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4.33/5   3 notes
Résumé :
Nikolaï Nekrassov (1821-1878), né et mort à Saint-Pétersbourg, poète, écrivain politique, critique et éditeur a souvent été comparé à Dostoïevski avec cette différence cependant que, athée, il ignore le mysticisme et est un révolutionnaire plutôt à la mode occidentale. Ses sujets de prédilection sont les représentations de la vie populaire, et il aboutit toujours à un abîme de sombre désolation. Le Gel au nez rouge est une évocation allégorique de l’hiver russe, le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Nikolaï Nékrassov né en 1821 à Saint-Pétersbourg fut un littéraire tout à fait estimable. Refusant d'endosser le métier des armes, que voulait pour lui son père, pour précisément s'intéresser à la chose littéraire, en particulier la poésie, ce fils rebelle va en faire les frais : il va se retrouver par entêtement livré à lui-même et connaître la misère, la sienne et celle des pauvres. Toute sa vie sera marquée par cette déclinaison envers les malheureux, son opinion politique en léger retrait n'aura de cesse de se focaliser sur la libération des moujiks du servage.

S'intéressant aux autres, à commencer par ses pairs de la littérature, il va d'abord se faire connaître en découvrant Les Pauvres gens de Dostoïevski, ce qui va donner un sérieux coup de pouce à ce dernier propulsé soudainement sur la scène littéraire. Puis, rencontrant sur sa route Panaïev il va prendre les commandes du Contemporain, le fameux Sovremennik, fondé par Pouchkine. Cet échotier va ouvrir ses colonnes à des gens comme Dostoïevski, Tourgueniev, Tolstoï, sans oublier les poèmes de mon cher invité. Je ne sais pas si on s'imagine l'effet de la publication avec des invités de ce calibre sur la jeunesse russe de la bonne société, mais ce sera énorme, et Nekrassov va s'enrichir sans que cela change les thèmes évocateurs qui nourrissent son oeuvre : l'amour, la femme, la mort, la nature, le sort des pauvres gens ..Le même Nekrassof va vouer une admiration sans bornes pour Tolstoï : il sera l'éditeur d'Enfance ..
La revue va s'enrichir de textes français comme ceux de Flaubert et Balzac.

Le Gel au nez rouge, 1863, est l'expression de cela. le mari de Daria est mort dans la neige. Après la cérémonie funèbre, elle va dans la forêt couper du bois pour chauffer son isba. Elle pense à son époux, à sa solitude. Elle se souvient de leur vie, de leurs projets. Alors des rêves à moitié hallucinatoires et ésotériques s'emparent d'elle. Seul le froissement d'un écureuil bondissant sur un pin trouble le silence. un peu de neige tombe sur Daria "figée dans son sommeil enchanté..

Le Gel au nez rouge est un hymne aux humbles et aux humiliés. La femme décrite au coeur de ce poème est la femme russe, l'épouse, la mère, courageuse dans son malheur ..

Nekrassof sera conscient qu'il sera un ton en dessous les géants qu'il repère, il ne se prétendra pas génial, mais il n'aura attendu personne pour écrire sur les pauvres gens. On a prétendu qu'il était proche de Dostoïevski, alors qu'il était descriptif, non empreint de mysticité comme son compatriote, plus versé sur la poésie et ouvert au monde occidental. Son rôle d'éditeur, de traducteur au sein de la société russe fut considérable et fera de lui un artiste et intellectuel en vue de la société du mi-19 è siècle. On dirait aujourd'hui incontournable !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le petit cheval s’est empêtré dans un tas de neige. Deux paires de lapti gelés et l’angle d’une bière recouverte d’une rogoja font saillie dans l’humble charrette. La vieille, les mains dans des gants grossiers, est descendue pour faire marcher le cheval. Elle a des glaçons sur ses cils, à cause de la gelée probablement.
La pensée agile du poète se hâte de devancer la vieille : Enveloppée de neige comme d’un suaire, je sais, dans le village, une petite izba. Dans la première pièce il y a un veau et, sur un banc, près de la fenêtre, un mort. Les enfants, étourdis, sont à leurs jeux. Une femme sanglote silencieusement. En cousant, d’une aiguille exercée, des morceaux de toile pour faire un linceul, elle pleure, et, comme la pluie lente d’un temps brumeux, ses larmes tombent silencieusement.
