Un intéressant recueil de 1987 qui fut l'un des signaux du renouveau littéraire vietnamien.
Publié en 1987, ce recueil de quatre nouvelles, et tout particulièrement la nouvelle-titre, "
Un général à la retraite", fit scandale au Vietnam, et établit
Huy Thiep Nguyen parmi les intellectuels du "renouveau littéraire vietnamien" après la longue éclipse des guerres de libération et l'étouffoir du réalisme socialiste des années 1970.
Rien pourtant de tonitruant dans cette écriture, qui accumule les petites touches d'apparent "quotidien" pour construire doucement un paysage de cynisme, de corruption, d'ennui et d'absence de perspectives, insistant au fond sur les "déconnections sociales", qu'elles soient persistances de la société traditionnelle ou au contraire développements du régime socialiste, à l'image de la faille entre hauts responsables militaires et leurs familles restées paysannes ("
Un général à la retraite"), de l'abîme pouvant séparer citadins et campagnards, telle que la compréhension en apparaît chez un adolescent ("Leçons paysannes"), les obsessions de la lignée et de l'argent, et leur pouvoir paradoxalement profondément délétère ("La dernière goutte de sang"), ou encore l'impossible attachement à une nature qui échappe désormais au citadin moderne ("Le sel de la forêt").
"Sur ce, il s'étendit voluptueusement sur l'herbe tendre. "Fais-en autant" m'invita-t-il. Puis, dès que je fus allongé : "Toi qui es citadin, est-ce que tu éprouves du mépris pour les paysans ?" "Non" dis-je. "Tu as raison de ne pas les mépriser. Tous autant que nous sommes, gens des villes et gens instruits, nous avons de grands torts envers la classe paysanne. Nous les avons contaminés avec nos plaisirs matérialistes, avec notre pseudo-éducation et notre pseudo-science. Et nous continuons à les opprimer au nom de la supériorité de notre système avec son poids de paperasses et ses notions creuses du progrès... Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?". " ("Leçons paysannes")