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EAN : 9782729106379
Editions de La Différence (31/07/1997)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Nahabed Koutchak (c. 1500-1592). Le peu que l’on connaît
de sa vie relève plus de la légende que de la biographie. Le
reflux des Arméniens devant les Turcs a pu nourrir les poèmes
d’exil, et faire de Koutchak le chantre de son peuple déraciné.
Mais c’est l’amour fou qui domine dans cette lyrique alliant
hédonisme et désespérance, douceur et véhémence, tendresse
et délire. Ainsi que le don de l’incantation tout orientale :>Voir plus
Que lire après Cent poèmes d'amour et d'exil Voir plus
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Nahabed Koutchak, poète arménien du XVIe siècle, est célèbre pour ses haïren, courts poèmes où s'expriment les sentiments passionnés d'un grand prêtre de l'amour. Certains poèmes, qui lui sont attribués, remontent peut-être à une tradition orale antérieure, colportée par les troubadours. La majorité des poèmes du recueil aborde les multiples facettes de l'amour. D'un côté, les voluptés de l'amour partagé. de l'autre, le désespoir de la séparation, la colère après un abandon ou l'angoisse quand sa belle disparaît pour toujours.

Le trouvère chante les femmes dont le culte exclusif s'accommode mal de la fréquentation des prêtres. L'adoration des femmes est sa véritable religion :
"Aucun prêtre jamais ne fut mon confesseur.
La vue d'une soutane me fait changer de route... Mais
dès que je vois (...) la plus belle des filles,
Bien loin de l'éviter, je gagne (...) le centre de la cible...
Et dans le saint des saints, délicieux oratoire,
tantôt je me recueille et tantôt me confesse
Aux idoles jumelles / Qui surplombent le seuil."

Koutchak est un poète de la sensualité. La beauté fulgurante d'une mystérieuse inconnue lui redonne le goût de la prière :
"Tu es venue, grenade fascinante, / En pleine rue, parmi nos murs lépreux,
Surgie de l'ombre pour m'enivrer de ton feu...
Tu es venue, tu ne t'en iras plus : / Je prierai Dieu qu'à jamais tu demeures
Et scellerai dans ta bouche ma langue / Pour te faire oublier l'origine et l'issue..."

Car il faut être ivre, d'amour physique ou de vin :
"Au jardin de ta gorge, ah ! que ne puis-je entrer / Pour y cueillir la pomme !
Au vallon de tes seins, que ne puis-je m'étendre / Pour y fermer les yeux !
Ce vin me griserait s'il avait ta couleur, / S'il avait ton arôme !
J'en boirais jour et nuit jusqu'à noyer mon âme...
Que le diable m'emporte !"

J'aime quand Koutchak s'emballe, son désir l'emporte et il oublie les descriptions conventionnelles du corps féminin. Les ébats amoureux accélèrent l'espace-temps : "O ma colombe lumineuse, / Mon amour au cent mille plumes,
Jamais je n'oublierai nos ébats, nos vertiges, / Au ras du sol comme en plein ciel !"

Quel accélérateur miraculeux du temps que l'amour ! le plaisir des baisers lui fait parcourir l'échelle temporelle de la naissance à la mort de l'aimée :
"O ma fleur d'amandier, mon amande, mon fruit,
Joyau des palmeraies... sans trêve je savoure
Et la fleur de ta bouche et le fruit de tes lèvres !
Ton premier cri, les pleurs que tu versas naguère
En franchissant le seuil du ventre maternel,
Furent salués par une salve de rires...
Mais quand tu franchiras le seuil de cette vie,
A ton tour puisses-tu rire, éclater de rire,
Nue comme au premier jour parmi les pleurs du monde..."

L'amour dynamise aussi l'espace. Quand l'amoureux enlève sa dulcinée, tout se ligue pour que leurs voeux s'accomplissent avant l'aube :
"Heureux le ravisseur / Qui prend la fuite avec celle qu'il aime...
A peine ont-ils passé le pont / Que le torrent déborde, et le pont se disloque,
Et la neige abolit la trace de leurs pas...
Le ravisseur portant sa douce proie / Gagne le coeur du plus beau des jardins
Et cependant que s'unissent leurs bouches, / le jour se lève."

Après l'amour, l'exil est un thème majeur du recueil. Pour l'Arménien, nombreux sont les chemins de l'exil. Exil amoureux si l'idole rejette notre troubadour, qui soigne son échec dans la fuite. Exils économiques et politiques, liés à la persécution par les Turcs :
"Médisez-vous d'un étranger ? / Soyez banni vous-même !
Loin des vôtres, vous aurez l'heur / D'apprendre le prix de l'exil..."