Il y a trois grands malheurs : épouser une esclave, être mère d’esclaves, se soumettre à un esclave jusqu’à la tombe, et les trois malheurs pèsent sur la femme de la terre russe.
Les siècles ont passé, tout s’efforce vers le bonheur, tout a changé plus d’une fois dans le monde. Dieu n’a oublié qu’une seule destinée : la triste destinée de la paysanne, et, il faut en convenir, le type de la belle et puissante Slave s’abâtardit ; victime des caprices du sort, tu as souffert sans bruit, en secret, et tu n’as laissé ni entendre tes plaintes ni voir ta lutte sanglante. Mais à moi tu diras tout, mon amie ! Nous nous connaissons depuis l’enfance. Tu es l’incarnation de la peur, tu es l’âme éternellement dolente. Celui-là n’a pas de cœur dans la poitrine qui n’a pas versé de larmes sur ton sort.
Cependant, cette histoire de la paysanne, je l’ai commencée pour prouver qu’on peut le trouver, aujourd’hui encore, ce type de la grande Slave.
Il y a dans les villages russes des femmes aux graves et tranquilles visages, avec la grâce de la force dans leurs gestes aisés, avec le port et le regard d’une tsaritza. Un aveugle seul pourrait ne pas les voir, et ceux qui ont des yeux disent d’elles : « Elles passent, tu croirais des astres, et chacun de leurs regards vaut un rouble ». Elles foulent le même chemin que suit le peuple tout entier, mais la boue de leur humble condition semble les avoir respectées. Elle fleurit, la belle, pour étonner le monde ; rose, svelte, de haute taille, belle quel que soit son vêtement, adroite en tout genre de travail. Elle endure le froid et la faim, toujours patiente, toujours égale... Je l’ai vue souvent faucher et chaque coup de faux emporte une meule ! Son foulard a glissé sur l’oreille ; on craint toujours que les nattes se défassent. Un gaillard, en passant, les a soulevées, le mauvais plaisant ! Et les lourdes nattes blondes sont tombées sur la poitrine brunie. Elles se dénouent jusque sur les pieds nus et aveuglent la paysanne. Elle les écarte à deux mains et regarde, d’un air courroucé, le garçon. Le visage est majestueux comme une figure peinte, tout embrassé de confusion et de colère.
Durant la semaine, elle n’aime pas à paresser. Mais vous ne la reconnaîtriez pas quand un sourire de joie a effacé sur son visage le sceau de la peine. Un rire franc comme le sien, des chansons, des danses comme les siennes, cela ne se vend pour or ni pour argent. C’est la joie ! disent d’elle, entre eux, les moujiks.
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Le petit cheval s’est empêtré dans un tas de neige. Deux paires de lapti gelés et l’angle d’une bière recouverte d’une rogoja font saillie dans l’humble charrette. La vieille, les mains dans des gants grossiers, est descendue pour faire marcher le cheval. Elle a des glaçons sur ses cils, à cause de la gelée probablement.
La pensée agile du poète se hâte de devancer la vieille : Enveloppée de neige comme d’un suaire, je sais, dans le village, une petite izba. Dans la première pièce il y a un veau et, sur un banc, près de la fenêtre, un mort. Les enfants, étourdis, sont à leurs jeux. Une femme sanglote silencieusement. En cousant, d’une aiguille exercée, des morceaux de toile pour faire un linceul, elle pleure, et, comme la pluie lente d’un temps brumeux, ses larmes tombent silencieusement.
Il y a trois grands malheurs : épouser une esclave, être mère d’esclaves, se soumettre à un esclave jusqu’à la tombe, et les trois malheurs pèsent sur la femme de la terre russe.
