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EAN : 9782879393407
270 pages
Pierre Terrail (02/10/2007)
4/5   15 notes
Résumé :
Mala Strana, quartier de Prague, brûle des sentiments qui nourrissent l'âme humaine. Ses rues tortueuses résonnent de rumeurs et de fantasmes, de rancunes et de rivalités, d'amours déçues et de destins brisés. On y croise tour à tour un mendiant soi-disant fortuné, un cadavre encore vif, une vieille fille deux fois veuve, une poignée d'enfants bien décidés à envahir l'Autriche... Le petit peuple des contes de Jan Neruda vit, bavarde, meurt et, parfois, trouve le tem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je voyage dans le temps, sautant d'une generation a l'autre. Apres la Babitchka de Bozena Nemkova, je plonge dans un autre grand classique de la litterature tcheque. Et c'est tres different. Une ecriture tres moderne, petrie d'humour et d'une ironie bienveillante. N'ayant pas lu d'autres tcheques de sa generation, je le vois comme l'initiateur (et s'il n'est pas le seul on me corrigera) d'une veine qui caracterise cette litterature, celle de Hasek, Capek, Vancura, Hrabal.

Ces contes profilent des personnages croises par l'auteur pendant son enfance a Mala Strana, le quartier pragois ou il a toujours vecu, et il y ajoute quelques nouvelles ou il est directement implique. Et c'est le quartier qui devient le personnage principal, ses rues etroites, ses maisons ou s'agglutinent locataires et sous-locataires, ses tavernes populaires et son mythique restaurant ou se pavanent les notables du quartier, “les dieux authentiques de Mala Strana”. Un quartier ou se pressent de petites gens dont certains se prennent pour des bourgeois mais n'arrivent pas a finir le mois. Tous revent. Tous font des plans mais finissent par accepter ce qu'ils rejetaient au debut. Il faut bien vivre. Et tous sont retraces avec ironie, mais une ironie non acerbe, bienveillante. Meme les medisants ou les envieux qui arrivent a empoisonner, des fois a detruire, la vie d'autres. On remarque l'empathie, l'affection qu'il ressent pour ceux qui ont peuple son enfance et en un meme temps on note sa complainte sur le retard social et culturel dans lequel ils sont immerges, sur leur inaptitude a accepter une quelconque nouveaute (par exemple dans la nouvelle “Comment monsieur Vorel brula sa pipe"). Cette faune humaine est decrite par un des leurs, un temoin direct, car Neruda a longtemps habite “la maison des deux soleils", qui est peut-etre celle representee dans la premiere nouvelle, sise en l'ancienne rue Ostruhova (rue de l'eperon), aujourd'hui rebaptisee en son honneur Nerudova. Ne sachant si on en a fait un petit musee litteraire, j'invite donc, ceux qui pensent aller a Prague, a marauder dans le quartier entre une visite du chateau et une escapade dans les jardins du mont Petrin, afin de me renseigner. Neruda le meriterait. Dans ses histoires indiscretes sur des personnages qu'il arrive a nous rendre proches, sur la durete et les petites joies de leur existence, coule la vie. Ce sont des histoires de quartier, mais ce quartier reflete le monde, ailleurs et partout. C'est un tableau d'epoque, et en fait une replique intemporelle du caractere intrinseque de l'etre humain.

Quelques mots encore sur son ecriture, que j'ai trouvee tres moderne. Il y a un peu de peinture de moeurs a la Zola, avec une grande capacite d'observation et de detail, mais il ne s'alourdit pas sur la psychologie des personnages, qu'on comprend a travers leurs actes et leurs paroles. Il n'a besoin de rien expliquer. Et la premiere partie du premier conte, “Une semaine dans une maison tranquille”, ou il decrit la maison, ses entrees, ses couloirs, ses appartements et leur mobilier, m'a rappele du Perec. D'autres avaient un gout de Tchekhov. Dans tous les contesNeruda brosse sa prose d'une main sure, alternant des passages d'une beaute exquise, comme dans “La messe de Saint Wenceslas", avec d'autres ou les dialogues eclosent spontanes et frais, comme dans “Conversation nocturne". Certains contes sont des souvenirs de ses peripeties personnelles quand il avait dans les 9 ou 10 ans, mais il se met en scene aussi en tant qu'auteur, comme dans “Ecrit a la toussaint": “Si j'etais un nouvelliste ingenu, j'aurais probablement ecrit: Vous me demandez de qui sont ces tombes? Mais je sais qu'un lecteur ne demande jamais rien. L'auteur doit imposer directement au lecteur son oeuvre. Mais cela s'avere cependant quelque peu difficile.”

