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Déborah Pierret-Watanabe (Traducteur)
EAN : 9782809716511
224 pages
Editions Philippe Picquier (05/01/2024)
4.05/5   565 notes
Résumé :
On passe lentement un col et au bout de la route, dans la forêt, c'est là. La maison de la grand-mère de Mai, une vieille dame d'origine anglaise menant une vie solide et calme au milieu des érables et des bambous. Mai qui ne veut plus retourner en classe, oppressée par l'angoisse, a été envoyée auprès d'elle pour se reposer.
Cette grand-mère un peu sorcière va lui transmettre les secrets des plantes qui guérissent et les gestes bien ordonnés qui permettent ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (134) Voir plus Ajouter une critique
4,05

sur 565 notes
Ce petit livre d'une écrivaine japonaise, dont j'avais adoré “Les mensonges de la mer”, est une ode à la vieillesse. Je sais que cette joie de vivre que possède la mamie de Mai la protagoniste de l'histoire n'est pas à portée de tous, mais par ces temps de Pandémie, où nous avons tous des difficultés ajoutées avec nos parents qui vieillissent ,elle m'a mise du baume au coeur.
Un rituel quotidien à la campagne où les plantes deviennent une source d'énergie incommensurable, est au coeur de ce beau récit. « L'air est pur et limpide, une nouvelle journée est sur le point de commencer. Je fais bouillir de l'eau, je me prépare un thé. Puis je sors dans le jardin et je me réjouis du spectacle de mes plantes.», Mai est une adolescente oppressée par l'angoisse, elle ne veut plus retourner à l'école. Envoyée chez sa grand-mère d'origine anglaise afin qu'elle se repose, le temps d'un cours séjour cette dernière va lui transmettre sa relation privilégiée avec la nature. Une relation qui calmera ses angoisses. Cette communion de coeur et d'esprit “presque parfaite “, entre cette grand-mère et sa petite fille est d'autant plus touchante qu'elle fait parti des souvenirs d'enfance de l'auteure, Kaho Nashiki. La Postface de l'écrivaine simple et sincère est encore plus émouvante.
Merci Sabine.

« Mai avait commencé à comprendre que la réalité, comme l'appelait Papa, et les histoires qui se déroulaient dans le coeur des gens étaient deux choses bien distinctes. Il ne fallait pas les confondre, mais sûrement que de temps en temps, on pouvait décider en secret de ce qu'était sa vérité à soi. »
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Mettre à distance les émotions en faisant, en agissant…Une nouvelle fois, inlassablement, je retrouve dans ce livre japonais ces gestes bien ordonnés faits en toute conscience, dans l'instant, ces gestes fluides du quotidien qui permettent de contrôler le flux d'émotions, de conjurer l'angoisse.
Ces gestes comme cueillir des fraises des bois pour en faire une confiture rouge sombre, prendre soin du potager, arroser les fleurs sauvages pour magnifier et vénérer leur existence, préparer un repas simple mais sain, laver des draps à la main et les faire sécher sur des buissons de lavande. Prendre le temps de faire et ressentir un sentiment d'accomplissement.
C'est une récurrence dans cette littérature qui apaise. Doucement. Comme une fraîche caresse, délicate et sensorielle. Indéfinissable aussi. Ce petit quelque chose qui illumine de l'intérieur. Tel est ce qui me reste de prime abord de cette lecture, « l'été de la sorcière » de Kaho Nashiki. Auréolé d'une odeur délicieuse aussi, celle de la menthe, de la sauge, celle de l'herbe drue, de la nature dans laquelle se réfugier. L'odeur de la verdure de mai. Effluves vertes mêlées à celles, plus douces et sucrées des fleurs de magnolia et des dragons d'argent.

D'ailleurs je trouve que la jolie couverture du livre en est un symbolique résumé…un buste sombre d'où jaillissent de belles fleurs sauvages à la place de la tête ou comment dépasser les angoisses de notre fragile condition d'humain en communiant avec la nature, en l'acceptant, en l'accueillant, en s'en imprégnant. Une grand-mère ayant alors un rôle de tuteur dans cet apprentissage pour une petite fille prénommée Mai.