Les siècles ont passé, tout s’efforce vers le bonheur, tout a changé plus d’une fois dans le monde. Dieu n’a oublié qu’une seule destinée : la triste destinée de la paysanne, et, il faut en convenir, le type de la belle et puissante Slave s’abâtardit ; victime des caprices du sort, tu as souffert sans bruit, en secret, et tu n’as laissé ni entendre tes plaintes ni voir ta lutte sanglante. Mais à moi tu diras tout, mon amie ! Nous nous connaissons depuis l’enfance. Tu es l’incarnation de la peur, tu es l’âme éternellement dolente. Celui-là n’a pas de cœur dans la poitrine qui n’a pas versé de larmes sur ton sort.
Cependant, cette histoire de la paysanne, je l’ai commencée pour prouver qu’on peut le trouver, aujourd’hui encore, ce type de la grande Slave.
Il y a dans les villages russes des femmes aux graves et tranquilles visages, avec la grâce de la force dans leurs gestes aisés, avec le port et le regard d’une tsaritza. Un aveugle seul pourrait ne pas les voir, et ceux qui ont des yeux disent d’elles : « Elles passent, tu croirais des astres, et chacun de leurs regards vaut un rouble ». Elles foulent le même chemin que suit le peuple tout entier, mais la boue de leur humble condition semble les avoir respectées. Elle fleurit, la belle, pour étonner le monde ; rose, svelte, de haute taille, belle quel que soit son vêtement, adroite en tout genre de travail. Elle endure le froid et la faim, toujours patiente, toujours égale... Je l’ai vue souvent faucher et chaque coup de faux emporte une meule ! Son foulard a glissé sur l’oreille ; on craint toujours que les nattes se défassent. Un gaillard, en passant, les a soulevées, le mauvais plaisant ! Et les lourdes nattes blondes sont tombées sur la poitrine brunie. Elles se dénouent jusque sur les pieds nus et aveuglent la paysanne. Elle les écarte à deux mains et regarde, d’un air courroucé, le garçon. Le visage est majestueux comme une figure peinte, tout embrassé de confusion et de colère.
Durant la semaine, elle n’aime pas à paresser. Mais vous ne la reconnaîtriez pas quand un sourire de joie a effacé sur son visage le sceau de la peine. Un rire franc comme le sien, des chansons, des danses comme les siennes, cela ne se vend pour or ni pour argent. C’est la joie ! disent d’elle, entre eux, les moujiks.
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Le petit cheval s’est empêtré dans un tas de neige. Deux paires de lapti gelés et l’angle d’une bière recouverte d’une rogoja font saillie dans l’humble charrette. La vieille, les mains dans des gants grossiers, est descendue pour faire marcher le cheval. Elle a des glaçons sur ses cils, à cause de la gelée probablement.
La pensée agile du poète se hâte de devancer la vieille : Enveloppée de neige comme d’un suaire, je sais, dans le village, une petite izba. Dans la première pièce il y a un veau et, sur un banc, près de la fenêtre, un mort. Les enfants, étourdis, sont à leurs jeux. Une femme sanglote silencieusement. En cousant, d’une aiguille exercée, des morceaux de toile pour faire un linceul, elle pleure, et, comme la pluie lente d’un temps brumeux, ses larmes tombent silencieusement.
Il y a trois grands malheurs : épouser une esclave, être mère d’esclaves, se soumettre à un esclave jusqu’à la tombe, et les trois malheurs pèsent sur la femme de la terre russe.
Les siècles ont passé, tout s’efforce vers le bonheur, tout a changé plus d’une fois dans le monde. Dieu n’a oublié qu’une seule destinée : la triste destinée de la paysanne, et, il faut en convenir, le type de la belle et puissante Slave s’abâtardit ; victime des caprices du sort, tu as souffert sans bruit, en secret, et tu n’as laissé ni entendre tes plaintes ni voir ta lutte sanglante. Mais à moi tu diras tout, mon amie ! Nous nous connaissons depuis l’enfance. Tu es l’incarnation de la peur, tu es l’âme éternellement dolente. Celui-là n’a pas de cœur dans la poitrine qui n’a pas versé de larmes sur ton sort.
Cependant, cette histoire de la paysanne, je l’ai commencée pour prouver qu’on peut le trouver, aujourd’hui encore, ce type de la grande Slave.
