Jean Cocteau fut un poète, écrivain, metteur en scène, réalisateur, dessinateur, peintre et j'en passe. Sa production fut si intense qu'elle a marqué durablement les périodes artistiques du XXème siècle : cubisme, dadaïsme et surréalisme. Il a travaillé avec des peintres (Picasso, Modigliani), des musiciens (Diaghilev, Stravinsky), des acteurs (Jean Marais, Jeanne Moreau).
Mais... cette débauche d'énergie, cette production artistique déjantée et même parfois loufoque a-t-elle été nourrie d'opium ? L'homme, en tous les cas, était accro à la substance jusqu'à mettre sa vie en danger.
Le guide "découvertes Gallimard" écrit par François Nemer raconte la vie du génie Cocteau de l'enfance à la mort, en passant par l'âge d'or et les années de déchéance. Il est richement illustré avec des photos d'époque et des reproductions de lettres et dessins. C'est donc un document qui permet au lecteur de se plonger dans le monde artistique des années 1910 à 1960.
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Le 29 mai 1913 – création du Sacre du printemps de Stravinski – est une date phare dans l’histoire culturelle du XXe siècle. Et pour la première fois, Cocteau est en phase avec le mouvement… C’est du moins son interprétation rétrospective : le récit de son rôle dans l’affaire s’étoffe à mesure que le temps passe, l’intensité de l’affabulation coctalienne étant assez régulièrement proportionnelle à l’importance reconnue de l’événement. Mais il est clair qu’il a su d’emblée, dans cette « erreur mettant aux prises une œuvre de force et de jeunesse et un public décadent », se ranger, entre huées et ovations, du « bon » côté. Stravinski devient le nouveau modèle, supplantant les Noailles et autres vieilles lunes poétiques. Car le compositeur incarne l’ « étonne-moi » de Diaghilev, au sens étymologique du terme : un étonnement qui vient du tonnerre, des forces primitives. Renoncer à la culture dans ce qu’elle a d’aimable, de policé. Affronter ce que la création a de sauvage, de périlleux, de déstabilisant. Renoncer à plaire, et suivre le précepte essentiel du Potomak esquissé dès 1913 : « Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi. » Tout un programme !
C’est en montant au printemps 1938 Œdipe-roi, une pièce écrite en 1923, qu’il repère Jean-Alfred Villain-Marais, jeune acteur débutant. Il lui propose aussitôt le rôle de Galaad dans Les Chevaliers de la Table ronde, et peu après lui déclare son amour. Marais y voit là la chance de sa vie et, cyniquement, cède. Ainsi naît un couple célèbre. Cocteau se veut comme tant de fois le Pygmalion de son amant ; mais pour une fois cet amant ne demande pas mieux. Ainsi l’accord est-il parfait. Physiquement splendide, psychologiquement carré, honnêtement calculteur, solide, gentil, positif, pas assez talentueux pour se passer de son mentor, Marais est pour Cocteau un idéal, et le moteur de sa résurrection. Les Chevaliers de la Table ronde sont à peu près un four, mais Cocteau, épaulé par Marais, ne sombre pas comme à son habitude : encouragé à écrire une pièce moderne, il achève en huit jours Les Parents terribles. « Admirable, c’est du tout cuit ! », telle est la première réaction de Jouvet à la lecture d’une pièce qu’il n’ose pourtant pas monter. À tort, ce sera un triomphe absolu.
Le Cocteau quinquagénaire investit le cinéma, le théâtre de boulevard, la chanson, bientôt la télévision sans perdre une once de sa créativité foisonnante [...], ni de son aura d'artiste "maudit".