Pourtant, murmurez le mot « sorcière »…Aussitôt apparait l'image ancestrale de ces femmes hideuses au nez crochu et bosselé, sur leur balai, au rire sardonique, ou encore, plus tragique, ces femmes que l'on qualifiait facilement comme telles lorsqu'elles sortaient des normes, du cadre de la société médiévale, lors de la Renaissance ou même en des temps plus récents. Hors norme car vivant comme bon leur semble, affranchies des hommes ou de la religion, souvent intelligentes, dotées de savoirs ancestraux, voire de pouvoir de voyance, ces femmes faisant l'objet de fantasmes, de peurs, de rumeurs, au centre de certains procès expéditifs et de nombreux bûchers.

La grand-mère de Mai est bien un peu sorcière, elle connait le secret des plantes qui guérissent et vit librement s'appuyant sur la sagesse, les savoirs et les connaissances transmis par les ancêtres. Les connaissances sur les plantes qui guérissent le corps donc, mais aussi la sagesse de cohabiter avec la nature hostile. La capacité d'éviter ou de surmonter une difficulté attendue. le pouvoir de deviner l'avenir. Sa propre mère avait le pouvoir de voyance, pouvoir qu'elle a toujours caché afin de pouvoir être heureuse en ces temps où sortir du cadre était encore exclu. Mai, sa petite-fille, a donc peut-être, sans doute, du sang de sorcière en elle.

Qu'il est bon et doux de passer l'été à côtés de cette grand-mère pour la petite Mai qui ne veut plus aller à l'école du fait d'angoisses profondes. Mai si sensible que les parents trouvent décidément compliquée. Ils décident ainsi de l'amener un temps chez cette grand-mère vivant dans la montagne. le grand air lui fera du bien. Cette grand-mère qui comprend sa petite-fille sans aucun mot. Instinctivement. Cette grand-mère qui va lui apprendre tant de choses, tels des dons : tout d'abord la force de décider par soi-même afin d'éloigner les démons, puis l'apprentissage de la mort pour pouvoir vivre pleinement, la persévérance, la résilience, enfin le danger de ne se laisser guider que par des intuitions de violence et de haine.
Mai trouvera également refuge dans une clairière magnifique, devenue son endroit, son sanctuaire, dans laquelle elle apprendra à lâcher prise, à ressentir, tout simplement, à respirer : « Cet endroit ensoleillé, tel un trou percé par la lumière entre les bois sombres et humides de cèdres et de bambous, ouvert vers le ciel, était différent du souvenir qu'elle en avait gardé, mais il lui plut immédiatement, sans qu'elle sache vraiment pourquoi. Il était parsemé de vieilles souches d'arbres et des violettes poussaient entre les fondrières. ». Lumière, couleurs, odeurs. Bruit aussi avec les gazouillis des mésanges de Chine, des mésanges boréales et même des mésanges à longue queue. Un endroit magnifique que lui lèguera sa grand-mère.

La fin du livre m'a émue aux larmes. Ce livre nous parle avec délicatesse des relations entre les grands-parents et les petits enfants, de l'art de vieillir, de l'importance salvatrice de la transmission de valeurs, de notre rapport à la nature, de la quête du bonheur, du mystère de la mort. J'ai été très touchée par cette lecture apaisante, aux thèmes pourtant graves. Un moment de grâce. Puissions-nous vieillir comme cette dame et transmettre avec autant d'amour !
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J'avais écrit une première critique de l'Été de la sorcière, courte et concise. Que j'ai étrangement perdue - je ne perds jamais mes critiques. Qu'à cela ne tienne : de toute façon, je voulais la réécrire complètement. Un petit avertissement avant de continuer : je ne me suis pas énervée sur ce livre. Je me suis juste ennuyée. Et au moment où j'écris, j'écoute en boucle mon morceau fétiche (Kong de Bonobo) pour me concentrer et rester détendue, voire accéder à la connaissance ultime de l'univers - j'attends toujours concernant le côté métaphysique des choses, mais je ne désespère point.


Au départ, je ne voulais même pas écrire cette critique. On m'avait déconseillé deux fois ce roman, pour des raisons très différentes, et ce qui me titillait, c'était de voir que parmi les avis positifs, largement majoritaires, pointaient d'autres avis beaucoup moins élogieux. Était-ce du feel-good à la japonaise ou pas du tout, était-ce du genre de ce qu'écrit Ogawa Itô (que je n'aime pas du tout du tout, pour ce que que j'en connais), était-ce bon, était-ce mauvais, était-ce enivrant ou était-ce sans grand intérêt ?