Il y a dans les villages russes des femmes aux graves et tranquilles visages, avec la grâce de la force dans leurs gestes aisés, avec le port et le regard d’une tsaritza. Un aveugle seul pourrait ne pas les voir, et ceux qui ont des yeux disent d’elles : « Elles passent, tu croirais des astres, et chacun de leurs regards vaut un rouble ». Elles foulent le même chemin que suit le peuple tout entier, mais la boue de leur humble condition semble les avoir respectées. Elle fleurit, la belle, pour étonner le monde ; rose, svelte, de haute taille, belle quel que soit son vêtement, adroite en tout genre de travail. Elle endure le froid et la faim, toujours patiente, toujours égale... Je l’ai vue souvent faucher et chaque coup de faux emporte une meule ! Son foulard a glissé sur l’oreille ; on craint toujours que les nattes se défassent. Un gaillard, en passant, les a soulevées, le mauvais plaisant ! Et les lourdes nattes blondes sont tombées sur la poitrine brunie. Elles se dénouent jusque sur les pieds nus et aveuglent la paysanne. Elle les écarte à deux mains et regarde, d’un air courroucé, le garçon. Le visage est majestueux comme une figure peinte, tout embrassé de confusion et de colère.
Durant la semaine, elle n’aime pas à paresser. Mais vous ne la reconnaîtriez pas quand un sourire de joie a effacé sur son visage le sceau de la peine. Un rire franc comme le sien, des chansons, des danses comme les siennes, cela ne se vend pour or ni pour argent. C’est la joie ! disent d’elle, entre eux, les moujiks.
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Le petit cheval s’est empêtré dans un tas de neige. Deux paires de lapti gelés et l’angle d’une bière recouverte d’une rogoja font saillie dans l’humble charrette. La vieille, les mains dans des gants grossiers, est descendue pour faire marcher le cheval. Elle a des glaçons sur ses cils, à cause de la gelée probablement.
La pensée agile du poète se hâte de devancer la vieille : Enveloppée de neige comme d’un suaire, je sais, dans le village, une petite izba. Dans la première pièce il y a un veau et, sur un banc, près de la fenêtre, un mort. Les enfants, étourdis, sont à leurs jeux. Une femme sanglote silencieusement. En cousant, d’une aiguille exercée, des morceaux de toile pour faire un linceul, elle pleure, et, comme la pluie lente d’un temps brumeux, ses larmes tombent silencieusement.
Il y a trois grands malheurs : épouser une esclave, être mère d’esclaves, se soumettre à un esclave jusqu’à la tombe, et les trois malheurs pèsent sur la femme de la terre russe.
Les siècles ont passé, tout s’efforce vers le bonheur, tout a changé plus d’une fois dans le monde. Dieu n’a oublié qu’une seule destinée : la triste destinée de la paysanne, et, il faut en convenir, le type de la belle et puissante Slave s’abâtardit ; victime des caprices du sort, tu as souffert sans bruit, en secret, et tu n’as laissé ni entendre tes plaintes ni voir ta lutte sanglante. Mais à moi tu diras tout, mon amie ! Nous nous connaissons depuis l’enfance. Tu es l’incarnation de la peur, tu es l’âme éternellement dolente. Celui-là n’a pas de cœur dans la poitrine qui n’a pas versé de larmes sur ton sort.
Cependant, cette histoire de la paysanne, je l’ai commencée pour prouver qu’on peut le trouver, aujourd’hui encore, ce type de la grande Slave.
Il y a dans les villages russes des femmes aux graves et tranquilles visages, avec la grâce de la force dans leurs gestes aisés, avec le port et le regard d’une tsaritza. Un aveugle seul pourrait ne pas les voir, et ceux qui ont des yeux disent d’elles : « Elles passent, tu croirais des astres, et chacun de leurs regards vaut un rouble ». Elles foulent le même chemin que suit le peuple tout entier, mais la boue de leur humble condition semble les avoir respectées. Elle fleurit, la belle, pour étonner le monde ; rose, svelte, de haute taille, belle quel que soit son vêtement, adroite en tout genre de travail. Elle endure le froid et la faim, toujours patiente, toujours égale... Je l’ai vue souvent faucher et chaque coup de faux emporte une meule ! Son foulard a glissé sur l’oreille ; on craint toujours que les nattes se défassent. Un gaillard, en passant, les a soulevées, le mauvais plaisant ! Et les lourdes nattes blondes sont tombées sur la poitrine brunie. Elles se dénouent jusque sur les pieds nus et aveuglent la paysanne. Elle les écarte à deux mains et regarde, d’un air courroucé, le garçon. Le visage est majestueux comme une figure peinte, tout embrassé de confusion et de colère.
