Jésus le guérisseur

Issu d'une conférence, ce texte rappelle le contexte politique de la Judée romaine, en particulier la dégradation des conditions de vie de la population suite au règne d'Hérode. La singularité politique du peuple hébreux était l'unicité du Temple, dont découlait un régime pour définir lequel Flavius Josèphe inventa un néologisme très moderne : "la théocratie". de cette circonstance découle une sociologie politique fondée sur quatre partis : Pharisiens, Saducéens, Esséniens et Zélotes, à l'intérieur de laquelle s'est nécessairement situé Jésus, dans la lignée de "révolutionnaires" connus en son temps tels Judas le Galiléen et, prédécesseur direct, Jean le Baptiste.
La thèse de cet essai, en effet, est que Jésus était d'abord et surtout un révolutionnaire, la qualité de messie étant au moins autant politique que religieuse. L'appel concernant l'imminence du Royaume de Dieu était un message de mobilisation et de ralliement révolutionnaire (contre les Romains et le corruption du Temple) qui devait être absolument transparent pour ses contemporains. le châtiment de la crucifixion était par ailleurs totalement typique pour ce genre de sédition.
L'action de Jésus, prédicateur par "paraboles" et surtout guérisseur, s'inscrit aussi entièrement dans le "militantisme" qu'il souhaitait inspirer. Nathan fournit aussi des détails "cliniques" sur les spécificités de la méthode de guérison de Jésus, par analogie avec certaines techniques qui sont encore en usage de nos jours. Les pathologies soignées, de plus, se regroupent dans la catégorie des "entraves au cheminement vers Dieu" (p. 103).

Mon seul regret est dans la brièveté du texte.

Tobie Nathan est un psychologue connu (et controversé). Dans ce petit livre, il propose une vision de Jésus qui me semble assez originale, plutôt éloignée des poncifs saint-sulpiciens et peut-être influencée par sa culture juive. En effet, il le replace dans le contexte culturel et religieux de son époque, le Temple de Jérusalem étant le lieu mystique du contact du divin et du quotidien, où des sacrifices étaient faits à Yahvé. Ainsi, « lorsque Jésus se présente comme l'agneau de Dieu, il assure le peuple de sa permanence propre, puisque l'agneau devait être offert à Dieu deux fois par jour. Lorsqu'il affirme que le Temple, c'est lui, que le pain de l'offrande (la farine), c'est son corps, et le vin, c'est son sang, sans doute est-il immédiatement compris par les habitants de Jérusalem, familiers du sacrifice quotidien ».
Ensuite l'auteur insiste sur la dimension politique du message de Jésus. A ce sujet, il écrit notamment: « Il formulait ainsi: le Royaume de Dieu est tout proche. Pour nombre de commentateurs non religieux, Jésus parlait alors d'un bouleversement politique imminent, guidé par Dieu, lequel devait conduire à la libération des Juifs du joug romain ».
Enfin T. Nathan évoque le rôle de thérapeute de Jésus. Non seulement l'effet de ses paraboles ou « paroles à l'envers », mais son action de thaumaturge. Il estime que « Les malades ne guérissent pas parce qu'ils croient; ils croient parce qu'ils ont été guéris »; ce n'est pas l'interprétation la plus répandue dans le christianisme. Sans être indispensable, ce petit ouvrage m'a semblé stimulant.

J'ai beaucoup apprécié le recadrage historique et sociétal de Tobie Nathan sur l'époque et la société dans laquelle est né et a vécu Jésus. Je suis restée sur ma faim quant au rôle de politique et de thérapeute de Jésus. Je m'attendais à des arguments et des exemples plus détaillés et convaincants de la part de l'auteur. Déçue.

Ce livre est une enquête sur le personnage de Jésus, sur sa dimension politique et thérapeutique, à travers les textes de diverses traditions religieuses et psychologiques. Un ouvrage à la fois érudit et très très abordable, très agréable à lire, à la fois concis, précis et riche. Je recommande si le sujet vous intéresse.