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EAN : 9782841161676
61 pages
Cheyne (18/02/2011)
4/5   16 notes
Résumé :

Mais qui est donc Carcasse, personnage aussi fragile qu'obstiné, qui se tient debout sur un seuil, dont on ne sait rien sauf qu'il voudrait le franchir et qu'il ne sait ni pourquoi ni comment le faire ? Curieux personnage vide, au nom improbable et sans fonction, mais qui vit intensément, riche paradoxalement de désirs, d'attentes, de craintes, de refus. C'est comme s'il n'existait pas encore tout à fait et pourtant, comme on dit, il s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'ai eu le plaisir de retrouver ici Mariette Navarro, cette autrice après avoir été sous le charme de son étonnant premier roman, Ultramarins, qui m'avait fait la connaître en tout début d'année.
Alors Carcasse est un texte beau et insolite qui m'a cueilli au bord d'un seuil.
Ne comptez pas sur moi pour vous dire qui est Carcasse. Je ne le sais pas, pas plus que vous, pas plus peut-être que ne le sait sans doute l'autrice. Et c'est tant mieux.
Mariette Navarro nous invite à la rencontre de Carcasse, étrange personnage dont on ne sait s'il est une femme ou un homme, s'il est un enfant, un adulte ou un vieillard, un être humain sûrement, une sorte de silhouette croisée au bord d'un seuil...
Personnage tour à tour drôle et tragique, au nom improbable, à l'absence d'histoire, de fonction, mais qui nous apparaît intense, vivant intensément au bord de ce seuil, ressentant intensément les choses...
Le texte nous entraîne au bord de ce seuil. Mais quel est ce seuil ? Est-ce une invitation, le bord d'un précipice, une ligne de partage des eaux, le passage entre deux mondes, un seuil réel ou simplement symbolique...
Carcasse se tient sur ce seuil sans oser ou sans pouvoir le franchir. Peut-être est-il possible que Carcasse ne sache pas dire la raison de sa présence sur ce seuil ?
il y a sans doute plusieurs lectures possibles à cela.
Alors Carcasse, aux prises avec le monde, avec les autres, avec son époque, se tient là immobile devant nous, riche paradoxalement de désirs, d'attentes, de craintes, mais aussi de refus.
Toute la subtilité est dans ce titre qui interpelle, énigmatique, Alors Carcasse. Mariette Navarro aurait pu tout simplement l'intituler Carcasse, mais cela n'aurait pas suffi à dire l'élan, le défi, l'hésitation, l'ouverture à un monde encore inconnu...
Oscillant, proche du vide, Carcasse semble vivre au bord de ce seuil.
Petit à petit la pression des autres montent comme une vague, car Carcasse, figure immobile au bord de ce seuil, qui vit sa vie et ses sensations, qui ne s'intègre pas au mouvement et au rythme du monde, au rythme des autres, Carcasse devient dérangeant.
Alor il y a cette présence qui est aussi une résistance, résistance aux conventions, aux idées reçues, aux choses si bien apprises, à un système...
Le texte se révèle être à lui seul une expérience insolite, audacieuse, frôlant l'exercice de style sans l'être du tout, bien au contraire.
Bien sûr la forme du texte est tout d'abord déroutante.
Plusieurs paragraphes se succèdent, comme des litanies, scandées dans une clameur qu'on pourrait imaginer théâtrale, chaque paragraphe devient une variation, c'est une lecture qui permet de déplacer les points de vue, un point de vue différent dans l'immobilité et le silence de Carcasse.
On peut tout imaginer à partir de rien, à partir de nos points de vue, de nos représentations, de notre propre expérience de l'existence. C'est en cela que ce texte a une portée personnelle, touchant à l'intime et résonnant malgré tout dans l'écho universel.
Est-ce enfant sur une cour de récréation ?
Est-ce un homme au bord d'un précipice ?
Est-ce un résistant sur le front d'un conflit ?
Est-ce quelqu'un de malade dans l'entrebâillement d'une chambre ?
Est-ce un timide devant l'amour ?
Est-ce quelqu'un de différent des autres, dont la différence dérange, n'est pas acceptée ?
Est-ce chacun de nous ? Est-ce l'autre que nous affrontons ?
Est-ce toi ? Est-ce moi ?
Ce sont des portes multiples qui s'ouvrent au bord de ce seuil vertigineux.
Un texte qui a une portée incroyablement poétique,
Politique aussi.
Le centre de ce texte c'est aussi le corps ;
Carcasse ne bouge pas, ne semble pas bouger,
Le monde semble bouger autour de Carcasse qui ne bouge pas, nous sommes tantôt ce personnage oscillant sur lui-même, tantôt nous devenons le monde qui observe Carcasse oscillant sur son immobilité.
