Venez en Palestine, à Saphed où les Juifs attendent le Messie sur la montagne qui doit porter son trône, venez à Jérusalem où ils pleurent toujours la ruine de Sion, voyez-les, cantonnés à part, méprisés, séparés de l’humanité, s’obstinant dans leur regret et leur espoir, observez parmi ce peuple blême et scrofuleux, quelques-uns de ces visages de vieillards, si douloureux, si beaux, au regard intérieur si résigné et si profond, voyez les roder parmi les pierres sépulcrales qui jonchent la vallée desséchée du Cédron, étreindre avec des lamentations aiguës le mur de David, regardez surtout dans cette synagogue la foule bruissante, tous ces yeux, tous ces nez qui se ressemblent, écoutez les prières passionnées qui montent vers le Dieu des ancêtres, et vous sentirez passer l’âme de la petite tribu fermée qui, sur ces plateaux durs, dans cette nature pétrifiée, dans cette lumière sèche, s’isola, se concentra, s’exalta, s’absorba dans son dialogue avec le Dieu de son coeur, et devint la petite parcelle chaude de ferment, qui a suffi par son contact, à faire lever et à organiser tout notre monde .
André Chevrillon Membre de l’Académie Française