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Sarah Laberge-Mustad (Traducteur)
EAN : 978B09HL419TX
Mémoire Encrier (18/10/2021)
4/5   5 notes
Résumé :
Daniel a disparu trois mois, deux jours, huit heures après son anniversaire. Il avait trois ans. C’était mon fils.

Un enfant kidnappé. Deux femmes. Celle qui l’a perdu et celle qui l’a volé. À la suite de l’enlèvement de Daniel, sa mère est désemparée, hantée par sa propre ambivalence : voulait-elle être mère ? De l’autre côté de Mexico, dans un quartier populaire, la femme qui a enlevé Daniel voit sa vie bouleversée par cet enfant, dont elle a tant r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'enfant perdu et l'enfant trouvé

Ce roman puissant, signé de la mexicaine Brenda Navarro, qui retrace le parcours d'une femme dont l'enfant de trois ans a disparu. Une chronique de la violence ordinaire, mais aussi un cri de rage.

Premier ouvrage à paraître dans une collection qui entend nous faire découvrir les voix d'Amérique latine, ce roman qui commence très fort: «Daniel a disparu trois mois, deux jours, huit heures après son anniversaire. Il avait trois ans. C'était mon fils. La dernière fois que je l'ai vu, il se trouvait entre la balançoire et le toboggan du parc où je l'emmenais les après-midis. Je ne me souviens de rien d'autre.» On imagine le traumatisme, le sentiment de culpabilité et la dépression qui peuvent accompagner cette mère indigne qui n'a pas su surveiller ce fils qui désormais la hante. «C'est quoi un disparu? C'est un fantôme qui nous poursuit comme s'il faisait partie de notre corps.»
Les jours passent et aucun signe de vie ne vient la rassurer. Pas davantage que son entourage, à commencer par Fran, le père de Daniel et l'oncle de Nagore, qui désormais partage leur vie. «La soeur est morte, assassinée par son mari, voilà pourquoi Fran nous a imposé la garde de Nagore. Je suis devenue la mère d'une fille de six ans, alors que Daniel était déjà dans mon ventre.» Vladimir, son amant, n'est pas non plus apte à la libérer de son obsession. Après tout, il n'est guère différent des autres hommes qui ont traversé sa vie. Rafael, le premier, buvait et était violent.
Cette violence que l'on peut considérer comme le fil rouge de ce roman. Violence conjugale d'abord avec les coups qui pleuvent jusqu'à donner la mort. Comme dans cette scène où Nagore assiste ainsi à l'assassinat de sa mère par son mari. Violence sociale ensuite quand sur un chantier une bétonnière se casse et enterre vivant deux ouvriers, dont le frère de la narratrice. Les patrons, pour se dédouaner, affirmeront qu'il ne s'est pas présenté au travail. Violence et vengeance enfin, quand elle croise un joli garçon blond qui joue dans un bac à sable: «Je me suis encore rapprochée. Comme si je voulais le sentir. J'ai ouvert le parapluie rouge et, je ne sais pas comment, ni avec quelle force ou dans quel élan de folie, j'ai attrapé Leonel. Je me suis dirigée en courant vers l'avenue, où je suis montée dans le premier taxi que j'ai croisé et je suis partie avec l'enfant qui s'est mis à pleurer. Je me retournais constamment, mais le taxi a continué sa route. C'est comme ça que tout a commencé.»
Engrenage infernal, basculement vers la folie...
Brenda Navarro utilise des phrases courtes, un style percutant qui épouse parfaitement son propos. C'est dur, parfois cru, et c'est un miroir de cette société laissée pour compte qui ne peut répondre à la violence que par la violence.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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« Daniel a disparu trois mois, deux jours, huit heures après son anniversaire. Il avait trois ans. C'était mon fils. La dernière fois que je l'ai vu, il se trouvait entre la balançoire et le toboggan du parc où je l'emmenais tous les après-midis » (incipit).

Deux femmes racontent l'histoire de cette vie, dans une alternance des propos, la mère biologique et la mère de substitution. Zone favorisée et zone populaire de Mexico. Elles abordent leur envie de maternité, leurs doutes, leurs peurs, leurs regrets, leur couple, leur famille, leur passé, leur présent, leur futur, leurs réussites, leurs défaites, avec toujours, en arrière-plan Daniel/Leonel.