De quelque cote que je le retourne, ce livre m'a charme, m'a interpelle. Un grand classique. Intemporel. Ce n'est pas un hasard si, apres l'avoir lu, un jeune chilien du XXe siecle, un certain Ricardo Neftali Reyes, changea son nom pour le nom de plume Pablo Neruda.

P.S. Je rale un peu. J'ai lu ce livre dans sa traduction espagnole (tres reussie, il me faut le dire) et c'est, apres l'ecriture de ce billet, en passant par les comptes-rendus d'autres babeliotes que j'apprends que l'edition francaise est magnifiquement illustree de dessins et de photos. On ne peut tout avoir. Mais on peut raler.
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À Prague, il y a un quartier au pied du château et de la cathédrale, c'est Malá Strana.
C'est un coin charmant, tout à fait hors du temps, un petit dédale de rues pavées dominées par de superbes façades baroques, toutes plus colorées et décorées les unes que les autres…
« Quand on a un beau mois de mai, Malá Strana est un vrai paradis. La colline de Petrin se couvre de fleurs blanches, comme si partout on faisait bouillir du lait, et Malá Strana tout entière baigne dans un parfum de lilas. »

Malá Strana est le quartier natal de Jan Neruda (1834-1891), auteur tchèque à ne pas confondre avec le chilien Pablo Neruda ! (C'est après la lecture de l'oeuvre de Jan Neruda, que le poète chilien a choisi Neruda pour pseudonyme.)
« Les contes de Malá Strana » est un des chefs d'oeuvre de la littérature tchèque, qui comporte douze nouvelles.
Jan Neruda y dépeint avec humour et réalisme les habitants du quartier où il a vécu toute sa vie.
Dans ce livre, le narrateur, qui n'est autre que l'auteur lui-même, est un petit garçon de 9 ans, qui est très observateur…

L'une de ces nouvelles, « Comment on ruine un mendiant », est l'histoire de M. Vojtisek, un honnête mendiant habitué du quartier et bien sympathique aux yeux de notre jeune narrateur. Les gens le vouvoient et le respectent, mais jusqu'au jour où certaines personnes pensent que ce mendiant n'est pas si pauvre qu'il en a l'air… il possèderait deux maisons et aurait deux filles qui jouaient aux demoiselles… les ragots vont vite faire le tour des habitants de ce petit quartier.
Cancans, bêtise humaine, méchanceté des gens, vont bon train ! M. Vojtisek va être victime de la médisance populaire…

Chaque personnage de ce recueil de nouvelles a une histoire à lui, simple et atypique à la fois, racontée dans un style plus ou moins léger, ironique et avec parfois une pointe d'humour noir.
Dans la nouvelle intitulée « le coeur tendre de Mme Rus », un des plus riches commerçants de Malá Strana est mort. Même dans son cercueil, son visage a gardé son sourire commercial !
Cette Mme Rus, est une habituée des enterrements depuis le décès de son époux.
C'est même devenu son occupation principale !
C'est une vraie commère qui ne peut s'empêcher d'avoir des mots déplaisants et calomnieux envers le défunt (bien qu'elle ne l'ait pas connu de son vivant !), et cela, à chaque fois qu'elle assiste à des obsèques ! Mais va-t-elle pouvoir indéfiniment continuer à se manifester de la sorte ?

Notre jeune narrateur se souvient d'une taverne réputée de son quartier, un restaurant qui avait des allures d'Olympe… Toute la société s'y réunissait : ses professeurs, des fonctionnaires, des militaires, des aristocrates… Et ce lieu très humain lui apparaît comme divin !
Il se remémore avec fierté les moments délicieux qu'il a passés parmi tous ces messieurs qui l'impressionnaient. Il a beaucoup appris en les observant. Et parmi tous ces personnages, deux hommes sont restés pour lui, inoubliables, « M. Rysanek et M. Schlegel ».
Ces deux hommes s'assoient aux mêmes tables tous les soirs comme dans un rituel, mais ils ne s'adressent jamais la parole. Ils sont ennemis. En cause, une femme…
« Ils luttaient avec leurs armes : un silence saturé de venin, et le plus lourd mépris. La bataille restait éternellement indécise. Lequel finirait par terrasser son rival enfin vaincu ? »

Jan Neruda a le don pour « croquer » les personnages, tel un peintre, ou un caricaturiste. Sa peinture est sociale, et il décrit les personnages qu'il observe, non seulement du point de vue de leur aspect physique, mais aussi et surtout du point de vue de leurs comportements et de leurs pensées.

