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Raymond Girard (Traducteur)
EAN : 9782070384631
544 pages
Gallimard (13/02/1992)
3.65/5   55 notes
Résumé :
"Le don" n'est pas seulement un roman - autobiographique ou non - mais aussi une étude littéraire, un livre à l'intérieur d'un livre, dans lequel sont analysés minutieusement tous les mécanismes de la création, et les bases sur lesquelles elle repose : la mémoire, dans les poèmes sur l'enfance ; l'imagination, dans la tentative d'interprétation concernant l'univers paternel ; la réalité historique
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Considéré comme le plus grand des romans russes de son auteur - il en est également le dernier : Nabokov écrira désormais dans sa langue d'adoption, l'anglais - le Don n'en est pas moins un livre singulier et plutôt déroutant. Sa structure s'organise autour de cinq chapitres qui forment presque des romans autonomes - rarement les chapitres d'un livre auront eu une allure aussi différente qu'ici - et pourtant profondément mais subtilement reliés les uns aux autres, avec une admirable maîtrise narrative.

L'ensemble donne plutôt l'impression d'avoir à faire à une pièce en cinq actes. Cinq actes qui scandent l'évolution littéraire du personnage principal, Fiodor, un jeune écrivain russe émigré à Berlin : dans le premier chapitre, il vient de faire paraître son premier recueil de vers, tandis que dans le deuxième il s'attelle à la description de la vie de son père, explorateur et naturaliste qui sillonna l'Asie centrale, à laquelle l'acte IV fait pendant en offrant au lecteur, in extenso, le deuxième ouvrage publié de Fiodor : une Vie de Tchernychevski, écrivain et philosophe russe du XIX° siècle, inspirateur de la jeunesse révolutionnaire. Dans l'acte III, au centre de la composition, fait irruption Zina, la figure féminine du livre qui vivra avec Fiodor un amour réciproque ; le chapitre V, splendide, stylisé et rutilant, clôt le livre le temps d'une journée d'été, où Fiodor caresse le projet d'un nouveau roman, « classique, avec des personnages "typiques", l'amour, le destin, des conversations et des descriptions de la nature ».

Ce roman, qui n'existe encore que dans l'imagination de Fiodor, c'est en fait, naturellement, le Don lui-même, qui regorge de personnages "typiques" parfaitement croqués, qui est aussi une histoire d'amour (avec Zina, avec les mots et avec la littérature), dont le destin est un motif récurrent, riche en conversations (réelles ou imaginaires), et encore plus riche en "descriptions de la nature" d'une rare beauté. *Le Don* est donc une sorte d'"art poétique", de mise en abyme de la création littéraire : les opinions développées par Fiodor dans sa Vie de Tchernychevski, chef d'oeuvre d'ironie et d'érudition parodique, sont celles que Nabokov met lui-même en pratique dans son roman. Ainsi Tchernychevski, qui fait fi du style et assigne à l'art et à la littérature un but utilitariste, est tourné en ridicule, présenté comme une figure pathétique, un piètre écrivain dont le destin s'est joué. Bref, un contre-modèle : Fiodor et Nabokov ne s'engagent que par la pureté de leur art.

Alors, bien sûr, l'un des personnages centraux du livre étant la littérature russe, le récit (particulièrement le chapitre IV) est truffé de références à Pouchkine et Gogol, aux poètes modernistes russes, aux farouches opposants de Nabokov au sein du milieu littéraire des émigrés russes. Autant de références que je ne maîtrisais pas. Cela ne m'a pas particulièrement gêné dans la lecture, bien qu'un certain nombre d'allusions soient restées opaques - et toute une facette du livre m'est ainsi demeurée inaccessible. Ayant lu le Don dans la collection de la Pléiade, l'appareil critique est très fourni et vient combler ces lacunes ; je ne sais pas ce qu'il en est de l'édition poche.

A mesure que défilaient les chapitres, j'ai parfois eu le sentiment d'être mené par l'auteur dans une direction floue, de ne pas bien comprendre où il voulait en venir. Mais parallèlement, la structure du livre se laissait peu à peu deviner, et la métaphore employée par un des critique fictifs à propos de la Vie de Tchernychevski, qu'il compare à un tableau impressionniste, convient en fait parfaitement au Don : avec un peu de recul le tableau prend forme. Mais Nabokov ne sacrifie rien à la structure : son art est un art du détail, de la note colorée, du jeu fugace de la lumière, tandis que les jeux de miroirs, les échos d'un chapitre à un autre et l'ironie, constamment présente, confèrent à l'oeuvre sa profondeur enchanteresse.

