Citations sur Qui a tué Arlozoroff ? (30)
Vous me demandez ce que fais de mes jours, de mes soirées, de mes nuits... J'écris ! Et pour passer le temps entre les longs moments qui séparent deux manifestations d'une idée, je prends des notes pour écrire. J'écris, pour écrire... Le monde n'existe qu'écrit et il est si difficile de le créer.
-Trouves-tu encore le temps de peindre, demanda Arlozoroff voulant se concilier l'humeur de son ami.
- Peindre ? s'étonna Nahum, parfois je n'arrive même pas à trouver le temps de manger... Et toi ? Trouves-tu le temps d'écrire des poésies, toi qui autrefois en écrivais au moins une par jour ? Non, n'est-ce pas ? Tu vois ? C'est pareil ! Lorsqu'on bâtit un pays, on évite de perdre du temps.
- Nahon ! s'exclame-t-il, "c'est vrai" ! Pourquoi dit-on qu'on pense ? C'est sûr qu'on ne pense pas... Ce sont les idées qui viennent, on ne sait pas vraiment d'où, des mots qu'on saisit ça et là, de quelqu'un qui vous les souffle, parfois. Est-ce qu'il existe une seule personne qui a déjà pensé par elle-même ? Ne fait-on pas toujours que répéter ce qu'on a entendu ?
_ Tu en sais beaucoup, toi, l'Egyptien ! reprend Barbara...Une fois arrivé à Paris, les Français vont te tomber dessus. Ils vont te poser mille questions. Tu n'auras qu'à suivre nos indications. Nous te donnerons tout le protocole. Tu n'auras plus qu'à le suivre...
_ C'est donc ça ! De la désinformation...J'ai envie de lui répondre qu'en tant que journaliste, je suis un spécialiste.
[Magda] comprenait que les Juifs étaient une nation maudite, le sort qui leur avait été réservé partout et depuis toujours en était une preuve suffisante. Mais elle ne saisissait pas en quoi une haine personnellement vécue, dans son coeur, dans ses gestes, assumée dans ses décisions quotidiennes, en quoi une telle haine du juif lui était indispensable. "Que dois-je faire ? demanda-t-elle, que dois-je faire, mein Führer ?" Il lui fallait offrir son Juif à Hitler. Elle devait sacrifier ce Juif qu'elle prétendait aimer, l'apporter à cette congrégation de cannibales et leur offrir sa chair. Voilà ce qu'elle devait faire. (p361)
L'injure est l'âme de la provocation, son noyau. Par l'injure, on renvoie à l'ennemi sa propre image rabaissée, lui signifiant que l'on dispose d'une avance sur lui. S'il est possible de le penser chien, porc, excrément ou maladie malfaisante, c'est que l'on a déjà procédé au travail mental permettant de le tuer. C'est pourquoi les armées de l'antiquité précédaient leur assaut par un rituel d'injures hurlées en direction de l'ennemi. L'injure provoque la rage impuissante de la victime. Il est vain de la consoler en lui expliquant que son contenu est sans fondement. La force de l'injure ne réside en aucune manière dans son contenu, mais dans le processus qu'elle suppose déjà réalisé dans l'esprit de l'énonciateur. Qui t'injurie est capable de te tuer.
Il avait découvert en une seule soirée que la foule était sa maîtresse. Et cela, il ne l'oublierait jamais ! Il avait compris qu'on devait la traiter comme une gueuse. Il regardait d'abord la foule de loin, quelquefois tapi derrière le rideau du théâtre. Puis, il l'approchait lentement, l'excitait, faisait mine de l'abandonner, revenait, l'assaillait d'un côté, de l'autre, l'injuriait puis la caressait. Il savait qu'il fallait la battre, la fouetter de paroles cinglantes, la terroriser de mots de violence et de mort avant de la soumettre. Entre ses mains, la masse devenait une catin nymphomane. Il lui révélait ses penchants les plus bas, la persuadant qu'ils étaient sa nature. Il lui aboyait des ordres et lui susurrait des folies amoureuses. Son visage se tendait vers elle, les yeux de feu, les mains en supplication. Il était tout entier érection ; et la foule se faisait femelle humide l'absorbant en un baiser de rage.
Il est des humains dont l'accouplement peut bouleverser l'ordre du monde.
Elle était allemande et lui russe, elle était catholique et lui juif, elle aimait les réflexions solitaires et lui les grandes assemblées où il présidait à l'avenir du monde. Mais dans leurs moments d'étreinte, ils devenaient identiques, jumeaux accouplés dans le ventre initial. En ces moments, ils se ressentaient comme l'incarnation de la théorie des deux moitiés, faites pour s'assembler dès la Création.
En épousant Goebbels, Magda s'était unie à Hitler ; elle lui était une sorte d'épouse mystique.