Ce qu'on lit le plus souvent sur ce livre, c'est que c'est un roman délicieusement japonais sur la façon de mettre à distance les émotions (je pense que je cite Chrystèle avec cette expression très juste, à mon sens), sur la façon d'apprivoiser les joies simples et les difficultés de la vie à travers des gestes et une vie simple, faite de jardinage et autres rites du quotidien. Et un roman sur les rapports entre grands-parents et petits-enfants. Et un roman sur le deuil. Et aussi un roman sur la vieillesse. Ce qui fait déjà beaucoup de romans en un seul ! J'ai la sensation que tous ceux qui l'ont aimé s'y sont projetés d'une manière ou d'une autre. Ca m'a bizarrement rappelé La maison qui soigne de Nathalie Heinich : le sujet semblait importer davantage aux lecteurs (on doit pas être bien nombreux à l'avoir lui, celui-là, et cela dit, c'est pas plus mal...) que le livre en lui-même. Il y a des sujets comme ça. Or, je vais me répéter, mais le sujet à lui seul ne fait pas le roman.


Vous n'aurez pas de mal à trouver le résumé de L'Été de la sorcière, mais je vais me fendre d'un court rappel. La narratrice, Mai, se souvient du moment où sa mère lui a annoncé que sa grand-mère était mourante. Et de nous emmener avec elle pour l'été de ses treize ans, donc deux ans plus tôt, qu'elle avait passé avec cette grand-mère suite à son refus de retourner au collège. le personnage principal, il me paraît clair que c'est Mai, avec sa difficulté à appréhender toutes les émotions qui la submergent et à surmonter les difficultés qu'elle rencontre au collège. Une enfant difficile à comprendre et difficile à vivre selon sa mère - qui n'est pas un personnage désagréable, mais que cette façon de réfléchir rend assez pénible d'emblée ; sauf que la narratrice, qui n'est autre que l'auteure, ne veut surtout pas dire du mal de sa mère, donc, allez c'est pas si grave de dire ça de sa fille. Or c'est plutôt grave, ça a forcément un impact sur la jeune fille. Une jeune fille que sa grand-mère accepte pourtant telle qu'elle est et avec plaisir. Là, vous vous dites que la grand-mère est un trésor. Sauf que si vous y pensez bien, pas mal de grands-parents sont facilement plus coulants avec leurs petits-enfants qu'ils ne l'ont été avec leurs propres enfants. Donc, que la grand-mère prenne Mai comme elle est, c'est pas si étonnant.


Mai va apprendre à faire des confitures, à reconnaître certaines plantes, à jardiner, à nourrir les poules, à profiter du jardin et des bois voisins. Tout ce que vous-même avez probablement appris avec votre grand-mère (pour les gens de ma génération, et surtout pour les filles, je sais pas trop pour les autres) si elle était sympa et qu'elle avait un jardin. Mais elle va aussi apprendre à suivre des horaires stricts, elle va devoir suivre un programme journalier strict, étudier tous les après-midis, et se taper des tâches ménagères aussi passionnants que la vaisselle et la lessive tous les matins ; toutes les grands-mères vous diront qu'elles ont été bien contentes d'être débarrassées de la corvée de la lessive grâce aux lave-linge parce que c'était franchement pas une sinécure, qu'elles se cassaient le dos, et j'en passe, mais celle de Mai, nan, elle y voit un rituel quotidien qui apprend la discipline - le mot est lâché ! D'ailleurs, quand est-ce que Mai trouve le temps de se promener avec cet emploi du temps chargé, je vois pas bien...


