La collection "Le sentiment géographique" de Gallimard est une sorte de guide touristique rédigé par un écrivain à la première personne. Ici c'est l'écrivain libanais
Alexandre Najjar (qui vient de publier le très beau "
Harry et Franz") qui nous livre ses impressions de voyage en Suède, dans un pays culturellement et sociologiquement aux antipodes de son pays d'origine le Liban.
A Stockholm, l'écrivain va revoir son ami français Laurent, jardinier-photographe engagé comme gardien dans le jardin Millesgarden, qui rassemble les oeuvres du célèbre sculpteur suédois Carl Milles, mort dans les années 40 et qui fut un proche de Rodin. D'où le titre du livre "Les anges de Millesgarden"...
En quittant Beyrouth,
Alexandre Najjar ne s'attendait pas au choc qu'il allait éprouver en visitant la Suède pour la première fois, tant ce pays diffère du sien surtout sociologiquement.
L'auteur va se plonger au coeur de la société suédoise, sensible au respect de l'environnement, pionnière en matière de développement durable et d'écologie, soucieuse de l'égalité homme-femme comme de l'éducation de ses enfants.
L'auteur est impressionné par les efforts réalisés par la Suède pour accueillir les immigrés, même si l'intégration semble moins facile qu'auparavant.
Le modèle suédois reste une référence mondiale et pourtant il semble connaître des revers, ainsi l'écart entre les plus riches et les plus pauvres se creuse.
La Suède a l'un des meilleurs scores pour ce qui est de la corruption (ou plutôt l'absence de corruption).
La protection sociale est rarement égalée dans d'autres pays. Même s'il est indéniable que la qualité de vie est excellente et bien meilleure qu'en France souvent (accès facile à la nature, équipements sportifs..) tout n'est pas rose dans le pays d'Abba et de Björn Borg: l'auteur évoque par exemple l'accès difficile aux médicaments, ainsi les antibiotiques sont prescrits très rarement par les médecins suédois. Aussi la toute puissance des services sociaux peut conduire à des situations désespérées dans lesquelles des enfants sont retirés à leurs familles.
L'auteur évoque aussi l'histoire de la Suède mais de manière trop elliptique à mon goût: certes il évoque Bernadotte, le roi (plutôt accessible par rapport à d'autres souverains..)
Son évocation de la culture suédoise est plus étoffée, puisque on voit évoquée la vie de l'auteur suédois
Strindberg, du cinéaste
Ingmar Bergman, l'auteur
Stig Dagerman (l'auteur de "Millenium"), l'auteur Mankell (le créateur du commissaire Wallenberg, sorte de
Simenon du Nord..)
Bref c'est un récit de voyage très intéressant qui nous montre les côtés positifs de cette société toujours présentée comme "d'avant-garde" par contre qui nous dévoile aussi, au travers des pages, le "revers de la médaille", ce côté un peu "moralisateur" de ce pays fier de ses avancées sociales, cette recherche absolue du consensus qui peut être paralysante.
Nonobstant, comme le souligne
Alexandre Najjar, le modèle suédois fait encore rêver, malgré ses limites...