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EAN : 9782848761770
506 pages
Philippe Rey (06/01/2011)
3.33/5   6 notes
Résumé :
En 1931, Sara, neuf ans, est arrachée à sa mère et offerte au sultan Njoya, dont elle doit rejoindre les 681 femmes au Mont Plaisant, à Yaoundé, où Njoya a été exilé par l’occupant français. Mais à la suite de circonstances imprévues, la matrone qui prépare Sara décide de la travestir en garçon : désormais, elle va vivre à la cour sous le nom de Nebu, tandis qu’au dehors, les nations se préparent à la Seconde Guerre mondiale.

Soixante-dix ans plus tar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je comprens celles et ceux qui disent ne pas avoir "accroché", car il faut être intéressé par le sujet, pour aller au-delà et lire avec agrément ce roman. Mais l'écriture est belle et unanimement appréciée.

Ce roman révèle une plume expérimentée, habile dans la construction aussi bien que dans l'écriture, qui baigne dans des eaux pures, exemptes de scories. C'est un roman qui creuse son chemin dans L Histoire, l'histoire du Cameroun, et qui réserve des surprises de taille à ceux qui se contentent du discours communément partagé sur l'Afrique et les Africains : une population ensevelie dans la nuit la plus profonde de l'inculture et qui ne s'est réveillée qu'à la lumière de la civilisation occidentale. Or les personnages historiques sur lesquels se fonde ce roman sont autant de témoignages de la vivacité et de la créativité du monde noir. Sami Tchak, dans al Capone le Malien, appelait de ses voeux une littérature qui serait "à la hauteur de nos héros", il espérait la parution de romans non plus écrits "dans l'esprit d'attirer l'attention du public et des critiques blancs", mais qui seraient consacrés à ces personnages complexes qui sont en quelque sorte une empreinte de leur pays, de leur culture, de leur époque. C'est dans ce type de romans, authentiques, que l'on peut sentir vibrer une "âme". (Al Capone le Malien, pages 160-161)
Ce renouvellement du roman africain est en cours, en oeuvre déjà dans al Capone le Malien, il est en plein épanouissement dans Mont Plaisant, roman dans lequel on sent battre le coeur du Cameroun.

Qu'est-ce donc que le "Mont Plaisant" ? C'est la résidence d'exil de Njoya, souverain des Bamoum, groupe ethnique du Cameroun ayant en quelque sorte pour capitale Foumban. Il est invité dans cette résidence par son ami Charles Atangana, chef des Ewondo dont le fief est Yaoundé. le roman couvre les premières décennies du XXe siècle, et même un petit peu avant, lorsque les Européens signent des traités avec les chefs locaux, traités qui se transformeront en autorisation pour les premiers de s'installer sur ces territoires et d'en être les maîtres, à la surpise de ces chefs africains qui verront peu à peu leur souveraineté être réduite, entraînant dans leur déclin la disparition, ou du moins la méconnaissance de ce que furent la culture, les réalisations des autochtones. le sultan Njoya était entouré de tout un ensemble d'artistes rivalisant d'inventivité pour contenter un souverain qui savait apprécier le talent, l'ingéniosité et qui était lui-même un homme ingénieux, puisqu'il inventa un alphabet, demanda à ses architectes d'établir une carte géographique de son territoire, écrivit un livre, le Saa'ngam, somme de ses pensées.

Suivant la coutume, Charles Atangana offre à son invité de marque une femme, il en a déjà plus de six cents. Il s'agit précisément de la fille de son frère, Joseph Ngono. Sara n'est encore qu'une enfant de neuf ans environ, qui doit être préparée à ses futures noces par la matrone Bertha, dont le coeur a été durci par une histoire personnelle, une injustice infligée à son unique fils, Nébu, à cause d'une jeune fille qu'il a eu le malheur d'aimer. Mais Bertha la dure va curieusement se radoucir, se métamorphoser, lorsqu'elle percevra la possibilité de revivre sa maternité, de redonner vie à son fils disparu, à travers Sara. Celle-ci échappera donc momentanément à son destin de femme du sultan, la matrone l'ayant travestie en garçon et rebaptisée Nébu, nom de son défunt fils. Sara, transformée en Nébu, sera désormais "l'ombre" du sultan, autrement dit le garçon de chambre de celui-ci.