Et ce "don", quel est-il, alors ? Celui de la création littéraire, sans doute, mais aussi le don de la vie : "Où mettrai-je tous ces dons que le matin d'été m'offre en récompense - à moi seul ?" s'interroge soudain Fiodor dans le chapitre V. Car l'art de Nabokov est, assurément, tout entier du côté de la beauté, de la vie et des sens, loin des prisons sibériennes où ratiocinent Tchernychevski et les siens.
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J'ai lu «Le don» de Vladimir Nabokov il y a longtemps.
C'est un livre – dédicace à sa mère,le livre de nostalgie de l'enfance vécue dans une grande famille aristocratique russe détruite par la révolution.
Récemment, j'ai découvert que ce livre a été traduit en français aussi, et, curieuse et sceptique, j'ai cherché la réaction des lecteurs de Babelio. Et, en effet, les critiques sont méprisantes : c'est ennuyeux ,rien ne s'y passe, on quitte le livre avant d'arriver à la moitié .
J'ai sorti le livre (en russe)du placard et , debout, j'ai lu la première page. Puis, je me suis assise , et , en robe de chambre, je n'ai pas bougé de mon fauteuil toute la matinée, en oubliant le petit déjeuner.
Je suis éblouie. C'est de la poésie inspirée, émouvante infiniment.
Je vis en France depuis plus de 30 ans, je ne suis pas du tout nostalgique, j'ai quitté la Russie de mon plein gré, j'ai n'y rien perdu, je suis bien ici. J'ai n'y plus pensé , avant cette guerre. Mais ce livre de nostalgie m'a bouleversée.
Cette langue, d'abord, qui n'existe plus en Russie parce que l'intélligentia soviétique dans le pays de la dictature du prolétariat a fait des gros efforts pour instaurer la langue qui mimait le parler d'un travailleur manuel, compréhensible pour une personne analphabète .Je me souviens de mon étonnement enchanté de connaître en Roumanie , en 1970, des Russes de Bessarabie qui parlaient la langue des livres de TolstoÏ : je n'ai jamais entendu parler comme ça en Union Soviétique.
La langue de Nabokov- c'est plus que ça, c'est la langue de la poésie classique russe. Je me demande qui pourrait la traduire.
Ses autres livres, écrits en anglais-oui, sans problème. Mais pas celui-ci.
Alors, moi non plus, je ne vous recommanderais pas ce livre, qui pour moi, comme pour Georges Nivat, est le meilleur de ce que Nabokov a écrit.
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Bonjour,
Oui, "Le Don" est un chef-d'oeuvre - en russe, et sans doute en anglais. En français, c'est une honte complète. La traduction a été confiée dans les années soixante, par rien moins que Gallimard, à un certain Raymond Girard, comédien de son état, qui a aussi "assuré" la traduction de romans de Truman Capote. Comédien polyglotte donc, à moins... à moins qu'il ne soit parti de la traduction anglaise par Nabokov lui-même, ce qui est sans doute une première erreur.
Pour qualifier M. Girard et faire comprendre mon indignation, il suffit de se porter à la page 254 de l'édition Folio. J'ai eu le courage d'aller jusque-là.
Page 254 donc, M. Girard traduit une phrase du roman ainsi : "... disons que si Gogol avait été un contemporain et que si Linev avait écrit sur lui, il aurait fermement gardé l'innocente conviction que Hlestakov était en effet l'inspecteur général".
L'inspecteur général ! Misère de nous !
Raymond Girard, désigné par Gallimard pour donner la traduction d'un des chefs-d'oeuvre de la littérature russe du XXème siècle, une traduction qui fait encore "autorité" en 2023, 66 ans plus tard, ignore donc l'existence même de la pièce la plus célèbre de Nicolas Gogol, puisqu'il ne connaît pas le titre sous laquelle elle est connue dans le monde entier : "Le Révizor". Il faut tout de même se rendre dans l'édition russe du texte, pour vérifier que Nabokov a bien écrit : "ревизор в самом деле" et non "генеральний инспектор". Où M. Girard a-t-il trouvé cette perle ? Eh bien dans son dictionnaire russe-français. le très bon dictionnaire de Matoussevitch donne bien, pour "ревизор", "inspecteur (général)", et ne mentionne pas le titre du roman de Gogol. Traduction au dictionnaire donc, et qui n'a pas été "révizorée" par l'éditeur, manifestement ! Honte ! C'est la faute au dico...
Nabokov n'a probablement pas lu cette traduction, sans quoi il aurait inévitablement ajouté une apostille, apostille dont l' "inévitabilité" n'aurait pas relevé de "l'irréalisabilité" - je me moque ici de la page 152 du malheureux : "La triple formule de l'existence humaine : irrévocabilité, irréalisabilité, inévitabilité...". En russe on a certes "Тройная формула человеческого бытия: невозвратимость, несбыточность, неизбежность", mais les substantifs en "ость" sont parfaitement naturels et coulants dans cette langue et parfaitement affreux en français, surtout dans une énumération. "Irréalisabilité" n'est recensé dans aucun des dictionnaires d'Alain Rey et n'a aucune occurrence dans l'ensemble des sept cents nouvelles et romans les plus lus du XIXème siècle français. Et je ne crois pas qu'il y ait aucune intention parodique dans cette phrase de Nabokov, mais la version de M. Girard donne frauduleusement l'impression contraire.