C'est l'histoire d'un corps qui se ploie, se déploie, se replie sur lui-même par la pression des autres. C'est l'histoire presque d'une naissance, découverte du monde, épanouissement, quelque chose qui va ensuite se resserrer, se refermer, souffrir peut-être, s'oublier qui sait...
C'est la force de ce texte aux apparences absurdes. Il se passe des milliers de choses dans ces variations presque imperceptibles, à l'intérieur du propre corps de Carcasse.
Un texte fait de tensions, un texte qui explore ces tensions, ces contradictions, la recherche d'un équilibre des forces, d'une survie peut-être dans l'équilibre des tensions qui s'exerce entre un individu et les autres, le groupe et les pressions que celui-ci exerce.
C'est une ode à la différence dans une écriture incroyablement poétique. Plaidoyer contre les préjugés, comment ne pas voir alors dans les oscillations de ce texte insolite une portée politique ?
J'ai vacillé au bord de ce texte, j'ai été enivré de ses oscillations, sa transgression, sa capacité de résistance, l'invitation à être autre, ses impossibles mouvements auxquels il m'a invité.
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Il me semble que Carcasse, c'est nous si on disait vrai, si on disait nu. Si on n'essayait pas de comprendre, mais juste de dire ce qui nous arrive, de l'intérieur et de l'extérieur, sans s'occuper de ce à quoi ça ressemble vu de l'extérieur. de rester au stade premier des mots, au stade où ils ne sont langage que pour nous-mêmes, que pour nous dire à nous-même ce qui nous arrive, et que c'est après seulement, après qu'on se serait fait par les mots, que l'autre pourrait entrer en langage avec nous. Mais ça n'est pas possible, puisque le langage nous arrive justement par l'autre, et Carcasse n'entre en langage avec personne, et si c'est l'histoire d'une naissance par les mots, d'une autonaissance, sans autre quel qu'il soit, c'est aussi celle du plus rapide et du plus irrémédiable malentendu. C'est le premier livre écrit par Mariette Navarro, qui a animé un atelier d'écriture avec une détermination et une délicatesse infinies en août 2014, aux Lectures sous l'arbre de Cheyne Editeur.
http://www.lectures-sous-larbre.com/
http://petit-oiseau-de-revolution.eklablog.com/
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Carcasse, c'est ce type qui se tient sur son palier, juste devant la porte, les pieds rivés au sol. Il rappelle les Culbuto de notre enfance, ces figurines de jeu au socle lourd, qui ne pouvaient de fait se déplacer, ne se mouvoir que d'avant en arrière à partir du bassin, ou sur le côté. Dès la première phrase, nous sentons bien que cette immobilité ne date pas d'hier, puisque nous prenons la vie de Carcasse en cours : « Plusieurs aussi sont là, au beau milieu de leur époque, mais Carcasse particulièrement est au seuil ». Carcasse déploie de grands efforts pour avancer, rien n'y fait. Alors il souhaite se propulser en hauteur, mais le plafond l'en empêche, il ne peut se grandir un peu plus. Il pourrait se recroqueviller sur lui-même, pourquoi pas, mais il se rétrécirait comme il rétrécirait sa propre estime.



Alors Carcasse reste figé là, devant cette porte, et le pire est qu'il y paraît heureux. Il observe le monde autour de lui, les « Plusieurs autour » qui entament certains paragraphes de ce petit roman poétique et sensoriel. Carcasse accomplit un voyage intérieur, au coeur de lui-même, étranger au monde qui l'entoure, un voyage de l'esprit dans une totale immobilité, avec ses pieds scellés au sol. Voyage sensitif durant lequel Carcasse s'agite sans bouger, comme absent de son corps. Et les « Plusieurs autour » qui en viennent à le regarder drôlement, de plus en plus ostensiblement.



« Alors Carcasse » est une oeuvre tout en finesse contre les préjugés sur la différence. le personnage de Carcasse peut rappeler fortement certaines figures de Samuel BECKETT par sa description, ceux qui attendent on ne sait quoi, qui stagnent, qui restent dans une pièce, voire sur un lit. « C'est qu'il faudrait maintenant beaucoup de force, pour faire descendre Carcasse du sommet de ses pieds ».



Carcasse est ce colosse aux pieds d'argile qui « efface ses propres traces avant de les avoir laissées ». Ce roman est aussi un conte, un peu onirique, au style très choyé, petit bijou distillant l'humour. Carcasse est ce personnage qui ne parle pas, ne bouge pas (du moins pas à partir du bas de son bassin), mais qui sait paraître tendre et attachant. « Alors Carcasse » est sorti dans la magnifique collection Grands Fonds de chez Cheyne éditeur en 2011, il vous séduira par sa tendresse et sa sensibilité autant que par son absurdité poétique.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
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Texte court qui ressemble à une expérience littéraire, Alors Carcasse nous fait entrer dans Carcasse, personnage sur le seuil d'on ne sait quoi et qui, évaporé, disséminé, se rassemble peu à peu mais de manière déséquilibrée dans son corps - de vaporeux il devient solide mais trop lourd, puis immense, puis se retire et ressent tout de manière extrême, au point de ne percevoir que lui même dans toutes ses dimensions, comme s'il cherchait les imites de son corps et de l'espace. On peut voir beaucoup de choses dans ce beau texte étrange et parfois à bout de souffle. A lire en une traite.
