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Après une longue étape algérienne en compagnie de Boualem Sansal et de Kamel Daoud, deux auteurs éminemment courageux, l’envie était grande de franchir la frontière marocaine, de faire halte dans la cité ocre : l’éblouissante Marrakech. C’est au cœur de la médina dans un immeuble d’un seul étage du nom de Dar Louriki que Mohamed Nedali, un auteur du cru, présente à tour de rôle les protagonistes de “La maison de Cicine”. L’islamisation des esprits est le thème central de ce roman paru en 2010. Fort heureusement il n’est pas nécessaire de connaître les cent quatorze sourates du Coran ni d’avoir en mémoire les quatre mille hadiths certifiés pour goûter à un réel plaisir de lecture. L’étude approfondie d’une religion est source de satisfaction morale, spirituelle, culturelle. L’envie d’en faire profiter son prochain est légitime mais là où le bât blesse est que ce désir de partage relève parfois de procédés arbitraires. C’est précisément ce qui arrive à Dar Louriki, l’immeuble dépourvu de confort, où le propriétaire a réservé les quatre chambres de l’étage à des familles alors que le rez-de-chaussée est occupé par des célibataires masculins. Deux étudiants en cours islamiques, sitôt installés, se signalent par leur étroitesse d’esprit et polluent le voisinage par l’observance rigoriste des préceptes de leur religion. Leur chambre, décorée d’un portrait d’Oussama ben Laden, est devenue chaque soir le lieu de rassemblement de leurs congénères. Prêches et psalmodies s’entendent jusqu’à une heure avancée de la nuit, au grand dam des autres locataires gagnés par l’insomnie. Bientôt pourtant seuls Idar, le sculpteur sur bois, et Leïla, son amoureuse aux yeux de houri, résistent aux desiderata des barbus intégristes… Un peu comme dans une auberge espagnole, le lecteur se repère très vite dans “La maison de Cicine”. En observateur attentif des us et coutumes de son pays, Mohamed Nedali donne une image peu reluisante des Marrakchis obnubilés par la religion ou par le sexe voire par les deux à la fois. Le bakchich semble être la norme et la corruption installée à toutes les strates de la société. L’image d'Épinal d’une Marrakech si prisée des touristes est quelque peu écornée par un écrivain inquiet par-dessus tout, comme ses confrères algériens, du pouvoir grandissant des fous de Dieu. + Lire la suite |