Dernier exemple. On lit dans l'original russe la phrase suivante : "На прощание попробовал вполголоса эти хорошие, теплые, парные стихи." Voici la "traduction" Gallimard 1967 p.90 : "Tout en s'en séparant, il essaya de réciter doucement les bons vers chauds et frais de la ferme". Or le début de cette phrase, d'abord, se traduit très naturellement : "En guise d'adieu". Ensuite, "вполголоса " se compose de "пол" et de "голоса", "demi" et "voix". Mais trop simple de traduire "à mi-voix" ! le verbe "попробовать", ici au "passé simple", est assez polyvalent, mais "essayer" n'a aucun sens. C'est "'éprouver", "faire l'épreuve", "goûter", "savourer" comme on voudra mais pas "essayer". Ensuite, "эти", c'est "ces" et non "les", "ces" renvoie à huit vers cités juste après. Enfin, les épithètes de "стихи" (les vers) ! "хорошие" passé par pertes et profit. Ce sont pourtant de "bons" vers, pourquoi l'omettre ? "теплые" n'est pas "chauds", mais pour tout russisant, "tiède" ! Enfin, c'est le comble : "парные" traduit aussi étrangement, "frais de la ferme". Quel francophone comprend cette expression ? L'adjectif "парной" se traduit bien par "frais", mais M. Girard a bien vu le paradoxe entre "chaud" (!) et "frais", c'est pourquoi il ajoute "de la ferme", qui tente de dire "frais" comme les oeufs frais, la crème fraîche... mais tente seulement, en vain. L'adjectif "frais" ne peut pas convenir, sauf modulé par "tout", "tout frais", mais ça ne va toujours pas très bien. Il n'y a pas de nuance thermique dans "парной", c'est temporel. Donc "tout juste trait", plutôt peut-être que trop trivialement "tout juste sorti du pis de la vache"... Contrairement à l'original russe, il est difficile de se passer de la mention explicite du monde laitier...

Dans ces trois cas, et dans cent autres j'ai été arrêté dans ma lecture à la recherche d'un vague respect à la fois du thème et du style du roman. Celui-ci est si riche de notations ! Couleurs : on s'assied sur un banc "indigo" !!! (pas l'ombre du mot, qui existe comme calque en russe, dans le roman. Faits urbains : notre traducteur met "lavatory" pour "общественная уборная", "toilettes publiques" (on est à Berlin vers 1920 !!!) et une foule d'autres anglicismes anachroniques.