Parlons donc discipline. Finalement, c'est pas une grand-mère cette femme, c'est une prof. Parfaite. L'auteure a écrit ce texte dans les années 90, qu'elle a revu en 2017. Un texte marqué par une culpabilité dont, visiblement, Nashiki Kaho ne s'est jamais débarrassée. En effet, cet été-là, la grand-mère parfaite avait fini par gifler sa petite-fille, qui était repartie chez ses parents avec pas mal d'amertume au coeur ; elles ne se reverront plus. Alors oui, c'est triste pour la grand-mère. Cela dit, gifler sa petite-fille, ça a forcément des conséquences, surtout quand on ne prend pas la peine de présenter ses excuses (il est vrai qu'on s'excuse rarement dans ces cas-là, soit parce ce qu'on a trop honte de soi, soit parce qu'on s'en fout). Mais Nashiki ne se pardonne pas de ne pas avoir pardonné cette gifle à sa grand-mère. Et tout le roman va en souffrir. La grand-mère a ses défauts (et elle passe pas non plus son temps à gifler sa petite-fille, soyons honnêtes). Comme tout être humain. Sauf que Nashiki va s'évertuer à nous la présenter comme une grand-mère parfaite, avec-des-défauts-mais-parfaite-quand-même. Premier écueil.


Second écueil selon moi : c'est pas très bien écrit. Bien entendu, je n'ai pas lu ce roman japonais. Mais pas besoin de ça pour repérer les défauts de la construction du texte, ou la difficulté qu'a eu l'auteur à rendre les émotions qui agitent la narratrice. Les émotions, c'est fugace, c'est versatile, c'est diffus ou ça submerge, mais c'est la plupart du temps compliqué à mémoriser. Ne parlons même pas de rendre des émotions qu'on a ressenties des dizaines d'années plus tôt et qu'on n'arrivait pas alors à comprendre. Bien sûr qu'il existe des écrivains qui savent rendre ce genre de choses. Mais ce n'est pas le cas de la plupart. Et, à mon avis, c'est pas le cas de Nashiki. Je la voyais se débattre avec ce qu'elle voulait écrire et qui restait hors de portée. Il n'y a pas de mal à ça, c'est dur de transmettre ce genre de choses, c'est dur de mettre des mots là-dessus. C'est toute la difficulté d'une psychothérapie ou d'une psychanalyse. Ici, si on voit la confusion de Mai, on ne la ressent pas. Un bon exemple, c'est la réaction de la jeune fille face au voisin de la grand-mère : elle éprouve de la répulsion pour lui. On entrevoit ce qui la perturbe (notamment à cause des revues porno qui traînent dans les poubelles), on pourrait facilement s'identifier à elle et puis... Ben mince, ça fonctionne pas. Zéro empathie quand on devrait en ressentir. Je me fiche de ne pas ressentir d'empathie pour les personnages de fiction si l'empathie n'est pas nécessaire - et souvent, elle ne l'est pas, de mon point de vue. Pour le coup, ici, tout repose sur l'empathie. Or zéro empathie de ma part pour Mai, et zéro empathie pour la grand-mère. Mince.


Il y a d'autres défauts d'écriture sur lesquels je ne vais pas m'appesantir, comme la difficulté de l'auteure à poser un décor. Est-on au Japon, est-on en Angleterre ? Quelques maigres indices peuvent éventuellement vous guider, à condition que vous ayez déjà discuté avec des personnes à la fois d'origine européenne et japonaise, ou européennes ayant vécu au Japon, etc. Si vous avez lu la quatrième de couverture, c'est déjà expliqué. Mais pas au début du roman. Défaut d'écriture dérangeant selon moi, relevant d'un manque de maîtrise.


Un roman mal écrit, c'est un problème. Un roman auquel on prête une ambition spirituelle, philosophique, c'est également un problème si vous ne vous retrouvez pas là-dedans. En plus de la psychanalyse, je suis adepte du yoga - je n'ai qu'un faible niveau et je ne peux plus pratiquer comme je le voudrais. Mais il y a un truc que je recherche dans le yoga, qui va au-delà du machin sur le bien-être qu'on nous vend sans arrêt. Je me fiche de faire de belles postures dans un joli ensemble (le yoga a pas été inventé pour ça, de de toute façon). Je voudrais bien y trouver quelque chose qui relève de la maîtrise des émotions, arriver à un état méditatif (vous comprenez mieux pourquoi je peux écouter un seul morceau instrumental de Bonobo en boucle) ou du moins m'en approcher, et tenter une réflexion que j'appellerai spirituelle faute de mieux. On me croit souvent peu intéressée par ce qui est du domaine spirituel - terme assez fourre-tout - sous prétexte que je suis athée. Mais la spiritualité ne s'arrête pas à la religion ou à la superstition. Et de démarche spirituelle ou philosophique, et dont pas mal de lecteurs ont parlé, je n'ai pas trouvé trace dans ce roman. Cueillir des fraises, OK. Faire de la confiture, OK. Être confronté à la mort, OK. Tout cela relève-t-il du roman philosophique ou spirituel sous prétexte que ça se passe au Japon et qu'on recense à la file tout un tas de gestes ordinaires ? À mon avis, non.


