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Critique de boudicca


Après un premier ouvrage consacré à son exil d'Iran (« Une métamorphose iranienne »), Mana Neyestani revient avec ce « Petit manuel du parfait réfugié politique » sur le véritable parcours du combattant qu'il a du mener afin d'obtenir le droit de résider sur le territoire français. « Vous êtes peut-être entré en France avec un visa de touriste... ou bien vous avez été invité à un événement culturel...ou peut-être êtes-vous entré illégalement dans le pays. Dans tous les cas de figure, sachez que vous allez bientôt être au coeur d'un sujet de discussion grave et important ; vous êtes sur le point de devenir un « réfugié ». » Mana Neyestani aborde avec beaucoup d'humour et une pointe de dépit le calvaire vécu par ces personnes venues chercher refuge en France et qui se retrouvent baladés d'administrations en administrations, de services en services et de bureaux en bureaux. L'association France Terre d'Asile, la préfecture de police, l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, la Cour nationale du droit d'asile..., les étapes qui jalonnent le parcours d'un réfugié en France sont nombreuses et l'issue des longues et éprouvantes procédures toujours incertaines. C'est qu'il faut la mériter sa carte de séjour ! Et son récépissé autorisant momentanément à résider sur le territoire français. Et sa carte d'assurance maladie. Et son inscription à Pôle emploi. Et son visa pour pouvoir aller et venir à sa guise dans l'espace Schengen. Autant de démarches déjà très pénibles à entreprendre lorsque l'on est citoyen français et qui ont tôt fait de se transformer en véritable cauchemar pour quelqu'un qui maîtrise mal la langue française, qui ne connaît personne qui pourrait intercéder en sa faveur et qui peine à réunir toute la masse de documents demandés...

Le dessinateur ne se prive d'ailleurs pas de faire profiter ses lecteurs de quelques combines afin qu'il puisse éviter de se faire avoir si, à tout hasard, il devait se retrouver un jour dans ce genre de situation. Sachez par exemple que pour faire avancer plus rapidement votre dossier à la préfecture, rien ne vaut de commettre un délit mineur pour pouvoir vous faire prélever vos empreintes plus rapidement. Il est également conseillé de se donner une certaine visibilité en tant qu'activiste : être de toutes les manifestations contre le régime politique de son pays d'origine, multiplier les articles sur internet, voire même s'enchaîner aux grilles de son ambassade ! Si la majorité des situations décrites sont abordées avec humour, Mana Neyestani n'en dénonce pas moins la façon parfois scandaleuse dont sont traités ces réfugiés et les dérives de la bureaucratie française. La complexité des procédures, la déshumanisation des réfugiés dont l'identité ne se résume plus qu'au numéro qui leur a été attribué, l'efficacité très aléatoire des différentes administrations et de ses employés, l'instrumentalisation par les partis politiques... : le dessinateur force le lecteur à se confronter au quotidien de ces étrangers venus trouver refuge en France et le met face à des réalités désagréables qu'il préférerait sans doute occulter. La question du regard porté sur ces réfugiés par le reste de la population est également abordée à plusieurs reprises et, là encore, le portrait qui émerge n'est guère flatteur... Entre ceux qui ne voient en eux que des parasites ou des intégristes, et ceux pour qui tous les réfugiés sont forcément des défenseurs de la liberté ou de pauvres gens fuyant la misère : on voit bien qu'il reste encore du travail à faire pour que les mentalités évoluent...

Avec ce « Petit manuel du parfait réfugié politique » Mana Neyestani signe un excellent roman graphique qui revient avec humour sur un sujet qui prête pourtant peu à rire. Parce qu'il a justement été confronté à l'enfer que représente la bureaucratie française pour un étranger, l'artiste dénonce avec lucidité les dérives de notre système et le manque d'humanité de la prise en charge des réfugiés. « Le ping-pong est un jeu éprouvant. Surtout pour la balle. », se permet de nous rappeler Mana Neyestani qui, au terme de toutes ces éprouvantes procédures, finit par avouer ne plus vraiment savoir où est désormais sa place...
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