Durant la semaine, elle n’aime pas à paresser. Mais vous ne la reconnaîtriez pas quand un sourire de joie a effacé sur son visage le sceau de la peine. Un rire franc comme le sien, des chansons, des danses comme les siennes, cela ne se vend pour or ni pour argent. C’est la joie ! disent d’elle, entre eux, les moujiks.
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Le petit cheval s’est empêtré dans un tas de neige. Deux paires de lapti gelés et l’angle d’une bière recouverte d’une rogoja font saillie dans l’humble charrette. La vieille, les mains dans des gants grossiers, est descendue pour faire marcher le cheval. Elle a des glaçons sur ses cils, à cause de la gelée probablement.
La pensée agile du poète se hâte de devancer la vieille : Enveloppée de neige comme d’un suaire, je sais, dans le village, une petite izba. Dans la première pièce il y a un veau et, sur un banc, près de la fenêtre, un mort. Les enfants, étourdis, sont à leurs jeux. Une femme sanglote silencieusement. En cousant, d’une aiguille exercée, des morceaux de toile pour faire un linceul, elle pleure, et, comme la pluie lente d’un temps brumeux, ses larmes tombent silencieusement.
Il y a trois grands malheurs : épouser une esclave, être mère d’esclaves, se soumettre à un esclave jusqu’à la tombe, et les trois malheurs pèsent sur la femme de la terre russe.
Les siècles ont passé, tout s’efforce vers le bonheur, tout a changé plus d’une fois dans le monde. Dieu n’a oublié qu’une seule destinée : la triste destinée de la paysanne, et, il faut en convenir, le type de la belle et puissante Slave s’abâtardit ; victime des caprices du sort, tu as souffert sans bruit, en secret, et tu n’as laissé ni entendre tes plaintes ni voir ta lutte sanglante. Mais à moi tu diras tout, mon amie ! Nous nous connaissons depuis l’enfance. Tu es l’incarnation de la peur, tu es l’âme éternellement dolente. Celui-là n’a pas de cœur dans la poitrine qui n’a pas versé de larmes sur ton sort.
Cependant, cette histoire de la paysanne, je l’ai commencée pour prouver qu’on peut le trouver, aujourd’hui encore, ce type de la grande Slave.
Il y a dans les villages russes des femmes aux graves et tranquilles visages, avec la grâce de la force dans leurs gestes aisés, avec le port et le regard d’une tsaritza. Un aveugle seul pourrait ne pas les voir, et ceux qui ont des yeux disent d’elles : « Elles passent, tu croirais des astres, et chacun de leurs regards vaut un rouble ». Elles foulent le même chemin que suit le peuple tout entier, mais la boue de leur humble condition semble les avoir respectées. Elle fleurit, la belle, pour étonner le monde ; rose, svelte, de haute taille, belle quel que soit son vêtement, adroite en tout genre de travail. Elle endure le froid et la faim, toujours patiente, toujours égale... Je l’ai vue souvent faucher et chaque coup de faux emporte une meule ! Son foulard a glissé sur l’oreille ; on craint toujours que les nattes se défassent. Un gaillard, en passant, les a soulevées, le mauvais plaisant ! Et les lourdes nattes blondes sont tombées sur la poitrine brunie. Elles se dénouent jusque sur les pieds nus et aveuglent la paysanne. Elle les écarte à deux mains et regarde, d’un air courroucé, le garçon. Le visage est majestueux comme une figure peinte, tout embrassé de confusion et de colère.
Durant la semaine, elle n’aime pas à paresser. Mais vous ne la reconnaîtriez pas quand un sourire de joie a effacé sur son visage le sceau de la peine. Un rire franc comme le sien, des chansons, des danses comme les siennes, cela ne se vend pour or ni pour argent. C’est la joie ! disent d’elle, entre eux, les moujiks.
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