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Critique de Lazlo23


Zut, me direz-vous, encore un roman sur le Vietnam ! En effet... Sauf que celui-ci ne ressemble pas tout à fait aux autres.
Écrit par un Américain d'origine vietnamienne, il raconte l'histoire des véritables perdants, ces Sud-Vietnamiens qui ont dû fuir leur pays sur des rafiots surpeuplés pour se soustraire aux déportations, aux équipes de déminage et à la rééducation forcée à laquelle voulaient les soumettre « pour leur bien » leurs gentils frères du nord. Un sauve qui peut tragique qui a conduit les plus chanceux d'entre eux jusqu'aux rivages de l'Amérique des années soixante-dix, une Amérique raciste, traumatisée par son échec et peu encline à faire une place à cette nouvelle minorité.
Toute l'histoire du Sympathisant est racontée par un narrateur anonyme, individu pas toujours fréquentable, que traversent la plupart des lignes de faille de la société vietnamienne : catholique, dans un monde majoritairement bouddhiste, marxiste, mais fasciné par le mode de vie et la culture occidentales, il est un espion communiste infiltré dans les rangs de l'armée capitaliste ; mais surtout, pour ses compatriotes, ce n'est qu'un « bâtard », né de mère vietnamienne et de père français : cette faute originelle lui est constamment reprochée et l'empêche de s'insérer dans quelque milieu que ce soit.
En résultera une personnalité complexe et douloureuse, jusqu'à la transformation finale du personnage, dont je ne dirai rien pour ne pas déflorer une intrigue extrêmement soignée.
Le Sympathisant, de Viet Thanh Nguyen, est un roman puissant, qui traite de la condition de l'exilé, et de la difficulté que celui-ci éprouve à se reconstruire une fois qu'il a coupé les ponts avec sa terre natale.
C'est aussi le livre des grandes amitiés et des idéaux défigurés, à l'image du visage d'un des amis du narrateur, calciné par le napalm (on songe à Dorian Gray).
C'est enfin à une satire férocement drôle de l'Amérique et de l'american way of life que se livre ce Persan d'Extrême-Orient, qui écrit régulièrement des lettres chiffrées à une mystérieuse parente :
« Oh, le nuoc-mâm ! Comme il nous manquait, chère tante, comme plus rien n'avait de goût sans lui, comme nous regrettions ce « grand cru » de l'île de Phu Quoc, avec ses cuves remplies des meilleures anchois pressés ! Les étrangers aimaient dénigrer ce condiment liquide et âcre, à la couleur sépia très foncée, pour son odeur supposément atroce, ce qui donnait un autre sens à l'expression : «  Ça ne sent pas bon ici », car c'est nous qui ne sentions pas bon. de même que les paysans de Transylvanie arboraient des gousses d'ail pour repousser les vampires, nous nous servions du nuoc-mâm pour tracer une frontière avec ces Occidentaux incapables de comprendre que ce qui ne sentait vraiment pas bon, c'était l'odeur nauséabonde du fromage. Qu'était le poisson fermenté comparé au lait caillé ? »
En dépit de quelques longueurs dans sa partie centrale (largement compensées par un "finale" digne du 1984 d'Orwell), le Sympathisant est une fresque superbement écrite et qui ne laissera personne indifférent.

Un grand merci aux Éditions Belfond et à Babelio pour cette excellente lecture.
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