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Critique de colimasson


J + 4 après le bombardement d'Hiroshima.
Après la première vague de morts atroces qui a succédé aux rayonnements de l'explosion atomique, les victimes de la bombe continuent à déclarer forfait dans l'anonymat des chairs décomposées. En ville, les survivants se regroupent en famille dans leur maison et jettent des regards méfiants à quiconque pourrait leur dérober de la nourriture ou propager le virus mortel de la bombe. Keiji Nakazawa nous rappelle que ce qui nous semble évident en tant que lecteur ne l'était absolument pas pour les japonais de 1945. le ciel leur est tombé sur la tête, mais pourquoi les victimes continuent-elles de se déclarer et de mourir des jours après l'explosion de la bombe ? Les corps décomposés, effilochés, crachant du sang et remplis de vers, semblent en proie à une maladie furieuse qui, après être passée de la bombe aux hommes, pourrait bien se transmettre d'homme à homme. Dans ce contexte de terreur généralisée, les japonais semblent avoir atteint la plénitude de la haine, celle qui leur fait abhorrer leurs tortionnaires américains comme leurs compatriotes japonais.


Nous retrouvons Gen dans la période qui s'étale du 10 au 15 août 1945. Les sentiments anciens d'amitié et de compassion survivent parfois et surgissent, ponctuels et isolés, sous la forme d'un don généreux ou d'une proposition salutaire. Une vieille amie de la maman de Gen lui permet ainsi de s'installer avec ses survivants dans une extension de sa maison, malgré la haine et le persiflage des autres résidents. Ceux-ci préféreraient être seuls pour ne pas avoir à surveiller leur nourriture des estomacs étrangers, et ils font subir une torture lente et sournoise à la famille de Gen pour les mettre à bout et leur enjoindre de débarrasser le plancher. Mais face à une fatigue qui dépasse la sensation ordinaire, ces attaques mesquines font figure de tendres réminiscences du sentiment d'être vivant. Pendant que sa maman essaie de retrouver des forces pour nourrir la petite dernière, Gen parcourt Hiroshima et les alentours pour trouver de l'argent et ramener de quoi manger. Il s'occupera d'un agonisant que sa famille a caché dans une pièce isolée de leur maison avant d'apprendre la capitulation du Japon face aux Etats-Unis. Sa liesse n'est pas partagée par tous : « Ils se moquent de nous ! Nous nous sommes sacrifiés pour le Japon et pour l'empereur parce que nous devions gagner ! Et maintenant on nous demande un effort parce que nous avons perdu ! J'en ai plus qu'assez ! Il ne nous reste plus rien ! Notre maison a brûlé et les nôtres sont morts ! Nous n'arrivons même pas à avoir du riz ! Il ne nous reste que la douleur ! »


C'est vrai. Et Gen passe chaque instant de son existence miraculée pour combattre cette douleur et adoucir les jours de chacun de ses compatriotes. Il lutte pour propager sa générosité, allant parfois même jusqu'à une insouciance qui nous semble inconcevable. Gen le bon samaritain étale sa vertu comme un fardeau impudent. Il paraît incroyable, irréaliste, mais c'est sans songer que dans l'Hiroshima d'août 1945, la générosité se confond avec la survie et qu'elle traduit une terreur frénétique de mourir et de voir mourir ses proches. La menace ne quitte jamais les pages de ce livre et se confirme parfois, au détour d'un ami ou d'un voisin. « L'ennemi s'est mis à utiliser une arme nouvelle et singulièrement cruelle dont les effets semblent être aussi terribles qu'imprévisibles ». La déclaration d'Hiro-Hito faite aux japonais le jour de la capitulation se réalise à chaque instant…

Lien : http://colimasson.over-blog...
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