Elle croyait avoir vu dans les squats, les foyers et les rues de Berlin, tout le mal de ce monde, mais ce n’était qu’un pâle reflet de ce que pouvait être la cruauté des hommes. À Altenhain, ce village idyllique où elle n’avait connu que la monotonie, vivaient des gens brutaux et sans pitié sous le masque d’inoffensifs petits bourgeois. (Babel Noir, p. 452)
Il ne s’était jamais rendu compte que ses parents avaient souffert eux aussi. De tout ça. Quand ils venaient le voir en prison, ils lui jouaient la fable d’un monde intact, qui en réalité n’avait jamais existé.
La police criminelle n'est nulle part la bienvenue, encore moins dans un restaurant chic à l'heure du déjeuner.
« Comme d'habitude, elle ne dit rien. Elle ne lui parlait pas, ne répondait jamais à ses questions mais cela ne le dérangeait pas. Il poussa de côté le paravent qui partageait discrètement la pièce en deux. Elle était allongée, silencieuse et belle sur le lit étroit, les mains croisées sur la poitrine, la longue chevelure s'élargissant comme un noir éventail autour de sa tête. A côté du lit étaient posées ses chaussures, sur la table de nuit un bouquet de lilas blanc se fanait dans un vase de verre.
Hello, Blanche-Neige, dit-il à voix basse. »
— Enfin.
Il y avait dans ce mot plus de soulagement que dans dix phrases. Combien de jours et de nuits de vains espoirs et de craintes désespérées avaient dû passer ces deux-là ? Comment c’était de vivre poursuivis par les fantômes du passé ? Les parents de l’autre fille étaient partis mais les Wagner n’avaient pas pu quitter leur entreprise, leur raison d’être. Il avait fallu qu’ils restent, pendant que l’espoir d’un retour de leur fille s’amenuisait de jour en jour. Onze années d’incertitude, cela avait dû être un enfer. Peut-être qu’enterrer leur fille et pouvoir lui dire adieu les aideraient.
Arne Fröhlich était malgré son nom un homme grave d’environ quarante-cinq ans, au front dégarni, aux cheveux filasse clairsemés et aux lunettes à montures d’acier. Son visage était caractérisé par une absence de traits marquants. Il n’était ni gros ni maigre, de taille moyenne et semblait si ordinaire que ça en devenait exceptionnel.
Blanche -Neige doit mourir, ils avaient dit, prononça Thies à cet instant. Mais personne ne peut plus rien lui faire. Je veille sur elle.
[...] ... Amelie se réveilla. Elle avait cru entendre en rêve un léger clapotis. Elle avait soif. Un soif affreuse, torturante. Sa langue collait à son palais, sa bouche était aussi sèche que du papier. Quelques heures plus têt, elle avait mangé avec Thies les deux derniers biscuits et bu le reste de l'eau. Désormais, ils n'avaient plus rien. Amelie avait entendu dire que des hommes avaient pu éviter de mourir de soif en buvant leur urine. L'étroit rayon de lumière sous le plafond indiquait qu'à l'extérieur de leur prison, il faisait jour. Elle reconnut le contour des étagères de l'autre côté de la cave. Thies était roulé sur lui-même à côté d'elle, la tête posée sur ses genoux, et il dormait profondément. Comment était-il arrivé ici ? Qui les avait enfermés tous les deux ? Et surtout, où étaient-ils ? Le désespoir d'Amelie s'accentua. Elle avait envie de pleurer mais elle ne voulait pas réveiller Thies, même si sa jambe, sous le poids de sa tête, était devenue entièrement insensible. Elle passa sa langue sèche sur ses lèvres desséchées. Là ! A nouveau le clapotis ! Comme si, quelque part, un robinet coulait. Si elle sortait d'ici, elle jurait de ne plus jamais gaspiller l'eau. Elle avait jeté des bouteilles de Coca-Cola à demi pleines uniquement parce qu'il était éventé. Qu'est-ce qu'elle ne donnerait pas pour une gorgée de Coca, même chaud et sans bulles !
Son regard fit le tour de la pièce, s'arrêta sur la porte. Elle n'en crut pas ses yeux lorsqu'elle vit qu'en effet de l'eau s'infiltrait par-dessous. Elle repoussa Thies et jura parce que sa jambe endormie ne lui obéissait plus. Elle atterrit sur le sol, à quatre pattes, il était mouillé. Comme un chien, elle se mit à lécher l'eau avec avidité, s'aspergeant le visage en riant. Dieu avait entendu sa prière. Il ne la laisserait pas mourir de soif ! L'eau coulait toujours plus fort sous la porte, elle clapotait en descendant les trois marches en une jolie petite cascade. Amelie cessa de rire et se redressa.
- "Ca suffit avec l'eau, Seigneur," souffla-t-elle, mais Dieu ne l'entendit pas. ... [...]
Pourquoi les gens recevaient-ils toujours la police dans leur cuisine ?
La dernière chose dont ils avaient besoin c’était que les flics viennent fouiner partout dans le village en interrogeant tout, le monde !! Il y avait trop de secrets à préserver.