La Guerre des mondes est un roman philosophique. Solaris est un roman métaphysique. le film d'animation Souvenirs de Marnie, malgré des défauts (ça pleure pas mal), parle très bien des relations petite-fille grand-mère et des émotions agitant les ados (ou pré-ados, je ne sais quel terme employer). Et, je le dis tout le temps mais il semblerait que ce soit pour rien, donc je le répète : on peut trouver de la philosophie (et même plus) dans le Jardin invisible de Marianne Ferrer, car oui, les albums pour enfants peuvent receler des trésors de subtilité. A-t-on besoin d'un roman comme L'Été de la sorcière pour donner dans le méditatif ? M'est avis que non.


Mais ne tenez pas trop compte de mon avis, il y a tout à parier que vous serez en total désaccord avec moi (et donc pourquoi j'ai écrit tout ça, au fait ?)
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Un livre doux, réconfortant et pourtant présentant des thèmes graves comme le deuil, la différence mal vécue , la quête difficile de soi-même. Je l'ai profondément aimé.

L'auteure explique qu'elle l'avait publié déjà vingt-cinq ans auparavant, sous une forme un peu plus courte. La magnifique première de couverture symbolise vraiment bien ce roman: un buste juvénile et un visage absent, d'où jaillissent des fleurs sauvages.

le récit est à la troisième personne mais présente un point de vue interne, celui de Mai, une adolescente. Retournant brutalement chez sa grand-mère , qui vient de décéder, et qu'elle n'a plus vue depuis deux ans, elle se souvient...

Elle a passé quelques temps avec elle, alors qu'elle ne supportait plus d'aller au collège. Se sentant à part, angoissée, elle trouve auprès de sa singulière grand-mère d'origine anglaise le repos et la sérénité dont elle a besoin. La vie s'écoule, simple, assez rudimentaire, à soigner les plantes, à nourrir les poules, à échanger avec " la sorcière de l'Ouest", surnom tendre qu'elle et sa mère ont donné à la vieille dame. Car , oui, à sa façon, elle est un peu sorcière, dans le sens où elle prête une attention particulière aux signes de la nature. Les conseils précieux qu'elle donnera à sa petite fille lui permettront de grandir. C'est effectivement un parcours d'initiation que fera Mai auprès d'elle.

Tout est délicat, sensoriel, l'odeur entêtante de la sauge et de la menthe fraîche, cette petite plante aux minuscules fleurs bleues que Mai arrose avec soin, le lieu refuge dans une clairière, qui deviendra le jardin secret de l'adolescente. Tout est empreint de fraîcheur, d'authenticité.

le monologue final de Grand-mère m'a émue aux larmes. Quel magnifique personnage! C'est elle qui permettra à Mai de rayonner de tout son être, de se faire confiance, de résister aux normes imposées. Une lecture qui restera en moi et qui m'a fait penser au livre tout aussi marquant d'une autre japonaise" La péninsule aux 24 saisons" de Mayumi Inaba.
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J'ai découvert ce beau roman grâce à la critique de Hordeducontrevent. Je te remercie Chrystèle pour ce très beau moment de lecture.

J'aime beaucoup les romans japonais. Tout en parlant de sujets graves, il place le lecteur dans une atmosphère apaisante et délicate.
Ce roman m'a fait un bien fou, comme si je m'abreuvais de calme et de repos, retrouvant la sérénité au contact de la nature, m'isolant dans ce petit coin de paradis, me promenant au milieu de ce petit bois lumineux tapissé du rouge des fraises sauvages, respirant les parfums capiteux de fleurs, écoutant le chant des oiseaux et le vent bruire doucement dans les arbres, me couchant le soir dans des draps gorgés de soleil et de parfum de lavande.
*
La narratrice de cette histoire émouvante est Mai, mais le personnage principal de ce roman est sans aucun doute sa grand-mère dont nous ne connaîtrons pas le nom.
J'ai trouvé cette vieille dame indépendante, touchante et même fascinante. Une sorcière moderne, qui vit au contact de la nature dans laquelle elle puise son équilibre et sa force.
*
Mai souffre d'un mal-être profond. Un sentiment de malaise, d'oppression, d'exclusion qui l'étreint.
Mai, selon ses parents, « a toujours été une enfant difficile à comprendre, difficile à vivre ».
Atteinte de phobie scolaire, Mai, pourtant bonne élève, refuse de retourner en cours.

