Quand la famille Lee se met à la table du petit-déjeuner en ce jour de semaine, Lydia, seize ans, est morte. Personne ne s'en doute pour l'instant, persuadé que celle-ci est juste en retard. Mais une fois sa chambre trouvée vide, l'angoisse s'installe. Est-ce une simple disparition ou quelque chose de plus grave ?
Quand son corps est retrouvé quelques jours plus tard au fond du lac tout proche, la l'image de famille Lee, en apparence si soudée et parfaite, se craquelle, faisant apparaître une réalité tout autre…
Souvent les épreuves rapprochent, ici le deuil d'une fille et d'une soeur va éloigner chacun des membres de cette famille, les plongeant un peu plus dans leur propre solitude.
Marilyn, la mère, a toujours eu pour ambition de se démarquer de la masse et surtout de sa mère, parfaite femme d'intérieur des années 50 (le roman se passe dans les années 1970), en poursuivant ses études pour devenir médecin. Las, elle ne sera que femme au foyer, ressemblant par trop en cela à sa mère, et reporte sur sa fille son ambition médicale avortée.
James, le père, d'origine chinoise, souffre de son côté d'être différent (c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles ce professeur d'université est spécialisé dans la figure si américaine du cowboy) et pousse ses enfants à s'intégrer par tous les moyens, surtout sa fille Lydia, qui fait sa fierté en raison de ses yeux bleus et de ses traits moins asiatiques que ceux de son frère et de sa soeur.
Nathan, le fils, très brillant et futur astrophysicien, qui vit les aspirations que ses parents ont pour Lydia sans même qu'ils le voient, et Hannah, la deuxième fille, très discrète puisque personne ne s'intéresse à elle (sa chambre est dans le grenier…), vivent dans l'ombre de leur soeur, qui attire, sans le rechercher, toute l'attention parentale. A travers les pensées de chacun de ces personnages, se dessine le personnage de Lydia, loin de l'image idéalisée que s'en font ses parents…
Joli coup d'essai pour un premier roman ! Edité chez Sonatine, j'ai pensé à tort que ce roman était un polar, alors qu'on se rapproche plutôt du drame familial. Comment s'approprier son identité quand on est différent des autres ? Comment réussir à répondre aux désirs imposés par ses parents sans les décevoir, alors même qu'on souhaite au fond de soi prendre un autre chemin ? Comment vivre avec des non-dits ? Connaît-on aussi bien ses proches qu'on le pense ?
Céleste Ng aborde ici avec finesse ces thèmes, sans tomber dans un pathos inutile, et parvient à imposer une petite musique mélancolique pas désagréable du tout vu le sujet dans un roman très marquant.