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Critique de Pois0n


Qui parviendrait à ne pas craquer ? Mis en valeur par une splendide couverture (oeuvre de Manon Bucciarelli), pourvu d'un titre annonçant d'emblée la couleur, « Le chat qui voulait sauver les livres » attirera sans mal le lecteur passionné qui, en goguette dans les rayons, posera son regard dessus. D'autant que le résumé donne encore plus envie d'embarquer dans cette histoire prônant l'amour des livres.

Enfin, certains d'entre eux.
S'il est parfaitement logique que Rintarô se borne aux classiques, vivant dans une librairie d'occasion spécialisée, la quête de sauvetage, derrière son aspect onirique, véhicule des messages fleurant bon l'élitisme. le premier labyrinthe pourrait laisser penser le contraire, puisque gros lecteurs et collectionneurs se font tacler à l'identique. Mais la suite ne laisse plus guère de doute : les éditions abrégées rendant accessibles les livres qui ne le sont pas de base, c'est mal, ça dénature l'oeuvre, l'intérêt réside dans le fait d'en chier, ouin-ouin-ouin. Précisément le genre de discours qui en a dégoûté plus d'un. Et en voilà une couche supplémentaire sous couvert de dénoncer la surproduction : les livres qui se vendent sont ceux que les gens ont envie de lire, des trucs simples, pas prise de tête, tout se perd ma bonne dame... Oui, et ? L'important n'est-il pas que les gens lisent et aiment ça ? Vive Harlequin, vive les mangas, 50 shades, Virginie Grimaldi et l'âne Trotro, vive le léger, le dépaysant, l'amusant, le pas compliqué où tu peux suivre même si t'es crevé. Ça n'empêchera pas les adeptes de Proust de kiffer leurs pavés, précisément parce que ce n'est pas le même public. Et encore. On peut aussi aimer les deux. Reste que dans une telle ambiance, l'on ne s'étonnera pas trop que l'on nous dise que la lecture sert à acquérir des connaissances ou développer l'empathie, sans jamais mentionner l'évasion ou le plaisir pur.
Enfin, impossible de ne pas aborder le dernier « duel », où rien de moins que le plus gros ouvrage de propagande religieuse (oui, j'appelle ça comme ça) se plaint et chouine à propos de sa peur de tomber dans l'oubli. Please. le livre le plus vendu au monde !

Si « Le chat qui voulait sauver les livres » ressemble donc, dans la forme, à un roman initiatique young adult (y compris dans la plume de l'auteur), l'on ne s'y trompera pas : les pérégrinations de Rintarô sont un moyen de faire passer à travers lui les idées en question et non une fin.
Et c'est super dommage. Parce que ces idées faisant partie intégrante de l'histoire, impossible de se contenter d'apprécier les lieux étranges, aussi inquiétants qu'envoûtants, traversés par les personnages, l'évolution de Rintarô ou l'atmosphère feutrée de sa petite librairie. Est-ce que ça se lit bien quand même ? Oui. En lui-même, le livre n'est pas mauvais et possède un vrai truc, de la personnalité, une âme. Ça tombe bien, on en parle dedans.

Mais à trop vouloir flatter l'ego d'une certaine frange de lecteurs (oui, tu prends le temps de savourer des classiques, c'est bien), tout en en balançant plein la poire à tous les autres, pour un roman censé prôner l'amour de la lecture et des livres en eux-mêmes, ça se pose là...
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