En 2000, la "Maison des artistes", l'autre nom du Mont Plaisant, n'est plus qu'une ruine, mais Sara, dernier témoin de la vie intense, intriguante, qui anima cette maison, est toujours vivante, elle a quatre-ving-dix ans. Et c'est une chance inouïe pour une jeune femme originaire du Cameroun, installée aux Etats-Unis, qui revient dans son pays natal dans le cadre de ses recherches, de rencontrer cette dame et de pouvoir l'interroger. Son entreprise sera facilitée par une heureuse coïncidence : elle se prénomme aussi Bertha, ce qui va déclencher la mémoire et la parole de la vieille Sara que tous croyaient muette, et ouvrir à Bertha et au lecteur une page mémorable de l'histoire du Cameroun, qui fut tour à tour sous domination allemande, française et anglaise. C'est l'époque où les conflits européens, notamment les première et deuxième guerres mondiales, s'invitent sur les territoires africains. Ces différentes puissances coloniales utilisent toutes la religion aussi bien que la violence pour dompter les autochtones, alors que ceux-ci les ont accueillis les bras ouverts.

J'ai particulièrement aimé le démarrage du roman, un début accrocheur et très bien orchestré. le roman se présente comme le récit de Bertha, la jeune femme chercheur, qui rapporte l'histoire ou plutôt les histoires que Sara a bien voulu lui conter, et qui font revivre Njoya, Charles Atangana et d'autres figures du nationalisme camerounais comme Rudolf Douala Manga Bell et Adolf Ngosso Din, des histoires qu'elle recoupe ou confronte avec ses propres découvertes dans les bibliothèques et autres archives coloniales. Ces personnalités méritaient vraiment qu'un hommage leur soit rendu dans un roman, sortant ainsi de la poussière de l'oubli. Mais celui qui m'a le plus fasciné, c'est Nébu, le fils de Bertha la matrone, l'artiste, et c'est l'amour qui lui donne une telle acuité artistique qu'il en arrive à dépasser ses maîtres ! Quel amour de l'art, quel désir de perfection ! Son histoire fait fatalement penser au mythe de Pygmalion dont il est en quelque sorte la version africaine. le personnage de Nébu est le portrait le plus intéressant, le plus beau, selon moi.

L'ensemble de ma critique en cliquant sur le lien ci-dessous :
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Je tiens dans un premier temps à remercier les éditions Philippe Rey pour l'envoie du roman ainsi que Babelio pour l'organisation de cette session de Masse Critique.
Cet ouvrage est assez différent des lectures que je peux avoir habituellement. A la lecture du résumé, je m'étais dit : pourquoi pas ? Il s'agit d'un roman situé au Cameroun qui traite d'une jeune fille travestie pour servir à la cour du sultan Njoya. Soixante-dix ans plus tard, elle raconte son histoire à Bertha, une étudiante américaine.
Avant de débuter le roman, l'auteur propose une rapide chronologie de l'histoire du Cameroun afin de situer les évènements du roman. Pourquoi est-ce que je précise cela ? Tout simplement parce que j'ai trouvé cela bien inutile. le roman ne se veut pas comme un roman historique mais plutôt comme un conte. Les personnages ont tous une histoire incroyable. le sultan tombe malade et tous les habitants du pays viennent à son chevet pour essayer de le faire rire et le faire quitter son coma. le père de Sara, la jeune fille qui nous raconte son histoire, est ce camerounais qui se retrouve en Allemagne avant la seconde guerre mondiale et qui se fait attaquer par trois jeunes racistes dont l'un, comme par hasard, s'appelle Adolphe et a une étrange moustache…
Mont-Plaisant est, selon moi, un conte sur fond historique avec une multitude de personnages situés dans des époques différentes. Il est parfois difficile de s'y retrouver. Et je n'ai pas très bien compris l'intention de l'auteur dans ce roman. Parler de l'histoire du Cameroun ? Mais alors pourquoi avoir dévié sur ces histoires rocambolesques qui arrivent à chaque personnage ?
J'aimerais connaître l'avis des autres lecteurs pour peut-être mieux comprendre ce roman…
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Je venais d'atterrir pour la première fois au Cameroun, à l'aéroport de Douala, un vendredi soir. Avant de travailler la semaine suivante à Yaoundé, j'avais organisé de monter pendant le week-end au sommet du Mont Cameroun, un volcan culminant à 4040m, le plus haut point d'Afrique de l'Ouest. En arrivant depuis l'aéroport à Buea, la ville au pied du volcan, je fus surpris de voir des panneaux publicitaires en anglais. Sur le coup, je me suis souvenu que le Cameroun était un pays bilingue : le français et l'anglais sont les deux langues officielles et l'anglais est la langue dominante dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Sur le chemin vers le sommet du Mont Cameroun, on passe aussi, en quittant Buea, devant l'ancienne résidence du gouverneur allemand. le pays fut en effet une colonie allemande et Buea sa capitale de 1901 à 1919, avant que la France et l'Angleterre ne se partagent la colonie après la première guerre mondiale. L'histoire du Cameroun, mal connue, n'est donc pas simple.
Je pensais peu à cette histoire compliquée en grimpant aux flancs de la montagne. Une ascension d'un jour et demi, sans difficultés techniques, mais avec des passages très raides sur le cône du volcan, avec le soleil de l'après-midi qui frappe dans le dos. Après une courte nuit dans un refuge sommaire, on atteint le sommet aux petites heures, mesurant ses efforts à cause de l'altitude, mais profitant d'une vue superbe jusqu'au Golfe de Guinée.
J'ai fait plus ample connaissance avec l'histoire du Cameroun grâce à la trilogie de Patrice Nganang que je viens de terminer. Vivant aux Etats-Unis où il enseigne dans une université de l'Etat de New York, ce romancier camerounais francophone a été arrêté et détenu dans son pays natal pendant trois semaines en 2017, pour avoir écrit un article dans Jeune Afrique critiquant la répression par le pouvoir des manifestations de la minorité anglophone.
« Mont Plaisant » est le premier roman de la trilogie. Il se situe au début des années 30, peu après le transfert du bâton colonial des Allemands aux Français. Sara en est le personnage central. On la découvre à la fin de sa vie qui raconte son histoire à une jeune étudiante camerounaise venue des Etats-Unis pour l'interroger. Elle raconte comment en 1931 elle fut enlevée encore enfant, à sa famille pour être offerte en cadeau au Sultan Njoya, confiné par l'administration française dans sa résidence de Mont Plaisant. Mais Bertha, l'esclave en charge de l'éducation des femmes du harem croit reconnaitre en elle, Nebu, le fils qu'elle a perdu, la sort du sérail, et l'habille en garçon. Servant le sultan, Sara peut ainsi parcourir le palais où celui-ci invite de nombreux artistes à rivaliser de créativité et où des intellectuels font revivre une écriture perdue. Mais ce microcosme brillant n'est pas beaucoup plus qu'un miroir aux alouettes culturel, puisqu'à l'extérieur c'est l'administration coloniale française qui impose sa loi.

