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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour me guérir de ma panne de lecture et de mes déceptions de ces dernières semaines, rien de tel qu'un ouvrage peau de vache et langue de vipère. le sous-titre de cet ouvrage est le petit livre noir du roman contemporain, mais ses auteurs le présentent comme le volume manquant de la collection des Lagarde & Michard. Ils se posent en archéologues de la littérature, à une époque où celle-ci serait morte depuis des décennies. Leur ouvrage est donc un hommage essentiel : « Les textes qui figurent dans ce recueil, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd'hui, ont bel et bien été écrits, relus, publiés et vendus. C'étaient d'autres moeurs. » (p. 8)

Vous l'aurez compris, le second degré est de rigueur. Si vous en êtes dépourvus, euh… tant pis ! En portant ironiquement aux nues des écrivains controversés, Pierre Jourde et Éric Naulleau pointent ce qui les exaspère dans la littérature contemporaine. Et pour que le lecteur saisisse pleinement ces (nombreux défauts), les deux auteurs trublions proposent à la fin de chaque chapitre des exercices de réécritures ou d'argumentation. « Rétablissez la syntaxe normale. Profitez-en pour réviser les règles de l'indirect libre. » (p. 20)

Devant le succès commercial de Marc Levy, ils estiment qu'« il n'est pas imaginable que tant de millions de gens puissent avoir un goût déplorable. L'histoire le prouve. » (p. 9) Passons à l'autofiction : « Quant à la vacuité, le lecteur de Christine Angot ne perd en effet rien pour attendre. » (p. 27) Pour ce qui est d'Anna Gavalda, les auteurs portent un jugement définitif sur son écriture : « Encore une expression toute faite. Très important pour donner à un texte cette allure sympa, simple et franche qui attire toute de suite la sympathie. Surtout pas la moindre difficulté. Il faut que ça coule tout seul. » (p. 47 & 48) Finissons avec Alexandre Jardin : « Comme beaucoup de grands écrivains, Alexandre Jardin n'a pas de biographie : sa vie est dans son oeuvre. » (p. 133)

Et ils en ont autant pour Madeleine Chapsal, Philippe Labro, Philippe Sollers, Bernard-Henri Lévy, Marie Darriessecq, Camille Laurens, Patrick Besson, Florian Zeller, Emmanuelle Bernheim et Dominique de Villepin. Il paraît que c'est snob de dire du mal de Musso et consorts. Mais en quoi est-ce snob de dire qu'on préfère un rumsteck à l'échalote plutôt qu'une tranche de jambon blanc allégé et pauvre en sel ? Pierre Jourde et Éric Naulleau n'ont pas de tels complexes et ils nous rappellent que la littérature doit avoir du corps et qu'il est de bon goût d'être fine bouche.

Voilà un ouvrage très drôle et particulièrement féroce qui rappelle au lecteur qu'il ne doit pas se fier aux sirènes corrompues de la grande distribution éditoriale. Pour ma part, je sais que je peux toujours revenir vers mes chers classiques du 19° siècle. La littérature y est bien vivante.

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Approximation, décontextualisation, moquerie, démontage, insinuation, contournement, détournement, lourdeur, légèreté, dédain, férocité, subtilité, farce, tous les moyens sont bons pour Pierre Jourde et Eric Naulleau « dans leur entreprise de nuisance littéraire ».

Il s'agit d'un pastiche « du » Lagarde et Michard, d'où le titre un peu prétentieux « Le » Jourde et Naulleau. Les autoproclamés « tontons flingueurs de la littérature » reprennent la forme du manuel classique : introduction historique et biographique, extraits de textes avec notes, puis questions et parfois corrigé de l'exercice. Mais avec nul sérieux : il s'agit de nous faire rire d'auteurs contemporains jugés légers, prétentieux, maniaques, complaisants ou nombrilistes.

La méthode est faite de second degré et d'ironie constante, ils semblent avoir repris la devise du petit journal : « sans la liberté de flatter il n'est point d'éloge blâmeur ». L'usage des notes de bas de page est particulièrement redoutable : ils font admirer toutes les faiblesses, questionnent les choix douteux, inventent des articles critiques aux titres invraisemblables.

Je ne sais pas si la méthode s'appliquerait partout, mais la façon dont ils questionnent toute rhétorique (définie comme discours volontairement différent de la manière attendue de s'exprimer) a produit sur moi beaucoup d'effet : à leur suite je m'interroge sur toute expression inhabituelle lue ou venue sur mon clavier. Exemple volontaire : l'expression normale est « écrite », le cliché habituel est « sous ma plume » ; « sur mon clavier » a donc une valeur rhétorique consciente ou non, dont il est sain de critiquer l'utilité, après avoir souri des excès de style des auteurs brocardés.

Quand la pâte littéraire leur semble molle, ils l'amincissent au rouleau à pâtisserie, la roulent et la replient, la découpent à l'emporte pièce.
Quand la matière est dure, le grattoir, la roulette et la fraise insistent sur les caries.
Et de la matière il y en a : du simple manque d'idée jusqu'à la faute de syntaxe évidente en passant par le tirage à la ligne, les exemples qu'ils prétendre encenser sont hallucinants, ils ont pourtant été écrits, édités, lus.

J'attendais qu'ils s'en prennent à Houellebecq, qui me semblait une cible désignée, et je me suis demandé si la peur d'un procès les avait arrêtés. Mais non : Naulleau lui a déjà consacré une ouvrage entier.
Au contraire, je craignais qu'ils ne s'en prennent à des auteurs que j'admire, j'aurais probablement moins ri, mais j'ai la chance d'avoir de grosses réticences envers leurs victimes, du moins pour celles que j'ai lues.