Dans le récit « Bavardages du soir », des étudiants se retrouvent en discutant de façon lyrique sur les toits des maisons, au clair de lune. Ils cherchent une idée de divertissement pour passer la soirée.
A tour de rôle, ils vont évoquer aux autres, le plus vieux souvenir de leur vie, et l'un d'entre eux, va raconter le plus long souvenir de tous, son histoire d'amour, une histoire de jeunesse qui se termine de façon inattendue…

Avec « le docteur trouble-fête », notre narrateur nous conte l'histoire d'un médecin qui « n'avait jamais rien soigné, ni personne. » !
Un curieux personnage. Un étudiant en médecine, raté, dont tout Malá Strana se moque.
Il n'aime pas la compagnie des gens. Il est toujours taciturne.
Mais l'attitude des habitants du quartier va bientôt changer à son égard, suite aux circonstances particulières d'un enterrement. Il va devenir « trouble-fête » pour certains et adulé par d'autres…
Mais qu'est-il donc arrivé de si étonnant pour que les gens changent ainsi subitement de position à son égard ?

La nouvelle « L'ondin », met en scène M. Rybar, un greffier à la retraite.
C'est le surnom que les gamins du quartier avaient donné à ce touchant monsieur, parce qu'il parlait sans arrêt de la mer - L'ondin étant le dieu des eaux de la mythologie nordique –
On le disait riche et collectionneur de pierres précieuses, mais sa vraie richesse n'était-elle pas tout autre que matérielle, aux yeux d'autres personnes ?

A Malá Strana, les commerces se transmettent de père en fils et les habitants du quartier ont toujours leurs repères, quant aux emplacements de leurs magasins. Mais M. Vorel, en installant son magasin à l'enseigne de l'Ange Vert, dérange les habitudes…Il venait de province…
Et pour son malheur, il fumait beaucoup trop la pipe… Sa toute première cliente, la fille d'un capitaine, va être tout à fait incommodée par la fumée que dégage sa pipe dans le magasin et va faire part de son grand mécontentement autour d'elle...Mais qu'adviendra-t-il du commerce de M. Vorel, dans le récit intitulé « Comment M. Vorel a culotté sa pipe » ?

« Aux 3 lys » est le titre d'une courte nouvelle…
Une taverne « Aux 3 lys », et « une fille aux beaux yeux ».
Elle danse le quadrille – et son regard est sacrément attirant…

Dans le récit « La messe de St Venceslas », notre petit narrateur de 9 ans, qui est enfant de choeur, se laisse volontairement enfermer dans la cathédrale Saint-Guy.
Il aimerait y voir Saint Venceslas, en personne, célébrer la messe dans sa chapelle à minuit … le jeune garçon est exalté, il a une grande ferveur religieuse. Avec lui, dans l'attente de l'apparition de St Venceslas, on découvre toutes les splendeurs qui sont conservées au sein de cette cathédrale…

L'avant-dernière nouvelle, s'intitule « Comment il se fait que l'Autriche n'ait pas été envahie le 20 août 1849 à 12h30 ? ». Notre jeune narrateur fait partie avec d'autres petits camarades, de « L'association de la Pistole ».
Ils organisent leurs réunions dans un grenier. Ils vont s'armer de frondes et d'un pistolet, pour combattre un ennemi imaginaire. Ils vont « jouer aux grands » !
Ils échafaudent tout un stratagème… Notre jeune narrateur sera commandant en chef de l'opération et il choisira de se faire appeler du nom de Jan Žižka, considéré aujourd'hui comme un héros national tchèque, - ce vaillant chef de guerre des Hussites, qui avait vaincu en 1420, des milliers de croisés avec peu d'hommes et beaucoup de maîtrise militaire –
Jan Neruda est nostalgique de son enfance, et ce récit nous le démontre bien.

