J'ai terminé ce roman le ventre noué, les tripes retournées, en pleine nuit à 1h55 du matin. Mon ressenti est donc tout frais et vif. Mon sentiment sur l'oeuvre de
Fatou Ndong est celui-ci :
Au départ, je me suis laissée avoir par une écriture toute en simplicité, un peu froide, quelque fois distanciée des personnages. J'ai pensé que je n'aimerais peut être pas. Pourtant l'un des avantages de ce roman c'est qu'il se lit vite et avec plaisir tant les chapitres sont courts et les points de vue alternent entre chaque personnage à un bon rythme.
Quand je dis chaque personnage, on passe tour à tour de points de vue des frères jumeaux Sean, Sebastian, ou encore des points de vue des femmes Madeleyn, Meggie, Betti Sue, les mères, le père
Paul Harper... ce qui enrichit fortement le roman qui aurait pu s'avérer plus ennuyant s'il n'y avait pas ces changements de perspectives.
Le roman est riche de belles illustrations et d'un lexique explicatif ainsi que notes intéressantes et éclairantes pour qui ne s'y connaîtrait pas, bien que pour ma part, j'ai réalisé que j'avais bien étudié le sujet depuis la fac d'anglais et mes lectures autour de ces thèmes de la ségrégation, du racisme et du postcolonialisme.
Les différentes dimensions entre Blancs et Noirs, rendent le roman extrêmement subtil et intéressant. Nous voici plongés dans une époque, pas si lointaine que cela, dans les années 60, où régnaient la plus terrible des ségrégation contre les noirs et les lois Jim Crow (interdisant les Noirs de s'asseoir au même endroit que les Blancs par exemple...). Je savais, en m'attelant à la lecture de ce roman, que je n'allais pas lire quelque chose de facile.
Au début du livre, j'ai cru que l'histoire allait tourner autour d'une romance compliquée. Mais il n'en est rien. Si la romance entre un Blanc et une "Nègre" est centrale et essentielle dans ce roman, elle est le pilier autour duquel tournent les sous-intrigues qui mettent en tension une histoire aux aspects plus complexes qu'il n'y paraît. Et si certains s'imaginent que le racisme est d'une simplicité à décrire ou que les méchants sont trop manichéens dans ce roman, je leur répondrai que non. Non. le racisme dans un roman n'est pas quelque chose de simple à décrire. Et la violence des sentiments qui oppose les deux frères Sean et Sebastian est très bien construite. le père Paul Carter est tiraillé entre des idées plus socialistes et ouvertes d'esprit et le sens du devoir et de la loi qui sépare les Noirs des Blancs. Trent, soupirant de Madeleyn, prêche pour sa paroisse, n'excluant pas la violence contre les Blancs tout comme un
Malcolm X. le personnage de
James Carter, le "méchant" dans le roman, vient contrebalancer toutes les figures d'espoir en l'être humain qui jailliraient chez l'un ou chez l'autre.
James Carter est le Mal, mais finalement, son idéologie sera rattrapée par son passé mystérieux.
La fin m'a beaucoup surprise et j'ai été bouleversée par les dernières lignes. Si certains passages du roman semblent désespérés, sombres et terrifiants, sans poésie ni lyrisme aucun, ce qui peut paraître repoussant de prime abord, l'histoire d'amour est très belle, très profonde, romantique, et les dialogues entre Madeleyn et Sebastian sont émouvants, touchants.
À chaque page, on a la peur imperceptible de la fatalité, du danger de mort qui règne sur la tête des Noirs comme celle des Blancs qui fréquentent des Noirs. C'est bien ce sentiment d'avoir une épée de
Damoclés au dessus de ma tête que j'ai ressenti tout au long de ce livre, sans jamais en deviner l'issue un seul instant, bien que je ne doutais pas qu'elle fut aussi obscure que cette période d'une cruauté et d'une atrocité sans nom. Une lecture qui s'impose, lorsqu'on veut prendre conscience de cette époque révolue et pourtant encore si présente dans les mémoires des peuples, dans les attitudes de certains encore aujourd'hui. Les traces du racisme radical du Ku Klux Klan ne peuvent nous laisser indemnes et insouciants.
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