Le texte est très beau, ciselé, rythmé. « Respire, respire, respire ». Ces deux femmes sont marquantes, omniprésentes, changeantes. Les questions sont universelles, déroutantes, fréquentes.

On s'attache à la mère biologique : « Convaincue que mon corps était le reflet de mon état d'âme, j'ai attendu que les maladies se manifestent. Cependant, j'étais incapable de voir ma propre image, aujourd'hui encore, je fuis les miroirs, je n'aime pas voir qui je suis ».

On s'attache à la mère de substitution : « Pourquoi il faisait croire qu'il avait disparu, avec sa photo sur les affiches ? Il n'avait pas disparu, je prenais soin de lui, je faisais de lui mon fils. Une personne disparue est une personne qui n'existe plus, mais lui, il existait. Pourquoi il me faisait ça ? »

On ne sait pas, on ne sait plus, comment cela peut finir, et pourtant, quel dénouement magistral nous offre l'autrice, à la hauteur de son roman.

Mémoire d'Encrier, qui se consacre à donner une vision différente de la littérature Outre-Atlantique, crée une nouvelle collection, espace des voix littéraires de l'Amérique latine d'aujourd'hui, inaugurée par Maisons vides.

Maisons vides est le premier roman de Brenda Navarro et il est déjà traduit dans une dizaine de langues.

Des débuts très prometteurs, sans conteste à découvrir !
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Un livre qui ne laisse pas indifférent. Ici les mots sont écrits à la serpe. On ne va pas vous prendre par la main. L'auteur parle de la vie, la vraie et ne passe pas par quatre chemins. La maternité est abordée dans ses recoins les plus sombres. Un livre bouleversant et vraiment réussi.
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
« Daniel a disparu trois mois, deux jours, huit heures après son anniversaire. Il avait trois ans. C’était mon fils. La dernière fois que je l’ai vu, il se trouvait entre la balançoire et le toboggan du parc où je l’emmenais les après-midis. Je ne me souviens de rien d’autre. Ou plutôt si, je me souviens d’avoir été triste parce que Vladimir m’a annoncé qu’il partait, parce qu’il ne voulait pas tout brader. Tout brader, comme quand on vend quelque chose de précieux pour deux pesos. Ça, c’était moi quand j’ai perdu mon fils, celle qui de temps en temps, après quelques semaines, se débarrassait d’un amant furtif lui ayant offert en cadeau, parce qu’il avait besoin d’alléger son pas, des plaisirs sexuels à rabais. L’acheteuse arnaquée. L’arnaqueuse de mère. Celle qui n’a rien vu.

Je n’ai pas vu grand-chose. Qu’ai-je vu ? Je cherche parmi la chaîne de souvenirs visuels le plus petit fil conducteur qui me mènerait, ne serait-ce qu’une seconde, à comprendre à quel moment. À quel moment ? Lequel ? Je n’ai plus revu Daniel. À quel moment, à quel instant, entre quels petits cris étouffés d’un corps de trois ans est-il parti ? Qu’est-il arrivé ? Je n’ai pas vu grand-chose. Et bien que j’aie marché entre les gens en répétant son nom, je n’entendais plus rien. Des voitures sont-elles passées ? Y avait-il plus de monde ? Qui ? Je n’ai plus revu mon fils de trois ans.
Nagore sortait de l’école à deux heures de l’après-midi, mais je ne suis pas allée la chercher. Je ne lui ai jamais demandé comment elle était rentrée à la maison ce jour-là. En fait, nous ne nous sommes jamais demandé si l’un de nous était rentré ce jour-là, ou si nous étions tous partis dans les quatorze kilos de mon fils sans jamais revenir. Et jusqu’à aujourd’hui, aucune image mentale ne me donne la réponse.
Après, l’attente : moi, affalée sur une chaise crasseuse du bureau du ministère public, là où Fran m’a récupérée plus tard. Nous avons attendu les deux, et même si nous avons fini pour nous lever et que notre vie à continué, notre esprit est toujours là, à attendre des nouvelles de notre fils.