On trouve dans les premières pages des critiques faites sérieusement sur une précédente édition de ce livre, elles sont hilarantes : « absence totale de drôlerie », « la confusion constante entre citation et parodie est insupportable d'étourderie » (celui-là n'a pas du lire le même ouvrage que moi). Elles soulignent quand même un aspect polémique : Jourde et Naulleau ne s'en prennent pas qu'aux auteurs qu'ils pensent valoir plus par le marketing que par le style. Ils dénoncent aussi des coteries, des renvois d'ascenseur dans des groupes d'auteurs, de critiques et d'intellectuels. Et ces pages sont pour moi moins drôles, d'autant que, loin de ce milieu et un peu ignare, je ne sais pas si elles sont justifiées.
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Eric Naulleau s'est fait connaître par le grand public en s'attaquant à Michel Houellebeq, bien lui en a pris au vu de la notoriété qu'il a acquise depuis même si ses arguments étaient assez faibles face à l'écrivain le plus dépressif de France.
Ici, il s'allie avec le dénommé Pierre Jourde pour démonter et, par la même occasion, démontrer la médiocrité de certains écrivains d'aujourd'hui pourtant très souvent encensés par la critique.

Ils cisaillent, avec humour et je dois l'avouer une certaine cruauté, l'un des plus gros vendeurs actuel de l'hexagone, Marc Lévy, ce qui n'est pas très difficile quand on regarde son oeuvre au microscope littéraire (le roi du cliché à l'eau de rose).
Bien d'autres y passent comme BHL (que l'on ne présente plus), Philippe Sollers (l'écrivain le plus imbu de sa personne), Anna Gavalda (qu'on ne me reprendra plus à lire), Christine Angot (au style tellement dynamité qu'il n'en reste presque rien, que du vide) etc...

A lire tout ceci, on se demande comment cela est possible, que les critiques littéraires laissent passer tant de fautes de goût et de plume à la trappe de la bienséance qualitative.

Je me suis même amusé à réécrire à ma façon un paragraphe d'Anna Gavalda. Voici le sien :

« Telle que vous me voyez, là, je marche dans la rue Eugène-Gonon.
Tout un programme.
Quoi, sans blague ? Vous ne connaissez pas la rue Eugène-Gonon ? Attendez, vous me faites marcher, là ?
C'est une rue bordée de petites maisons en meulière avec des petits jardins en pelouse et des marquises en fer forgé. La fameuse rue Eugène-Gonon.
Mais si ! Vous savez, Melun... Sa prison, son brie qui gagnerait à être mieux connu et ses accidents de train.
Melun.
Sixième zone de carte orange.

J'emprunte la rue Eugène-Gonon plusieurs fois par jour.
Quatre en tout.
Je vais à la fac, je reviens de la fac, je mange, je vais à la fac, je reviens de la fac.
Moi à la fin de la journée je suis crevée. »

Et voici ma version :

« J'ai arpenté tant de fois la rue Eugène-Gonon de Melun que j'en connais ses moindres recoins. Ses maisons en meulière aux petits jardins en pelouses et ses marquises en fer forgé que je connais par cœur.
Je l'emprunte quatre fois par jour pour me rendre à la fac pareil à un yoyo ne cessant mécaniquement de descendre et de remonter, à n'en plus finir.
À tel point qu'à la fin de la journée je suis exténuée, fatiguée. »

On pourrait faire de même avec chaque écrivain cité dans ce livre.

Gilles Deleuze disait, dans son abécédaire enregistré aux alentours de 1988, que la littérature contemporaine ne l'intéressait pas, parce que pour lui, elle était corrompue par le marketing et les prix littéraires. Je suis tout à fait de son avis.
C'est une bonne chose de lire, encore faut-il lire des livres de qualité, autrement lire et ne pas lire reviendraient au même, ce livre me montre l'évidence de ce que j'avance.
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Lagarde et Michard nouvelle version !
Version : on décapite les succès littéraires actuels avec verve et drôlerie !
Implacablement, drôle et jouissif !
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Version actualisée de la parodie du Lagarde et Michard, avec un choix plus large de têtes de turc, mais toujours aussi drôle. Ils savent appuyer là où ça fait mal ! J'ai particulièrement souri à la lecture des chapitres BHL et Sollers. En ce qui concerne d'autres auteurs, j'ai bien compris qu'il y a peu de chance que j'apprécie un jour les romans d'Alexandre Jardin, Camille Laurens, Madeleine Chapsal, Marc Levy et autres...
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Voici un classique de la grande critique littéraire à lire absolument. Bien sûr il y a de la mauvaise foi et une pointe de méchanceté là-dedans, et alors, ça ne fait pas de mal de lire des écrits de caractère.
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Il n'est nul besoin d'avoir lu les quinze auteurs qui se font joyeusement étriller dans ce précis de littérature : de nombreuses citations sont offertes à notre curiosité. On est amusé, mais aussi horrifié par les travers de ces écrivains contemporains : mièvres, narcissiques, obsédés, idiots, méprisants, grotesques, abscons, abrutis...
Si la critique est aisée, Jourde et Naulleau savent se renouveler afin de ne pas nous infliger quinze fois le même pensum.
Une lecture très réjouissante qui évitera de perdre son temps avec celle de certains cadors du métier !
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