La dernière page n'est pas tournée que l'on souhaite déjà recommencer pour, encore, y rêver mieux.
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Traduire, Charles, c’est ouvrir la porte et circuler dans la langue de l’autre, dans ses mots, tâtonner, progresser, pas à pas, pour en découvrir le secret, le mystère, le rituel, la solennité et le sacré, infiniment abandonné au souffle, aux phrases, attentif au timbre de la voix, à sa musique, à ses variations. Être bousculé fait partie de l’avancée, se sentir impuissant également et, comme en amour, jamais on n’en ressort indemne.
« Si j’en avais eu la force, je t’aurais confié que l’écriture est en moi comme une enfant infirme, maintenue dans l’obscurité. Elle ne sait pas marcher. Ne sait pas parler. Elle est aveugle, sourde et muette. Sans destinée. Sans chemin. Elle craint ce qui l’entoure, se cambre, se rebelle, s’effondre. Elle est sauvage, animale, captive d’elle-même. Si elle était un personnage, elle serait Helen Keller. Elle avance à tâtons, se cogne partout, hurle, renverse ce qu’elle touche, fracasse ce qui l’entoure, se débat et retourne se blottir sous une table ou dans un coin.
Bouleversée par tout ce qui risquait de mourir ou de s’effacer, j’emmagasinais les fêlures et les sillons pour le pouvoir tout-puissant qu’ils possédaient d’irriguer la frangible territoire de vivre.
Moi, je crois que le talent des uns est le chien d’aveugle qui guide les autres vers ce qui leur a échappé.