« Une tristesse, un sentiment de solitude absolue qui lui enserraient le coeur et la poitrine. »

Ses parents décident alors de l'envoyer auprès de sa grand-mère pour se reposer. Ils espèrent que, au beau milieu des montagnes avec cette grand-mère atypique, elle saura reprendre ses marques et trouver confiance et stabilité.

« Malgré son jeune âge et sa maigre expérience de la vie, Mai sentait d'instinct que ce paysage qui s'offrait à elle par-delà la vitre était infiniment précieux. »

Mai est heureuse de retrouver cette grand-mère un peu sorcière qu'elle affectionne énormément.
*
Le temps prend une place importante dans ce roman.
Le monde dans lequel on vit n'est pas toujours facile, il faut être armé pour supporter la pression que nous impose la société. A notre vie moderne stressante et fatigante, cette grand-mère au sourire énigmatique et affectueux vit en accord avec la nature, laissant venir les choses sans brusquerie, laissant le temps agir et panser ses blessures.

Cette vie tranquille à l'écart du monde trépidant de la ville est vécue par l'adolescente comme une parenthèse. Un monde où elle peut s'évader.

« Son esprit s'envola en un clin d'oeil pour aller vagabonder comme le vent entre le jardin et la colline. »
*
Aux questions angoissées de Mai, les réponses de la vieille dame sont empruntes de sagesse et de philosophie.
Le lecteur est ainsi enveloppé dans une atmosphère délicate et rassurante, marquée par l'empathie, l'écoute et le partage de valeurs et de savoirs. J'ai aimé le regard bienveillant et doux que porte Nashiki Kaho sur ces deux personnages.
La vieille dame, sans jamais avoir un discours moralisateur, va guider la jeune adolescente et lui transmettre son amour de la nature et ses bienfaits.

« Il est difficile d'être juste quand les émotions entrent en jeu. »

Peu à peu, Mai se livre, comme une fleur ouvrant doucement ses corolles.
Le rythme est assez lent pour laisser à Mai le temps d'apprendre à vivre en accord avec elle-même, à savourer les bons moments, et à gérer les émotions qui l'empoignent lorsque la vie est plus difficile à vivre.
*
La lecture de ce roman m'a rappelé deux très beaux romans sur le rôle de la transmission que je vous conseille si vous ne les avez pas lus, « La papeterie Tsubaki » d'Ito Ogawa ou « Les délices de Tokyo » de Durian Sukegawa. Deux romans tendres dont l'atmosphère chaleureuse et réconfortante vous enveloppe d'une douceur bienveillante.
*
A l'image de la superbe couverture, le texte, simple et poétique, est un long voyage intérieur qui invite à la méditation sur le bonheur, la solitude, le deuil, la perte de repères, les liens familiaux, le rôle de la transmission. C'est également une réflexion sur le monde d'aujourd'hui, sur le regard des autres qui nous abiment, sur notre société qui privilégie les personnalités fortes au détriment des personnalités plus effacées.
Voyage sensoriel aussi qui resplendit d'authenticité, comme si l'auteure avait insufflé à ce roman une part de son histoire personnelle.

« N'es-tu pas heureuse quand tu trouves une clairière et te laisses réchauffer par les doux rayons du soleil par une froide journée d'hiver ? N'es-tu pas heureuse quand une brise fraîche te caresse alors que tu es assise à l'ombre d'un arbre en plein été ? »
*
Pour conclure, Nashiki Kaho décrit avec délicatesse et pudeur toutes les nuances et la profondeur des émotions humaines. La relation entre cette grand-mère et sa petite-fille m'a vraiment touchée et émue avec un superbe épilogue lorsque la grand-mère prend la parole dans un long monologue.