Conclusion : il serait bon qu'un éditeur disposant des droits de mette en quête d'un vrai traducteur chargé de reprendre à zéro à partir de l'original russe.
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Dans ce roman, l'auteur propose une réflexion très théorique sur l'écriture, sur son rapport au monde (cf l'observation de la nature, ou bien le rôle de l'écriture dans la mise en place des révolutions). Livre très ennuyeux, car l'ensemble reste beaucoup trop théorique, avec peu d'ouverture sur la vie. C'est souvent comme si on lisait un mode d'emploi de l'écriture, sans aucune vie, sans aucune passion. Cependant, le style de l'auteur reste magnifique. Et malgré tout il y a quand même quelques beaux passages, notamment lorsque l'auteur observe la nature. Mais ils sont rares. Et l'ensemble aurait pu être mieux si l'écriture avait été davantage mis en relation avec la vie dans son ensemble.
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Ouvrage qui m'a vraiment laissé sur ma fin et que je n'ai pu terminer. A la fois roman et essai critique truffé d'éléments autobiographiques.
Cela m'a fait penser à la lecture à un gros gâteau très indigeste, critique oui pourquoi pas mais bien des fois très acide à l'égard de ses personnages, de bourgeois russes dont l'auteur ou les personnages semblent pourtant assez proches dans leur style de vie.
Ce livre manque singulièrement d'amour pour ses personnages et souffre du syndrome de l'auteur se considérant comme grand et qui juge plus ou moins ses congénères tout en en faisant des caisses.
C'est beau mais trop peu souvent et atrocement ampoulé le plus clair du temps à mon sens et le côté foutraque de l'ouvrage n'arrange clairement rien à sa compréhension.
Je n'y ai pas compris grand chose mais l'auteur ne m'a pas vraiment amené ou d'une manière qui m'a donné envie de me dégager.
Déception donc et outrageusement ambitieux à mon sens.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ce qu'il aurait vraiment dû enseigner, c'était cette chose mystérieuse et raffinée que lui seul - parmi dix mille, cent mille, peut-être même un million d'hommes - savait enseigner : par exemple, comment penser à de multiples niveaux : vous regardez une personne et vous la voyez aussi clairement que si elle était faite de verre et que si vous étiez souffleur, tandis qu'en même temps, sans empiéter le moins du monde sur cette clarté, vous remarquez parallèlement quelque vétille - telle que la ressemblance entre l'ombre du récepteur téléphonique et une immense fourmi légèrement écrasée, et (tout ceci simultanément) la convergence est rejointe par une troisième pensée - le souvenir d'une soirée ensoleillée dans une petite gare de chemin de fer russe : i. e., images n'ayant aucun rapport rationnel avec la conversation que vous poursuivez tandis que votre esprit vagabonde à l'extérieur de vos propres paroles et à l'intérieur de celles de votre interlocuteur. [...] pour tous les déchets de la vie qui, au moyen d'une distillation alchimique momentanée - "l'expérience royale" - sont changés en quelque chose de précieux et d'éternel. Ou alors : le sentiment constant que nos jours ici ne sont que de l'argent de poche, de la petite monnaie cliquetant dans l'obscurité, et que la véritable richesse est entreposée quelque part, richesse dont la vie devrait tirer des dividendes sous forme de rêves, de larmes et de bonheurs, de lointaines montagnes.
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Comme il traversait la rue en direction de la pharmacie du coin, il tourna involontairement la tête à cause d'un éclat de lumière qui avait ricoché de sa tempe, et il aperçut, avec ce sourire rapide que nous prenons pour accueillir un arc-en-ciel ou une rose, un parallélogramme de ciel aveuglément blanc que l'on déchargeait du fourgon - une commode avec un miroir que traversait, comme un écran de cinéma, le reflet, d'une clarté sans faille, de branches qui glissaient et se balançaient non pas comme sur un arbre, mais avec une vacillation humaine, produite par la nature de ceux qui portaient ce ciel, ces branches, cette glissante façade.
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Oui, je serais parti il y a longtemps sans cette merveilleuse solitude que je vis ici, sans ce bienfaisant contraste entre mon état intérieur habituel et la froideur épouvantable du monde autour.
Tu sais, dans un pays froid on chauffe mieux sa maison et l'isolation y est meilleure.
Quand rentrons nous en Russie? Notre espérance doit paraître à ceux qui y vivent comme un sentimentalisme idiot, comme un sanglot sauvage.
Comment leur expliquer?
Bien sûr, pour moi,vivre en dehors de la Russie est plus facile, parce que je suis sûr de rentrer, n'importe quand, dans cent, deux cents ans , par mes livres. Ou, au moins, par les notes d'un chercheur...
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Par exemple les nombreux 'a' différents des quatre langues que je parle ont pour moi des nuances différentes, allant du noir laqué au gris éclaté - comme diverses sortes de bois. Je vous recommande mon 'm' de flanelle rose. Je ne sais pas si vous vous souvenez de l'ouate isolante que l'on enlevait avec les doubles fenêtres au printemps? Eh bien, voilà mon 'i' russe, ou plutôt 'euh', si crasseux et si terne que les mots n'osent pas commencer par cette lettre
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Vidéo de Vladimir Nabokov
Merci à Margot Lecarpentier d'avoir jouer le jeu. Retrouvez-la au bar "Combat" - 63 rue de Belleville - Paris 19 - "Lolita", Vladimir Nabokov, Folio https://www.librest.com/livres/lolita-vladimir-nabokov_0-47172_9782070412082.html?ctx=21f5ce3e2687f3f50330e45122c3faa3
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