Cette critique est susceptible d'être biaisée. Babelio ne garantit pas son authenticité
A propos du roman de
Philippe Nicolas,
Les Fleurs Jumelles (Cohen et Cohen)
« A la fin tu es las de de ce monde ancien
Bergère Ô Tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin »
(
Apollinaire : Zone)
Ces vers du poète viennent à ma mémoire à la lecture du roman de
Philippe Nicolas,
Les Fleurs jumelles, que j'ai lu avec plaisir et passion.
A l'instar des poètes du début du XXème siècle,
Apollinaire, Verhaeren, et des peintres leurs contemporains, Braque, Munch, Mondrian, l'auteur prend le parti de rompre avec la tradition pour embarquer le lecteur dans un univers qui, empruntant les codes du langage cinématographique et des jeux vidéo, fait la part belle aux technologies de communication. le métaverse dans lequel il nous fait plonger en inventant cette histoire rocambolesque offre à notre imagination un monde onirique et poétique.
J'ai osé cette comparaison avec les peintres et les poètes du début du XXème siècle à cause du parti pris commun, à savoir la célébration de l'univers urbain et la transfiguration poétique du réel. L'écrivain, le poète, sont des alchimistes, qui opèrent la transmutation du plomb en or.
« le meilleur et le pire, je l'ai trouvé sur les trottoirs de c'te catin de ville » s'exclame « le patriarche mélancolique », le vieux Joshua, financier trahi et déçu, que la vie a rendu philosophe.
Le lecteur, quant à lui, doté d'instruments de vision à lui fourni par l'écrivain, survole New York, cette ville protéiforme, s'immerge dans ses avenues sonores et multicolores, s'émerveille de ses horizons toujours mouvants, des projections sur les façades de spectacles féériques.
J'ai aimé que la vie réelle, (la fête d'Halloween, puis Thansksgiving, puis Noël), serve de toile de fond à ce voyage au-dessus de l'univers urbain.
Le texte se nourrit de mythes et de contes, le vol d'Icare, le fabuleux voyage de Nils Holgerson, ancrant l'histoire dans les archétypes communs à toute l'humanité.
nombreux emprunts au langage du cinéma, les métaphores (cet homme qui tombe, « crawlant vainement comme un coléoptère en perdition ») permettent l'immersion dans une aventure qualifiée de « roman noir », et que j'ai envie de qualifier de « roman lumineux », mais ce sont là les deux versants du réel.
Deux hommes qui tombent d'une terrasse, simultanément, et dont l'un vient s'écraser aux pieds d'un Frenchie qui se trouve là par hasard (vraiment ?), sans que l'on sache s'il s'agit de chutes accidentelles ou de meurtres. Voilà le point de départ d'une enquête policière riche en péripéties, qui présente les codes du genre : cliffhanger, fausses pistes, pseudo- disparitions, enquêteurs à poigne ; une histoire qui mêle intérêts financiers, politiques, tractations boursières…
Il faut attendre les toutes dernières pages pour découvrir la clé de l'énigme, et dénouer les fils de cette machination diabolique dont la raison d'être n'est peut-être pas celle qu'on croit. Et, comme dans les histoires où il joue un rôle, le diable peut se présenter sous des traits séduisants…
J'ai qualifié ce roman de « lumineux », parce qu'à tout moment, il est éclairé par l'amour, qui seul peut excuser les actes les plus épouvantables.
Le protagoniste au passé douloureux, Lawrence, ce Français fraîchement débarqué à New-York au moment où se noue la tragédie fait figure de naïf : fauché, raté, mais suscitant tendresse et amour. Quel rôle trouble joue-t-il dans cette histoire, lui qui attire tous les regards, faisant naître chez le flic chargé de l'enquête des sentiments contradictoires, et chez les femmes de tendres sentiments ?
Charmantes, l'apparition de l'enfant, Nino, et cette recomposition familiale à laquelle il nous est donné d'assister : un peu de fraîcheur dans cette sombre histoire ;
Charmantes, belles, aimantes, dangereuses, conquérantes, les femmes mêlées à l'aventure…
Et si l'important dans ce roman noir, c'était le visage de l'amour ?