonance, en s'immisçant dans le quotidien, offraient une meilleure compréhension du monde et le rendaient plus intelligible. Explorant des lieux de marginalité, ses romans arpentent des territoires ambivalents, en tension, où les personnages pourtant ancrés dans l'ordinaire vacillent parfois vers la folie. Évoluant dans une atmosphère cruelle, sur le seuil d'univers heurtés où l'équivoque s'impose, ils ne cessent de questionner leur appartenance, se confrontent à la métamorphose, à l'étrangeté du lien familial et aux déplacements incessants. Dans ce grand entretien, l'autrice évoquera l'évolution de son écriture tout au long de son parcours d'écrivaine majeure de la littérature contemporaine, qui a également investi le théâtre comme lieu d'exploration de la cruauté et de l'ambivalence humaines.
Marie NDiaye est l'autrice d'une oeuvre prolifique depuis la parution, en 1985, de son premier roman à l'âge de dix-sept ans (Quant au riche avenir, Minuit). Elle a obtenu le prix Fémina en 2001 pour Rosie Carpe, et le prix Goncourt en 2009 pour Trois femmes puissantes. En 2012, elle se voit décerner le Grand Prix du théâtre de l'Académie française, après avoir écrit de nombreuses pièces de théâtre dont Papa doit manger, qui est entrée au répertoire de la Comédie-Française en 2003.
Retrouvez notre dossier "Effractions 2023" sur notre webmagazine Balises : https://balises.bpi.fr/dossier/effractions-2023/ Retrouvez toute la programmation du festival sur le site d'Effractions : https://effractions.bpi.fr/
Suivre la bibliothèque : SITE http://www.bpi.fr/bpi BALISES http://balises.bpi.fr FACEBOOK https://www.facebook.com/bpi.pompidou TWITTER https://twitter.com/bpi_pompidou
+ Lire la suite
autres livres classés : prix goncourtVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (4311) Voir plus



Quiz Voir plus

L'Afrique dans la littérature

Dans quel pays d'Afrique se passe une aventure de Tintin ?

Le Congo
Le Mozambique
Le Kenya
La Mauritanie

10 questions
289 lecteurs ont répondu
Thèmes : afriqueCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..