Lien : http://www.lecturesdevoyage...
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Un romancier n'est pas un historien.
Cependant, Patrice Nganang, avec une plume majestueuse, nous conte la fin du règne du Sultan Njoya (1887-1933).

Ce sultan était un homme très érudit et innovateur. Il a vécu, en bonne intelligence, sous la colonisation allemande (jusqu'en 1916) contrairement à la colonisation française.
Ibrahim Njoya (17e roi de la lignée Bamoum) s'est entouré d'artistes et de savants. Il a cartographié son royaume, crée une nouvelle écriture, recensé les plantes médicinales, innové en architecture, développé des fermes expérimentales. Il a inventé une religion syncrétique.
Il avait plusieurs centaines de femmes, celles-ci étaient plus ou moins indépendantes et pouvaient faire du commerce.

En nous contant l'histoire d'un sculpteur à la cour, Patrice Nganang, nous présente un volet de l'histoire du Cameroun.
Le lecteur fait la connaissance de Charles Atangana dernier grand chef de l'ethnie des Ewondos, du missionnaire allemand Gohring, de Claude Prestat (gouverneur français) ...

Foumban était la capitale et le palais existe toujours. https://fr.wikipedia.org/wiki/Foumban.
Vers 1930, les Français l'exilent à Yaoundé dans le palais Mont Plaisant (aujourd'hui démoli).

Un livre fort bien écrit et instructif (pour qui s'intéresse à l'Afrique), malgré quelques longueurs.
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L'écriture fabuleuse de Patrice Nganang m'a emporté dans cette double histoire de Sara et de son avatar, Nebu. Une histoire invraisemblable portée par des personnages incroyables et par une Afrique pleine de vie.

On découvre tout au long du récit la civilisation bamoum de Yaoundé et on se laisse transporté dans cette Afrique méconnue, éloignée mais malgré tout impliquée dans une histoire mondiale.

Selon moi l'auteur s'est fait plaisir et nous en donne également, malgré une chronologie désordonnée qui peut déstabiliser le lecteur mais qui est rattrapée par une écriture fluide et très imagée.

Un grand merci aux éditions Philippe Rey et à Babelio pour cette belle découverte.

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il polissait sa rage, Nebu, soufflant sur ses doigts échauffés, soufflant sur son cœur pour l'empêcher d'exploser, soufflant sur les brûlures de son âme incandescente. L'art est un antidote contre la rage.
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Il polissait sa rage, Nebu, soufflant sur ses doigts échauffés, soufflant sur son cœur pour l'empêcher d'exploser, soufflant sur les brûlures de son âme incandescente. L'art est un antidote contre la rage.
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Il y a des histoires qui doivent être racontées pour satisfaire d'abord le conteur, juste pour le conteur
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"Il est des chutes dont on croit ne jamais se remettre. Heureusement le monde détient le secret du rebond."
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Il y a des histoires qui doivent être racontées pour satisfaire d'abord le conteur, juste pour le conteur
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