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Critique de oiseaulire


Quel charme possède ce roman !

Tout est en douceur et en cheminement progressif : on fait peu à peu connaissance des habitants d'un quartier excentré de Tokyo, résidentiel et nanti de quelques commerces. Un mystérieux narrateur d'une trentaine d'années et dont l'identité reste tue jusqu'au bout, occupe le premier étage glacial et encombré qu'un antiquaire laisse à sa disposition en échange du service de tenir sa boutique ; il évoque ses relations avec ses proches voisins : l'antiquaire lui-même ; le grincheux propriétaire des locaux ; ses deux petites-filles dont l'une est lycéenne passionnée de mangas et l'autre étudiante en art plastique ; une illustratrice qui visite quotidiennement le magasin de meubles anciens, sans jamais rien acheter.

Peu à peu, à travers les détails d'une vie apparemment ordinaire cent fois répétés (combien de fois fait-on bouillir l'eau pour le thé dans ce roman ?), se tissent des liens qui ressemblent fort à ceux d'une famille, mais plus bienveillante et plus désintéressée que ceux des vraies familles : les personnes n'y sont jamais remises en cause dans leur être profond, leurs choix n'y sont pas contestés, elles se portent mutuellement secours dans les moments difficiles. Un personnage inattendu fait irruption dans ce petit cosmos je ne dirais pas qui, mais loin de le faire éclater, il le soude plus encore... et tous partent en voyage loin, très loin.

J'ai vraiment beaucoup aimé la répétition des mille détails du quotidien qui soudain, par leur accumulation, mènent sur un chemin nouveau qu'on n'aurait jamais eu l'idée d'explorer.

J'aime les romans où il ne se passe pas grand chose : s'ils sont bien écrits (et bien traduits, et c'est le cas ici, hommage soit rendu à Marie Maurin), ils entraînent sans crier gare dans un monde qui décolle de la réalité que nous connaissons : c'est la substance même de la poésie que de nous permettre d'accéder à un univers qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celui dans lequel nous nous débattons et qui nous revient en écho comme chargé d'un sens nouveau : c'est la transfiguration de l'Instant par l'art !

Et justement, l'Art est ici un personnage à part entière. Sa fonction, son expression, son essence sont abordées à travers les goûts et les talents des personnages : littérature, peinture, gravure, mémoire des objets anciens, art de la réparation des bols cassés au filet d'or, geste artistique de création d'objets de menuiserie à mi-chemin entre performance et installation, sumo, convivialité du partage du thé, art graphique...

Ce roman a reçu en 2007 le prix japonais kenzaburo Oe.
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