Comme le dit la sagesse populaire, tout ce qui ne tue pas rend plus fort… À l'adolescence, elle se teignait en brun, et portait des lunettes fumées, pour essayer de passer inaperçue dans la foule cosmopolite de la capitale. Elle fut néanmoins remarquée, lors d'un bal où l'avait traînée sa mère, par la génitrice intéressée d'un jeune énarque très prometteur, qu'elle épousa (l'énarque, pas la génitrice intéressée) sans avoir vraiment le temps de se demander s'il était le bon, étant donné que sa mère lui signifia, sans trop de ménagement, que vu sa couleur de peau, il risquait d'être le seul, du moins issu d'un milieu approprié.
Ce qui l’intéresse, ce n’est pas tant d’arrêter les malfaisants, ou de protéger les honnêtes citoyens, que de se montrer le plus intelligent en résolvant les énigmes. Et encore, pas toutes ! Une affaire criminelle à résoudre ? Il fonce, mais à condition qu’elle permette de se faire bien voir du Directeur, sinon il la refile au premier commissaire qui passe, laissant une autre brigade se colleter avec le quotidien glauque. Il a un talent vrai pour éviter les coups tordus, ceux dans lesquelles on patauge, et réussir, au contraire, à être toujours sur les bonnes photos, celles des remises de lauriers, qu’il sait recevoir avec l’air modeste qui sied au fonctionnaire qui n’a fait que son devoir.
La guerre des polices existe, notamment dans les romans. Les dossiers en question dataient de plusieurs semaines ou mois, et étaient sûrement enterrés sous un tas de nouvelles affaires de voleurs de poules, mais, à notre avis si nous nous pointions pour en obtenir les détails, la puce allait sauter à l'oreille des mirlitaires, et les inciter à conserver le secret "des fois que". Et nous aurions fait exactement la même chose à leur endroit. Donc, il fallait trouver autre chose. Nous avons eu la chance de tomber sur des brigades importantes, comptant un personnel féminin plus nombreux que dans les toutes petites unités.
Ceux qui veulent du pouvoir viennent à Paris le chercher. Ne dit-on pas « monter à Paris », comme on dit « monter en grade » ? Ceux qui ont le pouvoir sont à Paris, qu’il s’agisse de pouvoir public, de pouvoir privé, et même de pouvoir au culte. Quant à ceux qui paraissent avoir du pouvoir en province, ils n’ont de cesse de venir le montrer dans les salons dorés de la capitale. Seulement, quand on a réussi la double gageure d’être à Paris et d’avoir un peu de pouvoir, même un tout petit bout, c’est à dire au moins une personne à engueuler impunément, il est absolument nécessaire de se fabriquer des racines.
La délinquance en col blanc me débecte, Sénéchal. Le contact de ces mecs pourris de fric, et qui ne trichent que pour s’enrichir davantage me déprimait. Cette chasse là manquait par trop de variété. Toujours le même gibier, toujours le même mobile, et pratiquement toujours les mêmes méthodes. Les seules enquêtes intéressantes concernaient le blanchiment des narcodollars, mais nous agissions seulement comme unité d’expertise pour le compte des stups, ce qui est horriblement frustrant.