J’ai souvent souhaité qu’ils soient morts. Je me voyais dans le miroir de la salle de bain et je m’imaginais me regardant pleurer leur mort. Mais je ne pleurais pas, je retenais mes larmes et mon visage redevenait neutre, au cas où je n’aurais pas été assez convaincante la première fois. Alors je me replaçais devant le miroir et je demandais : qu’est-ce qui est mort ? Comment, qu’est-ce qui est mort ? Qui est mort ? Les deux en même temps ? Ils étaient ensemble ? Ils sont morts, morts, ou c’est une histoire inventée pour me faire pleurer ? Qui es-tu toi, toi qui m’annonces qu’ils sont morts ? Qui, lequel des deux ? Et moi, j’étais ma seule réponse face au miroir, à répéter : qui est mort ? Que quelqu’un soit mort, s’il vous plaît, pour ne plus sentir ce vide. Et face à cet écho silencieux, je me disais les deux : Daniel et Vladimir. Je les ai perdus les deux en même temps, et les deux, sans moi, sont toujours en vie quelque part dans ce monde.
On peut tout imaginer, sauf se réveiller un matin avec le poids d’un disparu sur les épaules. C’est quoi un disparu ?
C’est un fantôme qui nous poursuit comme s’il faisait partie de notre corps.
Même si je ne voulais pas être une de ces femmes que les gens regardent dans la rue avec pitié, je suis souvent retournée au parc, presque tous les jours, pour être exacte. Je m’asseyais sur le même banc et repassais tous mes mouvements en mémoire : le téléphone dans la main, les cheveux dans le visage, deux ou trois moustiques qui me pourchassaient pour me piquer. Daniel, avec un, deux, trois pas et son rire bête. Deux, trois, quatre pas. J’ai baissé les yeux. Deux, trois, quatre, cinq pas. Là. J’ai levé les yeux vers lui. Je le vois et je retourne à mon téléphone. Deux, trois, cinq, sept. Aucun. Il tombe. Il se relève. Moi, avec Vladimir dans l’estomac. Deux, trois, cinq, sept, huit, neuf pas. Et moi, tous les jours, derrière chaque pas : deux, trois, quatre… Et ce n’est que lorsque Nagore me dévisageait avec honte parce que je me trouvais encore là, entre la balançoire et le toboggan, à empêcher les enfants de jouer, que je comprenais tout : j’étais devenue une de ces femmes que les gens regardent dans la rue avec peur et pitié.
D’autres fois, je le cherchais en silence, assise sur le banc, et Nagore, à côté de moi, croisait ses jambes et restait muette, comme si sa voix était coupable de quelque chose, comme si elle savait d’avance que je la détestais. Nagore était le miroir de ma laideur.
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Je n’ai pas vu grand-chose. Qu’ai-je vu ? Je cherche parmi la chaîne de souvenirs visuels le plus petit fil conducteur qui me mènerait, ne serait-ce qu’une seconde, à comprendre à quel moment. A quel moment ? Lequel ? Je n’ai plus revu Daniel. A quel moment, à quel instant, entre quels petits cris étouffés d’un corps de trois ans est-il parti ? Qu’est-il arrivé ? Je n’ai pas vu grand-chose.
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On ne ressent pas toujours de la haine. On n’a pas toujours envie de pleurer. Ce n’est que de temps en temps que les vieilles blessures se rouvrent à la moindre occasion. Un matin, on peut croire que ça va aller mieux, et un autre on sait que ce ne sera pas le cas. On perd espoir et on vit avec un poids dans l’estomac qui n’a rien à voir avec la digestion. Une bosse dans l’appareil digestif, une boule qui nous empêche de manger même si on a faim, une entaille qui nous empêche de boire parce qu’elle brûle. On ne ressent pas toujours de la haine. On n’a pas toujours envie de pleurer.
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Le couvercle d’une cocotte-minute qui bouge de quelques millimètres, juste assez pour que la vapeur nous brûle. On ne penserait pas que la vapeur brûle, parce que ce n’est pas du feu, parce qu’elle n’est pas solide, mais elle brûle, comme les rires dans la tête, une vapeur qui brûle et se répand quand elle sort, et là, on ressent de la haine. On ressent de la haine à rire malgré soi.
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Il m’a dit, si tu veux être mère, tu vas le faire comme il faut, même si le petit est débile. Il est pas débile, sois pas idiot. Et par idiot, ce que je voulais dire c’est que c’était impossible qu’il ne se rende pas compte que j’avais amené Leonel dans notre vie pour que nous formions une famille, pour qu’il l’aime, pour que lui aussi s’en occupe et peut-être que si, peut-être que si Leonel était autiste c’était pour le punir de ne pas m’avoir fait ma fille, ça aurait été si facile…
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