L'auteure signe un beau roman initiatique, emprunt de poésie et de sagesse. Un voyage hors du temps, serein et paisible. J'ai aimé cette belle parenthèse où les valeurs de partage et de transmission sont essentielles, j'ai aimé ces moments de bonheurs simples, de quiétude et de contemplation des beautés que nous offre la nature.

Un beau roman qui ne laisse pas indifférent et que je vous invite à lire.
Pour ma part, j'ai envie de continuer à découvrir cette auteure avec « Les mensonges de la mer ».
*
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Citations et extraits (83) Voir plus Ajouter une citation
Grand-mère avait tendance à complimenter ses proches sans se priver. Elle transmettait la fierté qu'elle éprouvait tout naturellement comme on donnerait de l'eau à une plante.
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Cet endroit ensoleillé, tel un trou percé par la lumière entre les bois sombres et humides de cèdres et de bambous, ouvert vers le ciel, était différent du souvenir qu’elle en avait gardé, mais il lui plut immédiatement, sans qu’elle sache vraiment pourquoi. 
Il était parsemé de vieilles souches d’arbres et des violettes poussaient entre les fondrières. La floraison était déjà terminée, les capsules de graines semblaient sur le point d’éclater. Imaginer toutes ces violettes en fleurs la rendit heureuse. Mais lui fit aussitôt regretter d’avoir manqué un tel spectacle. 
Elle s’assit sur l’une des souches et sentit son esprit s’apaiser, tandis qu’une sensation de calme se diffusait en elle. Cernée par les jeunes camphriers, les châtaigniers et les bouleaux, elle avait l’impression qu’une petite chose très précieuse – une petite chose douce, chaude et adorable – se cachait quelque part dans les environs. Comme un petit, un tout petit nid douillet, festonné de plumes duveteuses d’un petit, d’un tout petit oiseau.
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Elle a éteint le feu et, tout en continuant de remuer le contenu de la casserole :
- il est normal de se sentir blessé. On n'y peut rien. Et comme c'est dans ta nature, tu n'as pas d'autre choix que de faire avec, a-t-elle déclaré lentement, délicatement, comme si elle déroulait un fil de soie hors d'elle....

Peu importe ce qui se passera, il faudra te convaincre que cette blessure ne sera pas mortelle. Ainsi, et même si sur le moment tu es incapable d'y croire, des graines auront été semées, et quelque part dans ton corps et dans ton coeur germera une nouvelle force de vie.

Cette blessure ne sera pas mortelle.
J'ai reçu bien des coups que j'aurais du considérer comme fatals, mais à chaque fois, je suis restée fidèle à la pensée de ma grand-mère, que prononçais à la manière d'une formule magique. Cette blessure ne sera pas mortelle. Même lorsque se succédaient les jours où il me paraissait impossible de me lever, ces mots, pareils à la lumière douce et chaleureuse de cet après-midi d'hiver, continuaient à être absorbés par la terre gelée à coeur.
Cela ne pourra jamais me détruire.
Cela ne pourra jamais te détruire.
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— Mamie, l’appela-t-elle doucement. 
— Oui ? répondit sa grand-mère, elle aussi à voix basse.
  — Quand les gens meurent, que deviennent-ils après ? 
En entendant la question, Grand-mère laissa échapper un grognement inarticulé et soupira. 
— Je ne sais pas. Pour ne rien te cacher, je ne suis jamais morte. 
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Fort heureusement, même si la volonté accordée à la naissance est faible, il est toujours possible de la renforcer. Il s’agit de la développer petit à petit et cela peut prendre beaucoup de temps, ce qui est aussi le cas pour la force physique. Au début, on peut avoir l’impression que rien ne change. Le doute, la paresse, l’envie de tout abandonner peuvent alors commencer à se manifester. Mais il faut les combattre, serrer les dents et persévérer. Et au moment où on se dit que rien ne changera jamais, il se produit un événement qui nous fait découvrir qu’on est différent de celui qu’on était avant. On continue de faire des efforts, dans une succession de jours monotones, et soudain, on découvre que celui qu’on est devenu est encore différent de celui qu’on était jusqu’à maintenant, et ainsi de suite. Grand-mère s’interrompit quelques secondes. Mais la grande différence avec l’entraînement physique ou le développement d’autres compétences, c’est qu’il est plus facile d’échouer, car ce sont souvent ceux qui manquent de volonté qui veulent relever le défi, conclut-elle lentement.
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