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Critique de enjie77



C'est à la lecture d'un échange entre Michfred et Migdal que je me suis décidée à lire « Suite Française » d'Irène Némirovsky.

Ce livre vaut aussi par sa préface qui est rédigée par Myriam Anissimov. Elle permet de mettre en lumière les motivations d'Irène que l'on retrouve dans tous ses écrits. Myriam Anissimov a écrit, aussi, de très belles pages sur notre Romain Gary national.

La première chose qui frappe dès le début de la lecture, c'est le français impeccable dans lequel sont rédigés les deux récits qui composent cet ouvrage. le premier « Tempête en juin » et le second « Dolce ». Je ne peux m'empêcher de songer à la plume poétique d'Andréï Makine. Décidément, nos écrivains russes francophiles sont très souvent les garants de la langue de Molière. Il est vrai qu'en Russie, la littérature est essentielle.

Irène est née en 1903 à Kiev dans une famille aisée de la bourgeoisie juive. En 1918, sa famille décide de fuir la révolution qui s'accompagne de pogroms pour s'installer en France en 1919. Elle y rencontre Michel Epstein qu'elle épouse en 1926 et dont elle aura deux filles.

Devant les évènements dramatiques qui se profilent à l'horizon des années 30, le couple demande la nationalité française en 1938 qui leur sera refusée : ce qui de toute façon n'aurait pas changer grand-chose quant à leur avenir. C'est à Issy-l'Evèque, un petit village du Morvan, où le couple et leurs deux filles se sont réfugiés qu'Irène griffonnent ses carnets peut-être par devoir de mémoire où tout simplement pour exorciser ses angoisses ! Ecrire devient un réflexe de survie lorsque les illusions se sont évaporées.

Si vous voulez suivre en direct l'exode de juin 40, alors n'hésitez pas, c'est saisissant ! Irène Némirovsky rapporte avec l'exactitude de celle qui l'a vécue, à travers une fiction, ces instants terribles où des millions de personnes se sont retrouvées jetées sur les routes de France, fuyant à la fois l'envahisseur allemand mais aussi les bombardements. C'est justement ce qui fait la grande valeur de ce récit inachevé, écrit en 1942, juste avant qu'elle ne soit arrêtée par la Gestapo et déportée à Auschwitz. C'est un reportage en direct qui braque l'objectif sur quelques familles et leurs individualités. L'auteure trace avec précision leur lâcheté, leur héroïsme, le désordre ambiant, la peur, le mépris, la collaboration mais aussi quelquefois la solidarité ! le portrait d'une France en perdition !

En lisant « Suite Française » aujourd'hui, on y retrouve un peu du scénario actuel du « Village français » mais aussi du « Silence de la Mer » de Vercors. le roman de Vercors a été lui aussi écrit en 1941 mais publié en 1942 dans la clandestinité et édité par Edmond Charlot. (Les Richesses de Kaouther Adimi).

Avant d'être lui-même déporté, Michel Epstein, le mari d'Irène, a confié le manuscrit à leurs filles, Denise 13 ans et Elisabeth 5 ans, soigneusement conservé dans une valise avec instruction d'y veiller précieusement. Les deux enfants se sont cachées sans jamais abandonner cette fameuse valise qu'elles n'ont pas osé ouvrir tant que les cicatrices ne s'étaient pas estompées. Denise n'imaginait pas l'importance de ces écrits. C'est en voulant les confier à l'Institut de la Mémoire, en 1975, et en les dactylographiant à l'aide d'une loupe, qu'elle va prendre la mesure du document qui est sous ses yeux. Il faut l'insistance des Editions Denoël pour qu'enfin paraisse ce témoignage écrit sur le vif.

Le 8 novembre 2004, Irène connaît le succès à titre posthume et « Suite Française » reçoit le Prix Renaudot.

Je tenais à rendre hommage à ces quelques écrivains comme Stefan Zweig, Sandor Maraï et Irène Némirowsky que je qualifierai de « gardiens de la mémoire » et qui ont eu cette idée géniale d'écrivain d'annoter sur leurs carnets tous les grands et petits détails du quotidien alors que le monde autour d'eux s'écroulait.

« Mon Dieu ! Que me fait ce pays ? Puisqu'il me rejette, considérons le froidement, regardons le perdre son honneur et sa vie. Et les autres que me sont-ils ? Les empires meurent. Rien n'a d'importance. Si on le regarde d'un point de vue mystique ou d'un point de vue personnel, c'est tout un. Durcissons-nous le coeur. Attendons ». Irène Némirowsky

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