Avant tout, j'aime beaucoup
Tobie Nathan, ouvert, intelligent, sérieux, drôle, et souvent passionnant. Et ce livre est fort bon.
Mais...
C'est quoi pour un livre, ça encore ? «
La Nouvelle interprétation des rêves »... C'est quoi ce titre ? Déjà dès qu'on emploie le mot « nouveau, nouvelle », c'est forcément le réduire à l'obsolescence, il ne sera évidemment plus « nouveau » dans peu de temps. Espérons-le. Dépassé par les nouvelles connaissances d'un secteur où l'on sait fort peu encore et qui foisonne de recherches en tous sens.
L'allusion à
l'Interprétation des rêves de
Freud est évidemment voulue. Mais est plus marketing que réelle. Car Nathan s'il s'appuie sur
Freud le fait pour mieux s'en départir.
« « Une » interprétation des rêves », aurait peut-être été un meilleur titre. Bref, j'en sais rien. Je ne suis pas
Odile Jacob, ni l'auteur lui-même.
Il y en a tellement des bouquins sur les rêves et sur ce qu'ils sont censés être et dire... du moins bon au pire du pire. Ou le hyper classique de
Freud...
Ce livre est, en fait, un : « Qu'en est-il de tout cela ? » Quid de l'histoire, des spécificités culturelles, anciennes, moins anciennes, quid de la neurophysiologie et des connaissances scientifiques actuelles...
Tobie Nathan prend un maximum de toutes les infos et essaie de les assembler pour décrire et établir une sorte de méthode.
« ... ce livre se veut avant tout une méthode. Mais si, en suivant les indications que je propose, le lecteur pourra pénétrer assez loin dans l'exploration de son rêve,; annonçons-lui d'emblée qu'il ne pourra jamais remplacer l'interprète.
Car, en derniers ressort, aucun rêve ne peut être interprété par le rêveur lui-même. »
Comme vous le lisez, Nathan ne prétend pas donner des clés claires et définitives. Pour lui, l'interprétation est essentielle et ne peut se faire que par un autre. Et cet autre, aura un rôle considérable, puisque l'interprétation est une prédiction (ou quasi).
La pragmatique du rêve : « Quant à moi, je me soucierai avant tout de l'usager, n'entrant pas plus que nécessaire dans le détail des doctrines, m'intéressant plutôt à la pragmatique du rêve. J'examinerai les propositions concrètes, tentant d'en tirer une pensée cohérente. »
Le cauchemar, une quintessence du rêve : « Dans le chapitre 3, j'ai davantage parlé du cauchemar que du rêve ; c'est qu'il s'agissait de parcourir des considérations générales, et le cauchemar s'y prête mieux que le rêve. le cauchemar possède en effet de manière saillante deux caractéristiques qui définissent au mieux le rêve en général : la paralysie du corps et la turgescence des organes sexuels. En cela il est une quintessence du rêve. »
Freud et ses manques de connaissances... : « Il était indubitable que
Freud ignorait l'existence du sommeil paradoxal. de ce fait, sa théorie du rêve admettait la prémisse, partagée par tous les chercheurs de son temps et même jusqu'à la moitié du XXe siècle, que le rêve survenait durant un sommeil "léger", plus proche du réveil que le sommeil profond. Ir la découverte du sommeil paradoxal est venu bouleverser ces conceptions qui semblaient raisonnables. le rêve est un éveil total du "cérébral" en état de sommeil profond. »
Le rêve est instinctif !
« Nous avons appris que, à condition d'admettre que rêve et sommeil paradoxal étaient superposables, le rêve était l'une des rares activités humaines presque exclusivement instinctives (avec quelques autres fonctions primaires telles que le sommeil ou la respiration). »
Freud se trompe ou est trompé encore, le rêve est lui-même pulsion :: « S'l est vrai, comme l'a établi la neurophysiologie, que le rêve est un fatalité physiologique, il ne peut en aucune manière être la réalisation (hallucinatoire) du désir (refoulé) d'un individu singulier. A la lumière des découvertes des neurophysiologistes, il faudrait inverser la proposition freudienne : le rêve ne peut pas être le feu d'expression des pulsions refoulées, puisque le rêve est lui-même pulsion. »
Concernant la forme, le style. Forme assez simple, chapitres, paragraphes, classique, style très clair, ne cherche pas d'effets, mais c'est bien écrit quand même et non dépourvu d'émotion. Pas sec.
Il y a peu d'illustrations des théories mais elles sont vivantes, et mise dans une suite assez dynamique. On ne s'ennuie pas, enfin je ne me suis pas ennuyé à lire ce qui est pourtant assez sérieux.
Nathan est rigoureux, c'est un scientifique. J'aime particulièrement la bibliographie, les sources commentées, pas une simple liste, rien que ça c'est intéressant. Ca en dit plus ou long.
Bref, un fort bon livre d'un type de grande-s qualité-s, comme je l'écrivais, avant tout.