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L'écriture, un peu déroutante, possède un certain souffle. le théâtre n'est pas loin : c'est une sorte de monologue visuel à la 3ème personne décrivant Carcasse et ses gestes singuliers dans un monde où l'on doit faire comme les autres.
Ce n'est pas une vision très optimiste... mais plusieurs passages ont résonné en moi, sûrement parce que les mots disent bien des sensations connues d'une manière ou d'une autre.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Alors Carcasse se tient là, ouvre et ferme les yeux pour faire le point, en dehors et en dedans, et cela légèrement fait tanguer Carcasse, la lumière qui rentre ou ne rentre plus et dessine des mouvements. Et cela doucement soulève le cœur, quand une forme au loin passe à grande vitesse, quand un espace entier est masqué par une ombre et disparaît, ou revient en plein jour. Et cela doucement étourdit l'esprit, quand deux couleurs soudain font contraste, quand il faut plier les yeux, quand un reflet vise la pupille, dilate, rétracte et fait s'humidifier les cils. Parfois, écarquiller permet de fixer le mouvement, mais rapidement cela pique, de rester l'œil au vent sans y coller de barrière, cela blesse légèrement et il faut tirer sur soi les paupières. Alors Carcasse replie sur ses yeux toute la peau du visage comme un drap le matin et frissonne, et part en dedans tente de fixer les images, les impressions sur sa rétine encore flottant là, encore racontant l'extérieur et les zones tranchées de bleus, de rouges et de lumière trop blanche, encore racontant qu'autour d'autres sont là et tracent des mouvements.
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Et Carcasse se blottit dans Carcasse pour protéger au moins l'intérieur, et l'organisation neuve de ses organes et de ses flux. Pour ne pas se laisser découper, comme ça, entièrement en lames et enfermer dans les méfiances. Et sonne l'alarme dans Carcasse, rappelant à l'intérieur, rapatriant, Carcasse, tout ce qui s'étalait trop loin et prenait des libertés trop grandes. Tout ce qui se prenait pour autre chose que Carcasse. Tout ce qui était trop dissipé. Et chantonne moins fort Carcasse dans la peur retrouvée, et s'élève moins haut, et rayonne moins loin dans l'atmosphère autour presque glaçante redevenue. Alors tremblote la lumière Carcasse et n'éclaire plus grand chose. Alors se tapit Carcasse dans l'ombre de tout par prudence. Alors produit plutôt un peu d'obscurité Carcasse, pour se faire oublier un moment, le temps de reprendre son souffle au moins, et de reprendre contenance. S'éteint de soi-même dans l'humanité Carcasse pour ne pas se faire repérer. Efface ses propres traces avant de les avoir laissées.
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Alors Carcasse se tient là, et presse en pensée les boutons de sa propre explosion, et si rien ne se passe cela ne veut pas dire que ce ne sont pas en jeu des forces irrémédiables et dans Carcasse des éboulements et des coulées de boue et la mise en branle de continents entiers, et l'émergence de montagnes encore invisibles à l'œil nu de plusieurs autour et qui croient pourtant voir. Et si rien ne se voit cela ne veut pas dire que des gouffres immenses ne sont pas comblés par des masses nouvelles et surgies dans Carcasse par un ébranlement soudain, et que des territoires ne se dessinent pas, aux couleurs terribles et sombres, cherchant à déchirer la peau pour avoir un accès au ciel.
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On dit que les malheurs se préparent longtemps avant qu'on ne les voie, on dit qu'ils nous repèrent dans l'ombre des chemins et se font un plaisir de nous fondre dessus, on dit qu'on est toujours le dernier à savoir, ce qui de derrière soi se prépare à surgir, quand en face d'autres peut-être voient et attendent et se taisent. Ce qui viendrait naturellement serait: courir de toutes ses jambes, vers n'importe où, comme cela vient, l'inconnu de devant est toujours moins sauvage que celui qui surgit dans le dos.
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Tiens, c'est période éparpillée se dit Carcasse, c'est période volage et éclatée et floue. C'est période de grands vents et de courants contraires dans Carcasse et tout autour, mais moi au bord de mon époque on attend du resserrement je me trompe ? (p. 8)
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Videos de Mariette Navarro (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mariette Navarro
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Léonor de Récondo se prêtait à l'exercice de la criée en conseillant le livre de Mariette Navarro : Ultramarins
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