Et le livre se termine avec la nouvelle intitulée « Ecrit cette année à la Toussaint ».
Il y est question d'une certaine Mademoiselle Mary et des lettres de prétendants qu'elle reçoit…
« Elle avait la trentaine sans doute, et contre tout espoir, d'un seul coup, elle avait soudain à ses pieds la première déclaration d'amour de sa vie. Vraiment la première. Jamais encore elle n'avait songé d'elle-même à l'amour, jamais personne ne lui avait parlé d'amour. Des éclairs rouges jaillissaient dans son cerveau, ses tempes battaient le tambour, son souffle s'exhalait péniblement de sa poitrine. Elle était incapable de la moindre idée claire. »

Ce livre est beau, il est richement illustré par Ludovic Debeurme et Karl Joseph, avec des photos en noir et blanc, pleines de poésie, et de belles peintures colorées.
La mise en page est très aérée, et le papier de belle qualité.
J'ose espérer, avec ma critique, vous avoir donné envie, à vous aussi, de lire ce chef d'oeuvre de la littérature tchèque et de déambuler avec les personnages hauts en couleur de Jan Neruda, dans les rues de son quartier pragois de la fin du XIXe siècle !
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Beau recueil de 12 histoires se passant à Prague.
Descriptions des personnages très pointues, aussi bien de leur habillement que de leurs expressions et leurs travers.

Assez humoristique pour certains, mais un humour "retenu" et qui se veut de bon aloi et correct.

Belles traductions, termes choisis où pointe toujours un trait d'humour.

Dessins minimalistes traits noir sur blanc ; d'autres très colorés , ombres, silhouettes, visages tristes , photos de reportage.

* Un conseil, allez voir la critique de "glaneurdelivres" très bien ficelée*

Mais peut-être ce qui suit n'a pas encore été dit :

TRADUCTEUR renommé des plus grands écrivains Tchèques, François HIRSH, il a traduit aussi les romans de Milan Kundera et également ceux de l'américain Cormac Mc Carthy.

ILLUSTRATEUR, peintre et scénariste, Ludovic DEBEURME, artiste complet il a mis notamment en images des livres jeunesse tels : Gargantua, Dr. Jekyll et Mr. Hide.

LES PHOTOS, elles ont été prises par Karl JOSEPH qui a cheminé entre la France et Londres avant de retourner en Guyane.
L'épaisseur et le contraste des ses prises de vue recréent l'atmosphère envoûtante des villes d'Europe Centrale.

Personnellement j'ai beaucoup apprécié ce beau et grand livre.
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De courtes nouvelles praguoises où résonnent les échos d'une Prague aujourd'hui lointaine, avant le rideau de fer, avant le tourisme de masse, avant le monde actuel, et qui sont tour à tour cruelles comme le monde peut l'être, et tendres, mais toujours en retenue, même face aux duretés de la vie. La langue ne laisse pas oublier que l'auteur est un grand monsieur des lettres tchèques, mais bon aussi le produit de son époque, on remarquera l'antisémitisme habituel!
Cela me donne envie de repartir à Prague, tiens!
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Parus à Prague en 1878, ces 'contes' sont plutôt de courtes nouvelles se déroulant dans le quartier pragois de Mala Strana et mettant en scène des personnages divers, commerçants, ouvriers, militaires, aubergistes, médecins, étudiants, souvent sous le regard d'un gamin narrateur.

C'est très vivant, pittoresque, parfois amusant ou plus triste, les descriptions des personnages sont précises et bien vues. Citons deux messieurs fâchés assis régulièrement à la même table d'une taverne, se réconcilieront ils? Des étudiants papotant tout en haut d'une maison, un médecin ne consultant pas.

Mais mes préférés demeurent ceux où le gamin se laisse enfermer la nuit à l'église, histoire d'assister à la messe dite par saint Wenceslas lui-même, ou son projet, avec trois chenapans complices, de se rendre maîtres de la forteresse et de libérer le pays du joug autrichien, carrément!

Et mademoiselle Mary, quelles tombes fleurit-elle à la Toussaint? Ou comment fumer peut couler une boutique. Ou les bavardages changer des destins.
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
On disait que mademoiselle Schlegel était une beauté.
Je l’admets, mais alors c’était une beauté pour architectes. Tout en elle était à sa place ; partout les plus rigoureuses proportions, nul motif d’étonnement. Mais, pour tout autre qu’un architecte, c’était à désespérer. Son visage était aussi figé que la façade d’un palais. Son œil scintillait, sans expression, comme des vitres qui viennent d’être lavées. Sa bouche, arabesque d’ailleurs jolie, s’ouvrait lentement, comme une porte, et restait ensuite grande ouverte ou se refermait avec la même lenteur. Et, pour comble, cette peau dont on eût dit qu’elle venait d’être fraîchement peinte en blanc. Si mademoiselle Schlegel est encore en vie, elle n’est peut-être plus aussi jolie, mais elle est plus belle. Les édifices de ce genre sont plus beaux sous la patine du temps.
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