Koutchak vivifie ses épigrammes d'expériences personnelles, heureuses ou tragiques, communes à notre destinée humaine :
"J'ai goûté moi aussi les jardins de l'enfance... / Moi aussi j'ai connu le destin du captif,
Le tombeau des prisons, l'exil, la solitude, / L'interminable nuit derrière les verrous...
Et l'ardent souvenir du cerisier natal..."
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Avant de trouver la plage lointaine
où terminer en héros son immortel ennui, (1)
Lord Byron nageait dans le Grand canal,
éclairant de son cigare incandescent les étoiles;
il allait à Սուրբ Ղազար կղզի,
San Lazzaro degli Armeni,
apprendre l'arménien;
ce soir-là,
lui,
le lord Anglais,
celui à qui les mères de familles émoustillées
demandaient
'cher maître, ma fille veut devenir poète, que doit-elle faire ?' (1)
lui,
l'Anglais, demi-frère et amant,
dans la bibliothèque du couvent,
lut dans un vieux grimoire
jamais ouvert depuis des siècles,
ces vers profondément troublants -
en ce lieu sacré:

'cesse de geindre, ouvre plutôt les yeux:
dévoilée, me voici les seins,
le ventre nus, regarde,
viens, entre.'(2)

Des vers nouveaux pour lui,
mais dont il connaissait les vers frères:
'My beloved put in his hand by the hole of the door,
and my bowels were moved for him.' (3)


1 avec mes remerciements empressés, dans l'ordre à MM A. de Musset et W.H.Auden

2 Nahabed Koutchak, poète Arménien (né vers 1500, mort en 1592), appartenant à la tradition des trouvères, il écrivit de magnifiques poèmes qui évoquent l'amour, l'exil et la condition humaine. Ils furent retrouvés à San Lazzaro (île de la lagune de Venise), chez les pères Mékhitaristes, par Archag Tchobanian, à la fin du 19° siècle. On peut le lire en Français, Cent poèmes d'amour et d'exil traduits par Vahé Godel (Orphée/la Différence)

3 craignant une excommunication, je vous laisse retrouver l'auteur(e)...


© mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
XX

Rien de plus éphémère
Que le bonheur de l'homme
Telle une caravane
Dans un désert
Sans bornes,
Le monde va
Et vient.

1971 - [Orphée n° 88, p. 31]
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Video de Nahabed Koutchak (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nahabed Koutchak
« Dire tout ce qu'une bouche de chair n'est pas en mesure de dire… écrire tout ce qu'une main d'homme, hélas, ne peut écrire… traduire, formuler tous les désirs de l'âme ! » (Grégoire de Narek.)
« Grégoire de Narek (Xe siècle) et Nahabed Koutchak (XVIe siècle) comptent parmi les plus illustres figures de l'ancienne poésie arménienne. […] »
« […] Ayant évangélisé le pays, converti le roi Tiridate (son bourreau) et fondé une Église autonome, Grégoire l'Illuminateur, vers l'an 300, faisait de l'Arménie le premier État chrétien de l'histoire. Un siècle plus tard, le moine Mesrop Machtots inventait l'alphabet arménien. […] Cessant de n'être qu'une langue parlée, l'arménien devint, grâce à eux, instrument de culture, langue juridique, théologique, littéraire…, langue de poésie — sans plus craindre d'être absorbé par ses puissants voisins arabes et byzantin. […] À l'origine de la riche tradition populaire des achough (trouvères), Nahabed Koutchak est sans doute, avec Narek et Saïat-Nova (XVIIIe siècle), la plus illustre figure de l'ancienne poésie arménienne. […] Ce qui reste de son oeuvre consiste en quelque cinq cents haïren, courts poèmes répartis en trois catégories : l'amour, l'exil, la condition humaine. […] » (Vahé Godel.)
Grégoire de Narek : 0:00 - 1er poème 0:45 - 2e poème 1:16 - 3e poème 3:26 - 4e poème
Nahabed Koutchak : 4:58 - 1er poème 5:18 - 2e poème 5:39 - 3e poème 6:01 - 4e poème 6:33 - Générique
Référence bibliographique : Tous les Désirs de l'Âme : Poèmes d'Arménie, traduits par Vahé Godel, Calligraphies de Achot Achot, Paris, Albin Michel, 2002.
Images d'illustration : Calligraphies de Achot Achot.
Bande sonore originale : Anonymous Choir - Caligaverunt Oculi Mei Caligaverunt Oculi Mei by Anonymous Choir is licensed under a Public Domain License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/Anonymous_Choir/Toms_Luis_de_Victorias_Caligaverunt_Oculi_Mei/Caligaverunt_Oculi_Mei/
#TousLesDésirsDeLÂme #VahéGodel #PoésieArménienne
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