Il restait assez solitaire et, sans doute, ce fut un bien, car il en sut moins sur la propension des politiques à jouer aux dés la vie des autres.
(...) Ce fut à travers la langue française que les Annamites découvrirent le goût d'une liberté inconnue, en récitant des passages de La Fontaine ou de Molière dont on oublie souvent la malicieuse subversion.
De part et d'autre, il y avait une appréhension qui grandissait avec le désir d'en finir - le goût du sang et de la mort - le maigre espoir de vaincre - ou de moins de mourir vite - et d'en tuer un maximum - parfois l'homme se transforme en bête avec les meilleures raisons du monde.
Les Annamites éprouvaient généralement des sentiments mêlés vis-à-vis de la France. Même si la colonisation était injuste, beaucoup refusaient la guerre d'indépendance sous la bannière du Viet-minh. Certains avaient choisi le parti de la France par opportunisme, parce qu'on la disait moins avide que la Chine ou le Japon; la triste réalité des dominés était de pencher vers le maître le moins cruel.
Vienne le vert été
- ne soyons
pas sépa r és
Joie si douce
de l'aurore
- son clair regard
Tes mains
couleur de miel
et du soleil mourant
Transperce
jonquille claire -
l'âme de la beauté
Le son de sa voix peut-être ou la forme de ses mains - pourquoi est-on pris par le charme de quelqu'un ?
Même si la colonisation était injuste, beaucoup refusaient la guerre d'indépendance sous la bannière du Viêt-minh. Certains avaient choisi le parti de la France par opportunisme, parce qu'on la disait moins avide que la Chine ou le Japon ; la triste réalité des dominés était de pencher vers le maître le moins cruel.
La lune était lumineuse dans le ciel troublé, un fin croissant de lune. Sa blancheur évoquait dans l’esprit de Mai ce vieux poème que Yann lui avait lu ; elle en avait appris quelques vers pour les avoir toujours avec elle, car avec un poème, on n’est jamais seul – rêvons, c’est l’heure – il parlait d’un saule – c’est l’heure exquise – d’un saule noir qui pleure. C’était de mauvais augure, pourquoi fallait-il qu’il ait choisi ce poème et pas un autre ? Les hommes n’ont aucun discernement, très intelligents, mais sans sagesse. S’il avait préféré un sonnet clair et joyeux, peut-être l’histoire aurait-elle été différente ; mais non, c’étaient la lune et le saule qui l’avaient séduit et tout était bien. Elle ne regrettait rien puisqu’ils avaient eu une journée entière, et la vie n’est-elle pas comme une journée ?
Dans l'attente, ne pas savoir est le plus cruel, car cela signifie envisager le pire, et voir les chances de vie s'amenuiser.
Il marchait jusqu'à la falaise pour regarder les déchirures de la pierre
qui descendaient vertigineusement jusqu'à l'eau;
Yann écoutait avec un étonnement toujours entier le mugissement du vent,
les vagues et les cris des rochers battus par l'écume;
sur la côte., il voyait se dessiner des gouffres
et des aiguilles sombres.
p17